Nous sommes les enfants de la Terre et du
Ciel.
Source : Jeanbaptistebesnard's Blog.
(Sur une proposition
d'Isabelle Alentour).
"Une nuit, sur la mer.
Dehors il pleuvait.
Eux, au-dedans, ils s’aimaient.
Insensible tangage et sourde volupté. Les vagues venaient de très loin les bercer. Les bercer, et mourir. Entre chaque vague un suspens. La première très joyeuse, la dernière pure vibration,
chant inaudible et indicible entrecoupé de nappes de sommeil.
Au matin, un peu de chagrin. Longtemps la jeune fille regarda l'homme allongé auprès d’elle.
- Les plaines sont trop étroites et la terre pesante, lui disait-il. Tu ne seras pas loin, mais tu ne seras pas là. Aussi chaque jour je t’apporterai des orages, et nous irons les danser sur les
plages.
- Regarde, dit la jeune fille simplement. Regarde tout autour l’étendue des possibles."
Lire ceci, c'est comme de s'installer sur le bord du monde et regarder l'origine. Tout est dit del'Homme dans le refuge auprès de l'Amante, cette conque qui recueille et fait don de la vie. Doux bruissement, rythme des vagues
amniotiques, terre d'asile toujours quittée à regret. Car sortir du possible en direction du réel est toujours une douleur. Seul le grand Océan primitif amène son tangage pareil à une universelle harmonie. Symbiose, fusion, volupté en miroir. Gagner les rives de la
Terre et, alors tout paraît trop étroit, aussi bien les plaines, tout semble se disposer à la lourdeur, à la pesanteur, aussi bien les plis de la glaise.
On a quitté la Terre Promise, on a plongé au mitan des vagues
existentielles. La Femme est désertée, son amour libre, ouvert, s'est replié à la manière d'une corolle souple, tentaculaire, genre d'anémone de mer
occluse, reconduite à son souvenir d'outre-vie, là où ne s'informaient que de pures virtualités.L'Homme est orphelin, abandonné à son sort, solitude forant
jusqu'au tréfonds de l'âme. "Tu ne seras pas là", tu seras quelque part sur le cercle de réminiscence, mémoire aquatique, vagues, rythme
syncopé, univers en suspens. Mais comment retrouver cette libre disposition de Soi à l'Autre autrement que
par le rêve, l'imaginaire, la longue et sourde méditation. "Les bercer et mourir", voilà donc cette vérité qui sépare les
Amants - la première relation est de cet ordre, l'inceste est toujours une fable qui rôde juste au-dessous de la ligne de flottaison - les
Amants qui, chacun de leur côté, accomplissent leur chemin dans cette manière de bercement, rythme immémorial cerné de finitude.
Jamais on ne sort de cette
alternative, de ce balancement, de cette vibration ontologique du jour à la nuit, de l'ombre à la lumière. Le ciel est, lui aussi, devenu trop étroit. Alors que
reste-t-il pour distendre la peau fripée du monde, si ce n'est inciser le ventre des nuages, y faire surgir les éclairs - cette sublime métaphore de la divinité, de l'esprit, de la brûlure de
l'intellect - d'y provoquer l'orage. L'orage comme larmes du ciel, mémoire du
grand bain primordial, destination la Terre qui en sera fécondée afin que puisse se reconduire le
cycle temporel vers un genre d'infini. D'absolu. L'Amour n'est rien que ceci ou bien n'est pas.
Tout Amour reproduit en microcosme ce que le grand Amour primordial, immense macrocosme a dessiné au sein même
des âmes dont elle veut réaliser l'assomption sur les vagues terrestres. En définitive, nous ne sommes que les Fils, les
Filles de ces belles noces
de la Terre et duCiel qu'un jour
nous connûmes, afin de porter témoignage de leur existence. Tous, nous le savons mais, souvent, renonçons à en tracer l'arche de lumière. Pourtant c'est gravé en nous, comme la marche des étoiles
est inscrite sur la courbure de l'éther.