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8 février 2021 1 08 /02 /février /2021 17:45
Elle qui attend

Photographie : Blanc-Seing

 

 

***

 

 

On est là dans son corps de chair

Son corps de pierre

 

On attend que vienne le temps

On attend longuement

D’être enfin à soi

De se connaître

De ne plus être en fuite

De son être

La seule ressource qui soit

 

*

 

Ici dans les plis ombreux de la ville

Au carrefour des lumières

Dans l’éblouissement de l’instant

Tout glisse infiniment

Dans une manière de brume

Ô ouate des jours

Qui glace les tympans

O fleuve de vie

Qui jamais ne s’arrête

Ô sensations mouvantes

Vous m’enlacez de vos lianes vipérines

Je sens votre venin tout contre

Le miroir de ma peau

Oserez-vous instiller votre mal

Dans le dais infiniment ouvert

De mon âme

 

*

 

On est là dans son corps de chair

Son corps de pierre

 

Il fait si vide dans les coursives

De la peur

Si glacé dans les colonnes d’effroi

Si absurde

Dans l’inutile glacis des veines

Elles gèlent sous les assauts

De ce qui n’a pas lieu

De ce qui toujours se dérobe

De ce qui n’a nul nom

Car à être nommée

La Présence se dissoudrait

Elle qui n’aime que

La vaste solitude

Les cathédrales de glace

Les vents de Sibérie

Aux arêtes aiguës

 

*

 

Pourquoi faut-il que l’air bleuisse

Au contact de ma sourde mélancolie

Pourquoi cette chape de verre

Tout autour de mes humeurs chagrines

Pourquoi le bruit ne parle-t-il pas

Pourquoi la perte des hommes

Loin là-bas dans le désert

Des cases de ciment

Ils meurent de ne point différer d’eux

Les hommes de bonne volonté

Ils se calquent à la dimension

De leur propre image

Ils disparaissent

À même leur vanité

Ils redoublent leur ego

Ils sont dans leurs terriers

En attente du Rien

Et cependant ils pensent

Tout posséder

La gloire d’être

Le mérite de figurer

Dans les avenues mondaines

Et leur jabot enfle

A mesure qu’ils avancent

Ou croient avancer

 

*

 

On est là dans son corps de chair

Son corps de pierre

 

On ne sait plus ce qu’exister

Veut dire

Si l’on existe vraiment

Si quelqu’un vous attend

Non dans le palais princier

Mais dans la modeste chaumière

Combien on aimerait

Parler juste au coin du feu

Avec une voix compagne

Qui soufflerait les mots du bonheur

Ferait se lever

 La voile tendue de l’amitié

Peut-être de l’amour on ne sait jamais

Parfois il arrive sur les ailes du songe

Butine longuement le nectar de votre joue

Y pose la larme assourdie d’une gemme

Y dit les paroles muettes

Car tout ce qui est précieux

Ne vit que de silence

Fait ses ronds dans l’eau

Puis éclate telle la bulle

De cristal dans l’air

Qui crisse

 

 

On est là dans son corps de chair

Son corps de pierre

 

Rien ne bouge au-delà de soi

Le banc est immobile

Qui attend son heure

Les voitures glissent

Dans un bruit de chiffon

Nul chauffeur à leur bord

Avec qui voyager

Tout est rêve

Qui fond dans le sommeil

 

*

 

Quand le réveil

Avec son bruit de chaînes

Ah les fantômes sont postés

Ici et là

Qui nous enveloppent

De leur voile de mystère

Que vienne la nuit

Seule consolatrice

De notre solitude

Au moins dans ses plis

Avons-nous refuge

L’ombre est souveraine

Qui efface tout

 

*

 

 

 

 

 

 

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