ART BRUT : « Des productions de toute espèce - dessins, peintures, broderies, figures modelées ou sculptées, etc. - présentant un caractère spontané et fortement inventif, aussi peu que possible débitrices de l’art coutumier ou des poncifs culturels… »
Jean Dubuffet.
Chez Marc Bourlier, la définition de Dubuffet s’applique à la lettre. Art « Brut de Brut », comme pour les grands crus. La robe est soutenue, de vieil or ; le nez est de chêne avec une note rugueuse ; l’attaque en bouche est franche suivie d’une belle longueur aromatique. D’Art Brut il s’agit en effet, la Halle Saint-Pierre en accueillit ses hôtes discrets derrière les grandes verrières du pavillon Baltard.
Cependant si l’on se veut en quête d’une filiation, c’est moins du côté des longs tâtonnements esthétiques de Dubuffet qu’il faut se tourner ou bien de l’alphabet pictural inventé par Gaston Chaissac, que dans la perspective modeste d’un Emile Rattier, fermier du Lot qui composa des « articles de bois » selon sa belle expression, « Diligence », « Viaduc » et autres carrioles que hantent de sympathiques petits personnages qui, aussi bien, eussent pu se fondre dans la galaxie bourlierienne sans autre forme de procès.
Le bois était de récupération, comme chez Marc qui récolte les anatomies éparses de ses figurines sur les plages, vestiges d’un monde consumériste qui ne songe qu’à se débarrasser des déchets qu’elle produit à foison. Aussi, cette cueillette de l’objet déchu - l’arte povera est proche -, s’inscrit-elle dans une sorte de recyclage ontologique, comme s’il s’agissait de redonner vie à ces éclisses et autres mortaises qui sont les nouvelles arches de Noé de la modernité. Il faut sauver ce qui peut l’être encore et c’est peut-être l’une des fonctions singulières de l’esthétique présente que de donner une âme à ce qui en a été privé par la cécité des hommes.
Mais ici, nulle herméneutique savante qui se déclinerait sous les espèces d’un métalangage, autrement dit d’un texte qui se superpose à l’œuvre et en occulte, en quelque sorte, la teneur. Ici tout est simple, naturel, direct. Le lexique est celui de l’écorce, de l’aubier, du cœur, de l’âme, en définitive, puisque le bois en possède une. Ces minces esquisses, dans une langue dépouillée - trois oculus pour voir et faire silence ; une brindille pour humer ; un liteau pour figurer au monde et être reconnu -, ces répliques du réel donc nous disent en termes allégoriques les nervures de notre condition, un étonnement qui nous traverse et nous interroge afin que nous connaissions notre essence. Essence du bois, essence de l’homme : une commune destinée à laquelle nous convient ces manières de génies tutélaires. Nous les aimons du fond du cœur ! Ils sont nos échos. Ils sont nos émotions. Ils voyagent en nous pour la durée du temps. Il n’y aura nulle « oublieuse mémoire ». Comme une écharde plantée au centre de la chair qui, jamais, ne s’absente. Celle-ci est joie et non douleur. Oui, pure joie !
JP Vialard.
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