A PROPOS ... DE MES PHOTOS.
"Photographie", étymologiquement "écriture de la lumière". Mais comment donc écrire la lumière, comment traduire l'essence de ce phénomène qui, par sa nature propre, transcende le réel mais aussi tout concept qui prétendrait en déterminer l'essence, la cerner par le truchement de prédicats, lesquels se révèlent, d'emblée, aussi vains qu'empreints de vanité. Comment donc proférer quoi que ce soit au sujet de ce qui est indicible ? Comment témoigner face au prodige de ce qui toujours se retire dès son apparition même ?
User d'un subterfuge, fixer dans l'instant l'éternelle fuite des phosphènes. Graver dans les cristaux d'argent la courbure éphémère du pur mystère. Tout essai n'est qu'un pis-aller, l'aveu d'une impuissance foncière. Le sable s'échappe toujours des mains qui veulent le saisir. Il ne reste jamais que quelques grains de silice bien incapables de dire la majesté de la pierre originelle, le lent processus de son immémoriale érosion.
Il en est de la photographie comme du sable au creux des mains de l'enfant : il ne reste jamais qu'une impression, qu'une trace ourlée d'incomplétude. La lumière n'est plus qui fécondait le paysage, modelait les traits du modèle, dessinait dans l'espace les contours de la nature morte. "La nature morte". Faut-il se contenter de cela, c'est-à-dire mettre en exergue les nervures de l'être-au-monde alors que ce dernier s'est déjà éloigné de nous, s'est absenté de notre regard, se perdant dans les complexités mondaines ?
La photographie ne serait-elle que cela, ce constat du toujours déjà disparu, ce cliché d'une insaisissable réalité ? Les images ne seraient-elles que des genres d'ex-voto dédiés à la lumière, une manière de reconnaissance à son égard ? A chaque instant la lumière dépose son empreinte sur les choses et c'est bien cette fulgurance que nous voulons saisir en un geste quasiment désespéré, voire même tragique.
Mais ceci n'est en rien spécifique de la photographie. Cézanne lui-même a cherché toute sa vie à saisir "l'odeur bleue des pins" et "le parfum de marbre lointain de la Sainte Victoire". Ce qui est à faire surgir c'est donc cette pure présence, ce à quoi il faut employer ses dons, c'est de permettre le décèlement de la vérité. Mais si la pâte picturale peut être travaillée dans l'urgence afin qu'elle reproduise la vibration de l'âme de l'artiste au contact du phénomène, le photographe est soumis à une plus grande urgence encore, "l'apparition" ne pouvant se saisir que dans le temps microscopique de l'instantané.
Le peintre a toujours le loisir de reprendre sa pâte, de la retravailler, d'y introduire de nouvelles sensations. Le photographe est soumis à la tyrannie temporelle du "kairos", ce moment décisif , ce temps de l'occasion opportune à partir duquel l'œuvre existera à l'aune d'une rapide étincelle. Une hésitation et l'œuvre n'est plus qui déjà appartient à la mémoire. Les choses en leur épiphanie sublime ne durent jamais qu'à l'aune de l'éclair de la conscience. C'est pour cette raison que beaucoup photographient mais peu créent d'images pouvant prétendre figurer aux cimaises de l'art. Tout ceci est une question de regard, de disposition à l'événement dans sa dimension purement signifiante.
Henri Cartier-Bresson était affecté d'une telle vision créatrice. C'est pour cette raison que ses créations portent toujours l'empreinte d'une rareté du temps dont il a su confier à son objectif la tâche de le métamorphoser en moment d'éternité. Peu y parviennent faute de posséder cette vision extralucide. Tous les grands créateurs sont, au pied de la lettre, des voyants.
Mais que l'on ne s'y méprenne pas, si ces quelques considérations préliminaires veulent poser un cadre général quant à la réflexion sur l'art et notamment sur la photographie, elles ne sont nullement une introduction à mes propres photos (vous aurez remarqué l'élision volontaire du mot, laquelle cherche à établir une distinction entre "photo" comme acte ludique créatif et "photographie" comme expression d'une œuvre d'art).
Donc, "Mes Photos", veulent tout simplement être les témoins de moments privilégiés au cours desquels des phénomènes se sont produits qui méritaient de témoigner d'une réalité particulière, qualité de la lumière, esthétique formelle, simple poésie d'un paysage, objet pourvu de lignes signifiantes, perspectives géométriques se détachant sur un fond.
Nombre de clichés sont constitués de "flous intentionnels", d'autres d'anamorphoses faisant apparaître le monde sous une perspective inhabituelle, d'autres de mises en scène rapprochées de végétaux présentant des qualités formelles évidentes; d'autres de cadrages serrés cherchant, en isolant le sujet par rapport à son contexte habituel, à en faire des manières de modestes icones de ce qui nous entoure quotidiennement et à quoi nous ne prêtons plus attention.
Donc ces prises de vues partent toujours d'un présupposé théorique, lequel pourrait s'énoncer de cette manière : Face à un univers matériel qui ne signifie plus à force de banalité ou d'habitudes sédimentant les choses, il convient de porter, sur ces dernières, un regard singulier, hautement subjectif afin que, visées différemment, ces choses nous apparaissent avec une nouvelle évidence et que nous puissions entretenir avec le monde un dialogue renouvelé.
*** Et, maintenant, quelques précisions pour les amateurs de caractéristiques techniques :
Matériel utilisé :
* Canon G 12.
* Adaptateur pour filtres "Canon".
* Filtre polarisant "Hoya".
* Filtre de densité neutre NDX8 "Hoya".
* Utilisation du filtre de densité neutre embarqué dans l'appareil.
* Filtre coloré Deep Yellow 15 - "Tiffen".
* Bonnette macro Close-up + 10 - "Massa".
* Porte-filtres "Cokin" + Filtres translucides.
Caractéristiques de prises de vues :
* Bougé volontaire.
* Pose longue.
* Utilisation de produits divers appliqués sur les filtres "Cokin".
* Parfois images brutes non retraitées.
* Nombreuses images grâce à des Filtres embarqués sur "Photoshop".
* Plus quelques "recettes" personnelles qui ne méritent pas de longs développements.
A déguster sans modération.
L'abus d'images n'est pas dangereux pour la santé.