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Dans la Collection"AFFINITES TEXTUELLES" se devait de figurer, en bonne place, un des plus éminents monuments de la littérature, à savoir les célèbres "Chants de Maldoror". Oeuvre sans doute mal comprise, jetée aux orties par certains mais qui, par son exceptionnelle teneur, méritait qu'on lui réservât une place de choix parmi les textes retenus pour figurer dans leur intégralité.

D'aucune se demanderont, sans doute, quel est l'intérêt de publier la presque totalité de cette oeuvre que l'on peut facilement trouver en livre de poche dans toute bonne librairie. Certes, ils n'auront pas tort.

Cette démarche répond à un double souci : d'abord rendre hommage à l'Auteur, ensuite faciliter son accès, certains Lecteurs pouvant oser s'aventurer dans l'aventure du fragment, alors que la totalité de l'oeuvre, par sa touffeur, les en dissuaderait. Il est à noter que "Les Chants", oeuvre singulière s'il en est, loin de se lire comme un roman - ce qu'ils ne sont pas -, peuvent être abordées comme des poésies, l'ordre de lecture des divers fragments pouvant se calquer à la fantaisie du Lecteur. 

Si, d'aventure, un  Lecteur, un seul,  s'engageait dans une seule des pages de l'entreprise maldororienne, alors le but serait amplement atteint !

Bonne lecture donc aux aventuriers.

NB : De cette lecture, on ne ressort jamais indemne, loin s'en faut. Autant dire qu'avec les digressions ducassiennes, l'on se trouve d'emblée immergé dans la plus étonnante des littératures qui soit. Trop peu d'écritures peuvent prétendre s'élever à de telles hauteurs. Un vertige nous en saisit !

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Gallimard, dans sa Revue, à la rubrique "Evénements", notait en 2009, à l'occasion de la publication  des Oeuvres complètes de LAUTREAMONT :

Lautréamont
  Œuvres complètes

  Édition établie par Jean-Luc Steinmetz

  Toutes les notions qui permettent de penser la littérature — auteur, lecteur, texte, genre, plagiat, parodie, humour, ironie — sont mises à la question par Lautréamont. Il nous requiert d’abord par une révolte majeure. Il nous intrigue non moins par les procédés auxquels il a recouru pour la dire : sa technique de combat. Et il nous aide à concevoir ce qu’est la fiction moderne. 
  Mais combien de lecteurs a-t-il touché en son temps ? Une dizaine peut-être. Ouvrages non diffusés, mort précoce : les conditions d’un oubli définitif étaient réunies. Il y eut pourtant renaissance, grâce à des entremetteurs avisés, et à des rééditions, comme celle des Poésies dont André Breton alla recopier à la Bibliothèque nationale les seuls exemplaires alors connus. 
  Au fil des ans, le nombre des lecteurs s’est accru. Et parmi eux des écrivains, accompagnateurs distants ou prosélytes inconditionnels, ont reconstruit Lautréamont en édifiant leur œuvre propre. C’est pourquoi ce volume leur fait place : il propose une édition nouvelle de l’œuvre — parue sous l’anonyme en 1868 (le Chant premier), sous pseudonyme en 1869 (Les Chants de Maldoror par « le comte de Lautréamont »), sous patronyme en 1870 (Poésies I et Poésies II d’Isidore Ducasse) ; puis, dans un dossier de Lectures, il donne la parole aux écrivains : les premiers médiateurs, Gourmont ou Larbaud, les surréalistes ensuite, pour qui
Lautréamont représente le phénomène littéraire absolu, et enfin tous ceux qui, de Césaire à Le Clézio, de Ponge à Sollers, virent en Ducasse une pierre de touche. 
  D’autres consciences, dans l’avenir, approcheront ces textes. Le mauvais esprit des Chants ne peut que provoquer une riposte. Et le ton formulaire des Poésies en fait un vocabulaire pour le futur. Un tel « Grand Combat » n’a pas de raisons de cesser. L’œuvre, pourtant, « s’échappe quand même » (Le Clézio). Sa violence, ses blasphèmes, ses perversions, son « cri d’ironie immense » couvrent à jamais Ducasse, irrégulier devenu régulateur, d’une enveloppe d’authentique mystère.

