(Sur le livre d’Emmanuel Ruben).
4° de couverture (L’araignée givrée).
"Une matinée d’automne, au milieu du XXIe siècle, dans une vieille ville anonyme, quelque part entre la mer et le désert. Les premiers pans du grand barrage qui coupe en deux les Îles du Levant se fissurent. Pendant la chute du mur, quatre hommes prennent la parole à tour de rôle et imaginent le futur.
Mais leur passé les rattrape car tous se souviennent de la mort de Walid, un adolescent qui, vingt ans auparavant, faisait voler son cerf-volant au-dessus de la frontière lorsqu’il fut pulvérisé par un drone ou une roquette, dans des conditions mal élucidées. Qui était-il réellement ? Qui l’a tué ? Pourquoi est-il mort ?
Chacun, selon son point de vue, raconte l’histoire de ce jeune révolté. Mais la voix de Walid se mêle peu à peu à celle des quatre narrateurs, pour dire le vrai sens de sa révolte. Des choeurs de femmes l’accompagnent dans cette quête, chantant la tristesse et la beauté d’une terre écartelée, où les hommes n’ont jamais fait que promettre la guerre et profaner la paix.
Dans ce roman d’anticipation aux accents d’épopée contemporaine, Emmanuel Ruben explore de nouveau la frontière de l’Occident et malmène la géographie réelle pour nous proposer une vision renouvelée d'une Histoire qui n'en finit pas de renaître."
Guerre, mur, deux visages tournés vers le néant.
Le phénomène paroxystique de la guerre ne se laisse jamais lire qu’à la manière d’un signifié dégradé en signifiant occulté, lequel en raison de son caractère absurde n’apparaît plus que sous la bannière d’un non-sens, d’un illisible lexique, d’une « inquiétante étrangeté » qui dépouille le monde de sa charge existentielle, chutant dans l’abîme sans fond de la plus confondante aporie. Dans la guerre rien n’a plus cours que des actes sans rationalité, des comportements sans justification que la haine de l’autre, des motivations primaires si proches de l’instinct animal, ce balbutiement de l’être, cette ondulation limbico-reptilienne, cette posture archaïque que ne fait plus se mouvoir aucune considération anthropologique. Acte gratuit par excellence où le geste n’est plus que volonté d’annihilation de tout ce qui n’est pas soi, qui ne coïncide pas avec ses visées, ses intentions maléfiques. L’acte guerrier est entièrement désolidarisé d’une pensée, d’une réflexion, d’un langage qui porteraient au concept la hauteur d’une vue. « Détruire », dit-elle, comme si cette injonction ne pouvait trouver d’autre prolongement que sa propre profération, que sa puissance auto-réalisatrice. Emission d’une apodicticité qui trouverait en soi l’ultime vérité de sa présence au monde. Ce qu’est, par définition, toute apodicticité.
Le mur - cette concrétion matérielle de la guerre, cette incoercible cicatrice, ce stigmate ineffaçable -, le mur donc qui sépare les hommes est cette faille ouverte à l’infini, cette incohérence formelle, cette césure partageant le poème du monde en deux hémistiches irréconciliables, haute polémique instituant la dialectique du même et de l’autre selon deux versants abrupts, seulement doués d’une violente hétéronomie. Deux faces opposées, deux principes adverses dont la métaphore de la pièce de monnaie pourrait rendre compte d’une façon approchée : l’avers ne connaissant du revers que cette mince ligne de la carnèle qui les sépare, sinon les divise, à l’instar de toute frontière qui scinde, arbitrairement, le peuple uni et indivisible de la terre.
Cerf-volant : le double visage de Janus.
Buste romain de Janus, Musée du Vatican.
Source Wikipédia.
Le fil rouge qui traverse « Les serpents » est celui d’une ambivalence fondamentale qui anime tout projet humain, révélant tantôt sa face de lumière (le solstice d’été), tantôt sa face d’ombre (le solstice d’hiver). Double valence que symbolise le visage bifrons de Janus. Ovide nous précise qu’à l’époque où les éléments, terre, eau, air, feu étaient indifférenciés, ce dieu se nommait Chaos, ses deux épiphanies successives attestant la présence, en une même entité, de l’ordre et de la confusion. Janus au règne pacifique était le dieu de la paix que traversait, sans doute, la polémique ancienne, le remuement, le tumulte initiaux. Comme une bataille faisant sa rumeur en filigrane.
