Parlotte à deux voix avec Nath Coquelicot.
(Sur un échange à partir de Facebook).
Source : Nicolas Bordas.
Nath Coquelicot :
J'ai lu et je sais que je vais y revenir. Y aurait-il là des phrases que je ferais mieux de ne pas lire ? La première lecture est venue cogner, la deuxième, à laquelle je réserve un autre temps va être celle de l'arrêt sur certains mots, puis je vais m'immerger. Mais je sais que je vais revenir, comme vous le disiez, à suivre, je suis, je vais suivre, rebondir, me taire et respirer, hoqueter pourquoi pas ? Je lis chair souvent, merci !
Blanc-seing :
Merci pour cette lecture hoquetante, palpitante, passionnelle en un mot. Comme je l'aime. Ou bien l'on dit dans la pulsion ou bien l'on demeure dans le silence. Le dire est cette expression qui sort tout droit des alvéoles et fait son bruit de bourdon alentour du monde. Proférer est toujours une expulsion de soi en direction de ce qui est autre : les Autres, bien évidemment, les choses, la beauté, mais aussi cela qui repousse et blesse. Autant déployer son scalpel et entamer ce cuir qui, partout, enserre et menace de tout reconduire à la mutité. De sa parole il faut faire un CRI, tendu, tragique, démesuré comme celui, pathétique, d'Edward Munch. L'existence est cette continue turgescence en direction de ce qui fait face et, souvent, nous aliène.
Il y a trop de tristesse et trop d'ivresse corollairement contenues dans l'orbe étroite de nos gorges et il faut un gueuloir, celui que Flaubert réclamait pour ses textes afin qu'ils fassent phénomène dans une manière de clameur. Gueuler le monde, en extirper ce qui se dissimule sous les fausses apparences - les sourires ne sont que l'envers du tragique, de la peur infinie de la finitude -, gueuler le monde de la misère, de la dérision, de l'égoïsme cuirassé, blindé identiquement à un vieux blaireau. Le monde, il faut cogner dessus jusqu'à lui faire entendre raison, jusqu'à lui ôter toute envie de paraître dans l'insolence majuscule. Partout, sur la Planète Bleue, on égorge des enfants, on dresse les bunkers de la honte, on érige les murs des différences sociales, raciales, des sexes.
Mais les sexes se valent tous dès qu'il s'agit de se précipiter, tête la première, dans la première aporie venue. Mais les couleurs de peau sont identiques pour oppresser et faire travailler dans les mines de la honte. Mais les corps sont tous beaux qu'on livre à la prostitution mondialisée en se voilant la face. Mais les religions sont toutes égales qui encagent les consciences. Que ne se révolte-t-on devant tant d'inepties ? Que ne prend-on les armes ? Dressons les arbres de la liberté, coiffons nos têtes de bonnets phrygiens. Et merde aux riches et merde aux inconscients et merde à tous ceux qui vomissent leur haine sur les peuples pauvres et les opprimés.
Marre de cette plurielle inconséquence qui mutile les pauvres boyards et verse les eurogaz à tous les oligarques du monde qui dressent vers le ciel d'hiver toutes les flammes olympiques de la gloire. Ces flammes sont celles d'un nouvel impérialisme, peut-être pire que la dictature promise par les Bolchéviks. De cécité nous crevons, d'indifférence nous creusons les tombes de l'humain. Mais quand donc serons-nous, les Hommes, les Femmes de la Terre, un peuple debout ? Quand donc les consciences s'ouvriront afin que nous y déversions l'indispensable beauté ? Nous hurlons dans le désert et nos yeux sont muets !