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29 février 2020 6 29 /02 /février /2020 15:01
J’ai écrit ton nom

Photographie : Blanc-Seing

 

***

 

 

J’ai écrit ton nom

sur de hautes falaises,

là où le ciel n’avait

 plus d’appui.

J’ai écrit ton nom

aux cimaises du jour,

à l’heure levante

où dorment les hommes.

J’ai écrit ton nom

dans le sable des dunes,

sur les sentiers semés d’herbe,

au creux des blanches dolines.

 

J’ai écrit ton nom

aux margelles des fontaines,

là où l’ombre devient blanche,

où parle le silence.

Ton nom je l’ai gravé

 dans le marbre doux de la glaise,

sur les clartés étoilées du bronze,

dans les coulures d’encre.

Ton nom je l’ai chanté

parmi le conciliabule

des mouches,

au plein

des fêtes dionysiaques,

 au revers des feuilles.

Ton nom j’en ai fait

de subtiles vrilles

pareilles à ces lianes

qui épousent les rameaux.

 

Ton nom, oui,

 l’Imprononçable,

celui toujours en fuite de soi,

 je l’ai murmuré au sein

 des conques marines,

dans la pulpe verte des oasis,

sur les hauts plateaux

où glisse la lumière.

 

Toi à qui je destinais

mes gestes,

ma voix,

 le lac gris de mes yeux,

 pouvais-tu, au moins,

en saisir la fugue,

en goûter la singulière fragrance ?

Ton nom je l’ai vu surgir

 au bout de mon stylet,

creuser la feuille de cuivre,

mordre le métal,

 puis fondre au loin

dans une brume légère.

 

Toi, l’Impalpable,

 sais-tu au moins

qu’à chaque instant

qui passe,

des milliers de lèvres

prononcent

les contours de ton être,

que des milliers de gorges

se serrent à seulement

évoquer qui tu es,

que des milliers de larmes

sont chaque jour versées

pour insuffisamment

 t’amener à la présence ?

 

 Ton nom de vent,

nul ne peut s’en dire

possesseur.

Ton nom de feu,

bien des quidams

 s’y sont brûlés.

Ton nom de glace

se consume telle l’étoile

 au fond de la galaxie.

Ton nom de rien,

pourtant,

 emplit le vide

qui devient

 pure offrande de soi.

Ton nom,

chaque heure qui passe,

trouve son écho

tout en haut d’un parchemin,

connaît son rayonnement

dans l’espace

entre deux âmes,

brûle dans le rougeoiement

du désir.

 

Qui n’a jamais prononcé

ton nom

vit un enfer sur Terre.

Qui n’a jamais entendu

ton nom

est comme le paralytique

soudé à son immobile lieu.

Qui n’a jamais rêvé

ton nom

est pareil au mendiant

aux mains nues.

 

J’ai écrit ton nom

sur les pages de mes livres,

sur mes cahiers d’enfant,

je l’ai inscrit

sur mes plumiers d’écolier.

Encore il résonne

dans le vestibule

de ma mémoire,

 il fait ses belles

confluences,

il fait bourgeonner

ses somptueuses

réminiscences.

 

J’ai écrit ton nom

au fronton des musées,

 sur le marbre luisant

des péristyles,

sur le tranchant

des silex,

dans l’hélice de gemme

des fossiles,

sur les cailloux bleus

des moraines,

sur les bâtons percés

de nos ancêtres.

Je l’ai écrit sur le seuil

des jardins,

sur la pierre

des portiques,

j’en ai fait

de brefs aphorismes,

des formules lapidaires

 presqu’effacées

sur quelque évanouissante Babel.

 

Je l’ai fait résonner

dans les boyaux des grottes,

sur les draperies de calcite,

sur les colonnes de cristal

où repose le vaste pied du monde.

Vois-tu, Toi qui fuis

à l’horizon des choses,

as-tu bien conscience de ta valeur,

connais-tu l’amplitude

de ta puissance,

as-tu seulement

l’idée du royaume

dont tu es le héraut ?

 

Ou bien es-tu si Illisible

que tu ne parviens nullement

 à ton propre déchiffrement,

hiéroglyphe flottant

dans l’immense nacelle

 de l’univers ?

Mais pourquoi donc,

lorsque les hommes s’essaient

à écrire ton nom,

leur main tremble-t-elle ?

Mais pourquoi donc,

lorsque les femmes

t’inscrivent dans leur voix,

se lève un bruit

pareil à un sanglot ?

 Pourquoi, lorsqu’un enfant

 balbutie ton nom,

ce dernier devient

 si évanescent,

 tout juste un ris de vent

à la face d’un lac ?

 

Aujourd’hui, vois-tu,

 au seuil de l’année nouvelle,

 j’ai décidé de t’écrire

 un court poème,

un genre de rituel,

peut-être de vœu intime

qui m’accompagnera

et, je l’espère,

me comblera.

 

Au seuil de l’An Neuf

Magique Présence

Oseras-tu encore m’ignorer ?

Un seul geste de toi, pourtant,

Rimerait avec bonheur.

 

Oui, avec BONHEUR

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