A propos de son temple : « Il [Numa Pompilius] éleva le temple de Janus. Ce temple, construit au bas de l'Argilète, devint le symbole de la paix et de la guerre. Ouvert, il était le signal qui appelait les citoyens aux armes; fermé, il annonçait que la paix régnait entre toutes les nations voisines. » (Tite-Live, Histoire Romaine).
Guerre et paix dans la figure du cerf-volant.
Paix. (Extraits).
« Tu le sais, Walid, on prêtait jadis aux cerfs-volants des pouvoirs magiques ; au Cambodge, au Moyen Âge, ils étaient confectionnés par des bonzes et les brahmanes lors des rites agraires : leur vol augurait de la sécheresse ou invoquait la pluie. (…) pendant la pleine lune de l’équinoxe, les moines khmers envoyaient dans les airs de longs serpents volants, (…) dans l’espoir d’apaiser les esprits célestes grâce à cette douce musique aléatoire. »
« Alors que les tiens, de cerfs-volants, qui changeaient tous les jours de forme et de couleur, étaient de magnifiques oiseaux de papier ; lorsque tu accrochais à leur queue des miettes de pain, ils servaient à nourrir les oiseaux, les vrais. »
« Tu rêvais de devenir un homme volant, Walid. Tu disais : un jour, les hommes auront des ailes, et la terre ne les retiendra plus prisonniers. »
« Un instant j’ai été pris de vertige et j’ai cru voir bouger les flancs de la falaise, je l’ai vue se cabrer, ruer en avant puis en arrière, se coucher telle une grande jument blanche, à la fois fauve et docile. Puis je l’ai vue se plisser telle une immense peau vierge et j’ai vu se dessiner, grandeur nature, sur les flancs de la falaise, dans le ciel nuageux, ce nouveau pays dont tu rêvais, cet archipel que tu avais griffonné sur les ailes de ton cerf-volant. Oui, Iristan planait là-haut, au-dessus de nos têtes, comme une constellation diurne, un almageste géant, un atlas des nuées. »
Guerre. (Extraits)
« Et la vérité c’est que chacun de mes engins volants était à double face [Janus, c’est moi qui souligne], avait un recto et un verso, représentait à la fois une nouvelle arme et une nouvelle patrie… »
« …y a rien de plus fragile qu’un cerf-volant (…) un bon cerf-volant est celui qui peut se tendre comme un arc, fendre l’air comme une flèche, et supporter les secousses les plus violentes. »
« Nous savions qu’il avait imaginé ces machines de mort qu’il baptisait de noms guerriers, Boomerang, Yatagan, Kalachnikov, Kamikaze, Revolver, Zeppelin, etc. Nous savions que Walid n’était pas mort innocent. »
« Le cerf-volant du XXI° siècle ça s’appelle un drone, au cas où vous ne seriez pas au courant ! »
Paix dans les mots.
