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16 juillet 2020 4 16 /07 /juillet /2020 07:44

T’ayant un jour aperçue

dans cette ombre si longue,

elle n’avait nulle fin,

je pensais t’avoir perdue

avant même de te connaître.

 C’était étrange de t’apercevoir

au travers de ce rideau de brume,

 loin des yeux des hommes,

tout contre cette sauvage

Mer du Nord

dont tu paraissais être

 un étrange prolongement,

la poudre d’une dune,

le flottement d’un oyat

 dans le vent,

le vol d’un oiseau

sur le jour de porcelaine.

 

Ce qui m’était précieux,

 qui me rivait au lieu de ton corps,

c’était cette tremblante incertitude

que tu m’offrais comme si,

en un instant,

tu avais pu te distraire de moi,

retourner dans ta pliure native.

Souvent je méditais

sur la vanité des choses,

leur peu de réalité,

les songes des hommes qui,

au réveil,

se déchiraient

et les laissaient hébétés

 dans la blanche cellule

du silence.

 

Il y avait si peu à saisir.

Il y avait tant à donner

aux mains complexes

de la nuit.

Parfois, errant au hasard

d’heures bien creuses,

foulant le sable

que le flux avait durci,

méditant sur le rien

de l’heure à venir,

 je m’interrogeais

sur ma propre présence

au monde.

 Que signifiait-elle ?

Quel hasard m’avait déposé

en ce lieu de la terre

dont le futur serait

mon dernier abîme ?

Avais-je jamais

rencontré quelqu’un ?

Je veux dire,

 nullement dans sa chair,

dans son tumulte de peau,

 dans son apparence,

dans ses affèteries,

mais dans son être même,

dans son essence irréductible

 à quoi que ce soit,

dans sa solitude

si tu entends le message

 de mon âme tourmentée.

 

Mais, sans doute le sais-tu,

Toi dont l’évanescente silhouette

dirait plutôt ta disparition,

que ta venue en présence,

à peine sommes-nous

venus à nous,

tellement il est difficile

de vivre

sous la pesée du ciel,

le regard lourd de la terre,

l’eau qui, parfois,

tombe du Ciel

 et nous convoque au Déluge.

 Autrement dit à la fête du Néant.

 

Mais que je te dise plutôt

le site de mon errance.

Le sable est bosselé,

 parcouru de tapis

d’herbe verte,

jaune par endroits,

grise dans les creux,

 irisée de vent

en haut des dunes.

Des grappes de nuages

flottent à mi-ciel.

L’immense est une perte bleue

avec des déchirures de lumière.

 

 Un étang en forme de croissant

ou bien de parenthèse

(serait-ce un signe

d’une mise à l’écart

du monde ?),

 lisse ses eaux étales

 semblables à un métal poli,

à un étain antique.

A l’horizon,

 une barre de sable habitée

d’une végétation sombre.

Elle regarde la mer,

son immense plateau

 parcouru de sillons,

de tremblements,

 de reflets qui se perdent

dans la clarté poncée et inutile,

que bientôt n’éclaireront plus

que les yeux immobiles des étoiles. 

 

Oui, vois-tu, toujours sombre le jour

 en d’abyssales fosses,

toujours l’heure étrécit

 pour ne plus paraître,

toujours les choses agonisent

sur le bord de leur indigence

et ne nous laissent,

tout au plus,

que quelques signes

dont notre esprit ne prend

nulle possession,

l’exister est ceci

qui toujours fuit devant,

 fait signe et se dilue

comme appelé

par une étrange faille,

jamais nous n’en connaissons

 ni la destination,

ni la raison de sa présence.

 

Mais, dis-moi,

ne serions-nous,

tous les deux,

des mots égarés

que nul ne pourrait prononcer ?

On ne prononce nullement

l’arcature du Vide.

L’écho de deux Vides

a-t-il jamais constitué

un Plein ?

Deux absences pourraient-elles

tresser l’effigie d’une présence ?

 

Certes, il me faut le reconnaître,

tu es le Sujet d’une peinture

 aperçue dans le mystère

d’un musée.

 Désincarnée si l’on veut,

mais tellement inscrite en moi,

je pourrais décrire une à une

les parties aussi bien visibles,

qu’invisibles de ton corps.

 

Je pourrais dire le frêle

de tes membres,

ta robe blanche

de communiante,

les deux tiges droites

de tes jambes,

le feu éteint

de tes cheveux,

la sagesse de tes mains

couleur d’argile,

elles semblent vierges

de tout toucher.

Dans l’immense du tableau,

tu viens dans la douceur,

dans l’esquive de toi,

dans la discrétion,

et c’est presque un miracle

 de t’apercevoir.

Tu es pareille à une flamme

dans sa cage de verre,

 une manière de grésillement

que ton souffle juvénile,

à peine, entretient.

 

C’est heureux que tu sois ainsi,

située dans une marge inquiète,

dans une pensée

en naissance de soi.

Un genre de méditation,

celle que connaissent

 les sages et les esthètes,

celle que connaissent les amants

dans le tremblement

avant-coureur

de la rencontre,

dans le rougeoiement

inaperçu de la passion.

Ou bien es-tu braise

que l’âtre dissimule

dans sa colline de cendres ?

Non, je ne te laisserai pas mourir,

sur toi je soufflerai

afin de ranimer ton âme.

‘Rien, jamais, ne mourra’

 qui, un jour,

aura été éprouvé

 dans le cristal

d’une indicible joie !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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