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4 juillet 2018 3 04 /07 /juillet /2018 17:34
Il nous fallait ce feu

                 Photographie : Blanc-Seing

 

 

***

 

 

Il nous fallait ce feu

 

Il nous fallait cette ligne

Qui vibrait à l’horizon

Il nous fallait ce signe

Qui signait notre unisson

 

*

 

Nous partions dès avant l’aube

Les hommes dormaient

Dans leurs lits de bois

Les moutons

Dans leurs lits de laine

L’air dans la vallée

Etait cette invisible haleine

Cette voix à peine levée

Ce doux frisson semé

Parmi la brume

Parfois un reste de lune

Gonflait le lac immobile

Du ciel

 

*

 

Nous parlions peu

Avares de nos voix

Généreux de nos corps

Sur leur attentive margelle

Se devinait la divine impatience

Celle qui les unissait

Dans la neuve pliure du jour

Les aurions-nous ignorés

Ils auraient rugi tels des fauves

Que la faim terrassait

Leurs crinières faisaient

Leur halo insolent

 

*

 

Nous étions au centre

Du drame

Pareils à des enfants

Surpris en plein rêve

Qui demeurent hagards

Dans la flamme du jour

Leurs paumes ouvertes

De n’avoir connu

Qu’une partie

D’eux-mêmes

Ce suspens à jamais

Qui était adversité

 

*

 

Il nous fallait cette ligne

Qui vibrait à l’horizon

Il nous fallait ce signe

Qui signait notre unisson

 

Il nous fallait ce feu

Condition de notre passion

Eviter de trop nous connaître

Telle eût été notre perdition

 

*

 

En bas sur le seuil ombreux

Des maisons

Les hommes se levaient

Ivres de nuit

Les femmes titubaient

Privées de jour

Longue avait été la traversée

Rares les amours

Leurs chairs se tutoyaient

Mais se perdaient

Dans le tumulte du temps

Ce marais dont jamais

On ne saisit les rives

Ce fleuve étincelant

Qui vogue à l’infini

Cette gemme de l’instant

Qui nous éblouit

 

*

 

Il nous fallait ce feu

 

Nos étreintes étaient

Brèves et fiévreuses

Chargées du poids insigne

De la Mort

Témoins le bosquet

Au frais feuillage

Le geai des chênes

Dans sa fuite bleue

La mésange charbonnière

Le casque noir de sa tête

Le jais brillant de son œil

Son vol léger partout

Où l’air la cueillait

Se doutait-elle

De notre urgence

À être

Ici sous la lourde férule

Du ciel

 

*

 

La boule blanche du soleil

Trouait les nues

Les collines s’allumaient

De sinistres lueurs

L’aurore s’était abreuvée

 Du sang  des vivants

Elle disait au loin

La rude épreuve de vivre

Le sombre devoir

De clouer bientôt

Sa dépouille

Aux portes usées

Des demeures

C’était la coutume

Dans ce pays sans nom

 

*

 

Le sursis était pendu

Telle une boule de cristal

Qui crépitait de mille vérités

Hommes sur terre

Seul le signe d’AMOUR

Porté à son incandescence

Pouvait encore nous sauver

D’une dérive

Depuis longtemps

 Commencée

 

*

 

Le soir après avoir épuisé

Les ressources des buissons

Et des haies

Les chants du vent

Et le cours de la mer au loin

Nous redescendions

Parmi les hommes

Nous avions été

Dieu et déesse

L’espace de nos corps

Crucifiés

Il nous fallait redevenir

 Mortels

Infiniment mortels

Telle était la dure loi

Des étreintes qui cessent

Et parfois des pleurs saignaient

À nos yeux martyrisés

 

*

 

Il nous fallait ce feu

 

Il nous fallait cette ligne

Qui vibrait à l’horizon

Il nous fallait ce signe

Qui signait notre unisson

 

*

 

 

 

 

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