« Des fois, même, je dessinais un truc chelou sur les voiles de mon cerf-volant juste pour voir le beau sourire de Nida, une caricature de l’oncle Hassan quand il se met en colère, une vision du grand barrage quand il sera démoli, le cheval blanc de Mahomet avec ses ailes d’aigle et son buste de femme et sa queue de paon, un bateau ivre, un cavalier bleu, un iris aux sept couleurs de l’arc-en-ciel, un tigre enragé, un orang-outan, un hippocampe céleste, une libellule à queue fourchue, un dauphin fou, un perroquet zébré, un flamant vert, un chameau des neiges, un hibou joyeux, un crabe aux pinces d’or, un espadon supersonique, un crapaud à longues cornes, un cachalot volant, une araignée givrée, un scorpion ailé, un ouroboros, un cobra bicéphale, un caméléon charmeur et moustachu, un gros python rose qui se glisse entre les nuages, un serpent couvert de plumes que je cueillais au pied du mur vu que les oiseaux s’égratignaient toujours les ailes en se posant là-haut à cause des barbelés. »
Les Serpents du ciel, ce n’est pas seulement l’histoire d’un conflit qui oppose deux territoires irréductiblement antagonistes, c’est aussi une histoire d’amour naissant entre Nida, la cousine admirée, convoitée et Walid l’adolescent martyre. Aussi « voir le beau sourire de Nida » est déjà une part de paradis s’annonçant sur terre. Sur ces territoires déchirés par la tragédie de l’histoire, l’attachement n’en est que plus fort, il transcende toutes les difficultés, il se rit du réel, il perfore les murs de l’aporie humaine. Et l’oncle Hassan qui inflige une correction à son neveu coupable d’aimer sa cousine, que mérite-t-il d’autre sinon une caricature emportée par le vent ? Et le grand barrage, ce mur de la honte qui sépare des populations autrefois unies, des familles, des amis, son destin saurait-il être autre que celui d’être voué à la destruction, à la réduction en gravats qui porteront en leur intime la figure de l’inconcevable, indiqueront le sceau de l’incompréhensible. Parfois la mémoire des hommes se recueille dans l’indicible, au point que, réifiée, elle disparaît à même la matière dans sa forme la plus insignifiante, la plus risible peut-être tellement sa charge d’inconcevable se situe hors de toute raison. Il y faut du recul, il y faut de l’ironie cette arme subtile dont se pare toute intelligence pour faire reculer l’absurde dans les culs-de-basse-fosse qu’il mérite.
Et puis, comment ne pas chevaucher avec toute la dérision qui s’impose le Burak, ce coursier fantastique venu du ciel, portant Mahomet lors de son « voyage nocturne » jusqu’en terre de Jérusalem, puis assurant son « ascension », son retour céleste ? Qu’avait-il retenu, le Prophète, du problème des hommes, avait-il eu, au moins, la préscience de leur destin en forme de mur, avait-il eu écho de la partition des peuples de la terre en milliers de diasporas qui, jamais, ne retrouveraient l’innocence originelle, la félicité du paradis ? Qu’avait-il fait sinon un périple sans but, une manière d’errance bien éloignée du souci des apatrides, des sans-lieux, des déracinés ?
Le Bouraq
d'après une miniature moghole
du xviie siècle.
Source : Wikipédia.
Sans doute valait-il mieux se distraire en terre de poésie, voguer avec Rimbaud sur son « Bateau ivre », peut-être écrire quelques vers flottant dans « le ciel rougeoyant comme un mur », dire comme lui : « J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îles / Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur », mais quels archipels, quelles îles ? Quel vogueur en partance pour plus loin que lui ?
Ou bien fallait-il confier son éternel voyage au « Cavalier bleu », adopter sa foi en une renaissance spirituelle de la civilisation, inventer un art nouveau qui ne connaîtrait « ni peuple, ni frontière, mais la seule humanité », selon la belle expression de Kandinsky ? Chevaucher le bleu comme on chevaucherait l’espoir, appeler le bleu comme la couleur indépassable du voyage vers l’infini, sa légèreté, son impalpable touche céleste, cette transparence dans laquelle noyer tout ce qui blesse et atteint l’âme de sa pointe acérée.
La Tour de chevaux bleus.
Franz Marc, 1913.
Source : Wikipédia.
Ou encore cueillir « un iris aux sept couleurs de l’arc-en-ciel » et alors, d’emblée, on aurait rejoint la Nation du même nom, mêlant dans une même harmonie les peuples bariolés qui essaimaient aux quatre coins du monde. S’entourer d’un bestiaire fantastique où faire se dissoudre les aspérités du réel, abattre les fourches caudines des contraintes, vivre dans l’immensité de l’imaginaire, dérouler l’écheveau sans fin de l’univers onirique. Voguer en folie avec le dauphin, lui qui symbolise la sagesse ; transformer la « chouette de Minerve » en hibou joyeux ; tutoyer la « noire idole » avec le crabe d’Hergé ; goûter aux joies de l’éternel retour avec l’ouroboros ; s’initier aux mystères de la mutation spontanée avec le caméléon.
Un ouroboros.
Source : Wikipédia.
