Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
5 décembre 2013 4 05 /12 /décembre /2013 09:05

 

Des mains positives aussi pour dire le corps, son importance, son règne incomparable parmi les ombres de l'antre primitif. Le corps en attente d'un esprit à partir duquel rayonner, d'une âme dont se doter afin de s'extirper aux tentations par trop pierreuses. Un crâne avait vite fait d'éclater sous la meute des silex. Pas encore de morale, pas encore de surface lisse, policée. Il ne fallait pas brusquer les étapes. Laisser à la pêche, à la chasse, à la cueillette le temps de trouver leur place avant que n'intervînt la réflexion, que ne se mît en place la structure vive du concept. Encore procéder à quelques réglages, à quelques ajustements, encore enfouir son groin taché de tubercules, emmêlé aux racines dans la glèbe lourde, encore se vautrer dans la soue avec ses compagnons et compagnes de fortune. La pratique d'une pure joie limoneuse.

  La terre était bien là, mais seulement comme socle primitif, sensation première avant que ne s'ouvrent d'autres significations plus rigoureuses. La terre en tant que terre. L'argile, on en couvrait les subjectiles pariétaux, on y apposait toutes sortes de signes, pointes de flèches, points, arcs, traits, rythmes de croix, diffusion d'étoiles. Terre où apparaissaient les premières couleurs, la sanguine, l'ocre, le noir, le blanc, lexique simple mais déjà pourvu de ce chromatisme primitif qui constituait un premier alphabet, un début d'explication, la mise en acte d'un cosmos se dégageant lentement du chaos initial. Puis, la terre, on lui donnait de plus en plus de présence, on l'assignait à devenir, là, dans le clair-obscur de l'abri, multitude de signes, charrues et bétail; cerfs aux bois étendus; bisons et bouquetins; félins et rhinocéros à la corne levée; licornes, chevaux et ours des cavernes; figures zoo-anthropomorphes, enfin on la conduisait à avoir un destin singulier bien loin maintenant d'une simple réalité sur laquelle poser l'empreinte de ses pieds. La terre, par la main de l'homme, avait été portée à la dignité de ce qui indiquait une direction, un progrès à atteindre, une vie dont il fallait témoigner. Il fallait poser les premières pierres d'un édifice de l'art. Bond prodigieux qui inscrivait l'homme, sa relation aux éléments dans une aventure ample, en même temps que se dessinaient les linéaments d'une histoire, au sens d'une fiction, d'un langage symbolique, mais aussi jetait les bases de l'Histoire en train de procéder à sa propre libération des pesanteurs préhistoriques.

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : ÉCRITURE & Cie
  • : Littérature - Philosophie - Art - Photographie - Nouvelles - Essais
  • Contact

Rechercher