Lectures de Lautréamont

  Par Valery Larbaud (1914), André Gide (1925), Julien Gracq (1947),J. M. G. Le Clézio (1967)

 

  Les Chants de Maldoror sont un de nos petits classiques. Peu importe que le grand public les ignore et que les manuels ne les mentionnent pas encore (cela viendra). Il suffit que, pour beaucoup des écrivains qui représentent actuellement la haute tradition française, c’est-à-dire pour les successeurs immédiats du symbolisme, ils aient été, au temps de formation qui précède l’apprentissage, un des livres excitateurs. Il suffit qu’ils aient été le livre extraordinaire qu’un collégien bon latiniste cache au plus profond de son pupitre; l’œuvre de fou, dont on ne sait pas si on doit rire ou se scandaliser, mais dont la leçon est claire et utile : tout dire et tout oser.

 

Valery Larbaud, 1914  

 

 

  J’estime que le plus beau titre de gloire du groupe qu’ont formé Breton, Aragon et Soupault, est d’avoir reconnu et proclamé l’importance littéraire et ultra-littéraire de l’admirable Lautréamont. Rien ne pouvait me flatter davantage, que la demande qu’ils m’ont faite d’écrire une préface pour la réédition qu’ils préparaient des Chants de Maldoror. Si j’ai décliné cet honneur, c’est que j’estimais impertinent d’expliquer, de présenter même, cette œuvre à un public avec lequel elle n’avait que faire, et d’avancer un escabeau pour y atteindre, alors qu’on n’y peut entrer que par bond. 
  Il ne me paraît pas, au demeurant, que Lautréamont fût parfaitement responsable ; mais sa force étrange et sans précédent dans notre littérature, vient précisément d’avoir su protéger et maintenir en lui cet état d’irresponsabilité. Son influence au XIXe siècle a été nulle ; mais il est avec Rimbaud, plus que Rimbaud peut-être,
le maître des écluses pour la littérature de demain.

 

André Gide, 1925  

 

 

  Les Chants de Maldoror ne sont pas un éclair tombé d’un ciel serein. Ils sont le torrent d’aveux corrosifs alimenté par trois siècles de mauvaise conscience littéraire. Ils viennent à point nommé pour corriger dans notre littérature un déséquilibre des plus graves, et on s’étonne de la méconnaissance où l’on a tenu si longtemps le sens extraordinairement positif de l’apport de Lautréamont, qui consiste en une avalanche de matériaux bruts, encore tout ruisselants de gemmes souterraines — matériaux à construire l’homme complet.

 

Julien Gracq, 1947  

 

 

  Lautréamont appartient à ce monde, irrémédiablement perdu pour quiconque accepte la comédie du langage adulte, de ce qui précède l’écriture. Ses imperfections, l’insécurité et la démesure de son système verbal, le continuel trébuchement de sa pensée, sont les véritables marques frontières de son royaume : il s’agit d’un autre domaine, celui de la pré-littérature, place forte hermétique où pouvait s’élaborer une œuvre qui n’est pas venue. Lautréamont y est le centre de sa propriété verbale, et il ne cesse pas d’y régner en maître absolu, nous livrant dans chaque mot incomplet, dans chaque phrase tremblée, dans chaque cri le secret de cette jouissance et de ce grand malheur : la solitude absolue. Et souvent aussi, vient l’espoir humiliant que cette aventure au pays des mots était vouée à une sorte de mort : lorsque, trahissant à jamais leur créateur, les phrases, rompant leur ancienne crispation léthargique, lentement déroulent leurs spires et bondissent vers nous, qui savons en faire nos esclaves. Les serpents gardent toujours leur venin.

 

J. M. G. Le Clézio, 1967  

 

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