Certes on pourrait jouer à l’infini le jeu des variations, s’installer dans la polyphonie des métamorphoses, surgir au sein du merveilleux qui n’est jamais que la mise en scène de la liberté, donc l’antidote du destin qui frappe à l’aveugle, élève des herses, bâtit des geôles, contrarie des itinéraires, dresse les murs contre lesquels viennent se briser le rêve des hommes, leur besoin d’amour, leur désir d’altérité. Si Walid plonge avec délices dans cette manière de délire, s’il se livre tout entier aux voltes de la fantaisie, sinon de la fantasmagorie, nul doute qu’il s’agit, pour lui, de se soustraire au poids d’une condition qui le dépasse et le prive d’une partie de son être.
La paix, la liberté se déclinent aussi sous la forme du pays imaginaire, de la nomination plurielle des lieux dans laquelle transparaît, en creux, ou plutôt d’une manière inversée, en verlan, la métamorphose souhaitée, la présence idéale d’un monde tel qu’imaginé dans l’activité fantastique, laquelle gomme les limites, franchit les frontières, se joue des tracés arbitraires que les hommes ont tracés à la surface de la terre :
« Parce que j’ai oublié de vous le dire mais à cette époque-là, notre prof de français nous avait demandé de décrire un archipel imaginaire. Et sur ces cartes que nous ramenions de la rue Saint-Georges, je dessinais la forme d’une ville ou les contours d’un pays où nous pourrions vivre heureux, Nida et moi. Et je donnais à mon cerf-volant le nom de cette ville ou de ce pays, Ninja, Sulban, Malarah, Irokoa, Rezanath, Bémeleth, Salujérem, Yatagan, Iristan le pays des iris sauvages et je donnerais à cette ville ou à ce pays la forme d’un archipel, avec des iles éparpillées dans tous les sens. »
En effet, comment ne pas reconnaître, au travers de « Rezanath, Bémeleth, Salujérem », comme dans l’écriture en miroir de Léonard de Vinci, cette torsion du réel, ces lieux chargés d’histoire, cette pluralité religieuse, cette confluence de peuples égarés qui luttent pour leur reconnaissance, leur droit à la parole, leur volonté d’exister hors les mots dans ce que la conscience universelle pourrait leur accorder de signification pleine et entière ? Comment ne pas percevoir dans cette « novlangue », les points cardinaux de la Terre Sainte, NAZARETH, BETHLEEM, JERUSALEM, qui sonnent comme le lexique du partage, de la division, du conflit qui se régénère à même sa propre complexité, à même l’imbrication de langages croisés qui deviennent illisibles, tels des palimpsestes dont les couches sédimentées ne livrent plus de leur secret qu’un mystère encore plus profond, encore plus indéchiffrable. Réalité hiéroglyphique ne parvenant plus à connaître sa propre essence. C’est à ceci que nous sommes conviés, à prendre acte d’une parole qui se dissimule sous les atours de langues vernaculaires emmêlées, non identifiables, qui chute dans une babélisation qui fragmente l’universalité du langage en autant de signes devenus obscurs, indéchiffrables. Ici la place est faite pour que survienne la guerre à l’intérieur des mots, miroir de la guerre dans sa manifestation de chair et de sang.
Manuscrit hébraïque du xie siècle.
Source : Wikipédia.
Guerre dans les mots.
« Et mon cousin Djibril, qui était un virtuose du verlan, m’apprenait plein de mots de verlan à la mode à l’époque - comme la téci, le tiequart, c’est chanmé, c’est un truc de ouf - mais qui doivent déjà faire vieille banlieue moisie ; aujourd’hui j’imagine que les mecs parlent encore différemment, si ça se trouve, ils ont inventé le verlan du verlan. Ce qui est dommage, c’est qu’on puisse pas vivre la vie en verlan - parce que si je pouvais appuyer sur la touche REWIND, je reviendrais en arrière jusqu’à l’instant où j’ai senti sur mes lèvres celles de Nida … »
Verlan,verlan, verlan, comme une incantation, une prière, une supplication dont le pouvoir permettrait que l’histoire personnelle se rembobine, comme dans les films, jusqu’aux rives éblouissantes de Nida, son unique héroïne ; que l’Histoire des hommes rétrocède jusqu’à retrouver, peut-être, la langue originelle qui signait la paix, l’harmonie, l’entente. Alors la confusion des langues vernaculaires s’effacerait pour céder la place à une parole fondatrice, creuset non seulement du parler mais de l’amour uni des existants, de leur irréfragable fraternité.
En réalité, ce que manifeste l’usage du verlan est bien plus qu’une mode langagière, qu’un usage singulier de la langue. C’est d’une véritable dégradation, d’un envers qui fait apparaître l’autre face de Janus, celle ourlée d’ombre et de projets funestes, d’intentions belliqueuses, guerrières. Le langage, essence de la condition humaine s’hypostasie en un sabir qui ne devient plus que le médium privilégié d’une caste, peut-être d’une secte ou bien de marginaux qui s’en servent en signe de reconnaissance. Tout est oublié de l’universalité de la langue, tout est remis à un usage prosaïque, élémentaire, à une parodie de signifiant ayant presque valeur d’onomatopées. Ce qui était poème du monde, cette langue première dont on peut penser qu’elle s’ordonnait selon la beauté, la pureté d’un psaume biblique, voici qu’il n’en reste que quelques scories, qu’un balbutiement, que quelques borborygmes qui ne sont nullement sans faire penser aux désordres, aux chamboulements qu’impose toute guerre dans son désir de retourner au chaos primordial.
Mais si, user du verlan peut s’apparenter à une œuvre de destruction, ce chemin constitue, par simple effet de retournement, ce geste du REWIND par lequel tout redevient possible de ce qui a été, seul moyen de retrouver l’espoir et la face de lumière de Janus. Car en toute chose coexiste toujours cette duplicité du sens et du non-sens, cette éclaircie et cette obscurité native, cet éternel clignotement du blanc et du noir, de la vérité et de la fausseté. C’est ceci qui se dit à l’épilogue de cette belle histoire tragique. Cependant il n’y a nulle coloration oxymorique dans cet ajointement de « belle » et de « tragique », seulement une nécessaire fusion. Notre désir n’est jamais mieux fouetté qu’à l’aune de cet objet qui disparaît à l’horizon de notre être. L’immuable est d’un mortel ennui !
« … oui, le Pays du Cerf avait la beauté des poignards, il avait l’agilité et la méchanceté d’une guêpe, mais il en avait aussi la fragilité : comme une guêpe il était rayé de jaune et de noir, ce n’était pas du tout le pays de miel et de lait qui leur était promis, c’était un pays hachuré d’amour et de haine, strié de lumières et de ténèbres.
Et voilà pour le côté face, mais côté pile, Yatagan était un sabre volant pourvu d’un filin d’acier enduit de poudre de verre et d’un rostre en lame de cutter, que nous avions longuement aiguisé contre une pierre. »
Comment mieux refermer ce précieux livre empli d’un vibrant humanisme qu’en citant les paroles venues du ciel de Walid-l’adolescent en lequel se prophétisent les accents d’une terre rendue à elle-même, les voix de peuples enfin réconciliés, le chant du « nombril du monde », ce sublime omphalos à la symbolique si riche, un destin qui, à nouveau, se déclôt, s’ouvre à la
Obole delphique figurant un omphalos,
ve siècle av. J.-C - Source : Wikipédia.
liberté et entraîne à sa suite la belle théorie de la germination, l’assurance d’une efflorescence sans contrainte ? Toute utopie, ce non-lieu, a sa nécessaire chute dans le réel. Parfois celui-ci s’annonce sous la bannière de l’espoir que synthétise la rencontre des langages du monde rendus à leur claire lisibilité :
« Et tous mes cerfs-volants partis à la poursuite du vent seront délivrés par les nuages, tout un peuple ailé redescendra vers la terre. Et les enfants pourront vous brandir de nouveau, Asswad, Ankabut, Farashatan, Nedjma, Argos, Boomerang, Yatagan, Kamikaze, Ninja, Sulban, Malarah, Irokoa, Rezanath, Bémeleth, Salujérem… (…) Et le pays changera de nom et de constitution, et l’ancien régime laissera la place à la fédération pélagique et pacifique d’Iristan - le pays des iris sauvages, parce que ce sont mes fleurs préférées, parce que si j’avais épousé Nida, je lui aurais offert tous les jours un bouquet d’iris sauvages. »
Iris palaestina près de Jérusalem.
Source : Wikipédia.