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21 août 2020 5 21 /08 /août /2020 07:59
D’où cela vient-il ?

     Photographie : Blanc-Seing

 

 

***

 

En hommage à Beckett-Lautréamont

 

***

 

[On se trouvera bien de lire la petite comptine

Qui suit dans la travée

Bien qu’insuffisante

Des ci-devant nommés]

 

***

  

D’où cela vient-il 

Douleur que de ne rien savoir

D’errer parmi la multitude des signes

Et de n’en posséder que le vent

N’en saisir que l’absence

Les mains se tendent vers l’avant

En crochets

 En ventouses

En langues de sangsues

Poix du vide

Qui laisse égoutter

Ses fibrilles de cristal

Les doigts flagellent

Ce qui passe à portée

Une idée

Un songe

Une brindille folle

Dans l’air chargé

 De lourdes humeurs

 

*

 

Parfois une veuve noire

Saigne ombilicalement

Dévide son cordon d’acier

À mieux me ligoter

Me pousser tête la première

Dans le labyrinthe avec ses murs

De verre éblouissants

Ô robe blanche du Minotaure

Ô corps de plâtre

Qui n’est que le mien

Et ma tête

Oui ma tête de taureau

Où bat le sirop rubescent

 De la fougue

Du désir

 

*

 

Oui posséder toutes les Vierges

De la Terre

Créer une généalogie

À mon image

Avec naseaux fumants

 Sabots étincelants

Fureur logée au mitan des cornes

Ce Soleil qui incendiera

Le monde

Et nul ne vivra plus

Que sous le signe

De la puissance

De la surhumanité

 

*

 

Assez de cloportes

Qui ne laissent derrière eux

Que les traces abortives

Du renoncement à être

Les dards de l’hébétude

Fichée au plein du cœur

 Les stupeurs de l’impéritie

Faisant ses marigots insolents

À l’ombre des mangroves

 

*

 

Je me suis levé un jour

Et j’ai dit le destin de l’Homme

 Ecrit sur toutes les murailles

De Jéricho les traits

D’ocre et de sanguine

Avant que tout ne s’écroule

Dans des meutes de poussière

La ville sera maudite

 Et nul ne pourra la rebâtir

Qu’au péril de sa vie

 

*

Ô toi qui me lis

(Me lis-tu vraiment ou bien es-tu simplement

 En train de te repaître de ma substance carminée

Vampire qui dissimules

Les yatagans de tes canines

 Le long de tes dérobades)

Ô toi qui lis ou bien dé-lis

Délie-moi donc d’un sort cruel

 Je ne sais plus

Ni le lieu de ma naissance

 Ni la première goutte de lait maternel

Qui humecta de miel

La pliure de mes lèvres

 

*

 

Mes lèvres saignent

De ne plus se souvenir

Mes lèvres se retournent

Pour manduquer

Mon intérieur

Il y a tellement de matières

Qui méritent le détour

Qui s’impatientent d’être connues

 À la juste valeur

De leur longue macération

C’est un métabolisme

Si secret que nul

 N’en pourrait approcher le réel

 D’un iota

 C’est une ambroisie

Qui vit au rythme de son autogenèse

Qui bouillonne et rugit de ne point parler

À la pointe du jour

 

*

 

Ô toi l’inconnu sois mon messager

Que les hommes de bonne volonté

Allument le feu de mon inévitable autodafé

Je ne suis empli que de vermine

Et de scorpions à la queue levée

Je me piquerai si nul ne le fait

Je pratiquerai ma morsure létale

Mes dents ont connu

Le mortel poison

De l’ennui

Elles sauront bien

Me donner la mort

Nous sommes enlacés

Tous les deux

Comme le lierre au tronc

Je ne vis que pour la mort

La mort ne vit que de ma vie

Mon corps de carton

Se dessèche et mes cartilages

Sonnent le cor

Comme Roland à Roncevaux

Ronces de vos regards

Qui lacèrent la dure-mère

De ma conscience

Biffent la pendeloque

De mon sexe

Annulent jusqu’à l’éclair

De mon être

 

*

 

Être un éclair

Ceci que j’ai souhaité

Depuis le berceau

Voici que cela prend corps

Sous les ors du foudroiement

Je suis entré dans la chapelle romane

Aux fresques usées

Qu’y ai-je vu

Que vous ne sauriez voir

Compagnons de brume

Qui n’existez qu’à me précipiter

Dans le premier cul-de-basse-fosse venu

Je sais vos intentions mauvaises

Pulsatiles et hémiplégiques

Vous ne valez guère plus que moi

Mais ne le savez pas

Moi je sais ce que vous ne savez pas

 

*

Vous n’êtes que des morts

 En sursis

 Et jetez un voile

Sur tous les miroirs

Qui vous renvoient à trépas

Vous ne supportez guère

Que les surfaces

Qui réfléchissent et polissent

 Votre ego

Fût-il poli il n’est guère reluisant

 

*

 

Moi qui vous parle

J’ai imprimé dans l’argile

Les premiers chiffres

De l’humain

Ces pictogrammes qui voulaient enfoncer

Un coin dans la chair du réel

Seulement l’engeance des existants

 En a perverti l’usage

En a gommé les signes sacrés

 

*

 

De Charybde en Scylla

Je vous le dis

Et le pire est à venir

L’humain en sa plus haute acception

Est langage

Je parle donc je suis

 Le Cogito est langagier ou bien

N’est qu’une simagrée

Allez donc tous vous rhabiller

Vous les mégoteurs

Avec vos Cogitos de pacotille 

 Je baise donc je suis

 Je mange donc je suis

 Je parais donc je suis

Je brille donc je suis

Miroir aux alouettes

Et messages à la chienlit

Tout ceci palabres et remugles de l’enfer

Pestilences

Où meurent les consciences

Sous les coups de boutoir

De la malédiction

 

*

 

Car oui le genre humain est en péril

Et j’en sens dans mon ventre révulsé

Les premières contractions

Bientôt seront les forceps

 Au travers desquels ma tête oblongue

Aux fontanelles claires insoudées

 Pointera le bout de son museau

Oui de son museau chafouin

Pareil à celui de l’animalité

En ses premiers soubresauts

Juste du limbique collé à la voûte occipitale

Où crépitent les images du vertige de vivre

 Juste du reptilien dans le lobe pariétal

Avec ses ravines de Rolando de Sylvius

Ses cratères ses couleuvrines ses boursouflures

Et l’espace s’y abîme en de pathétiques contorsions

 

*

 

« Nœud de vipères » avait écrit l’autre

Ne pensant pas si bien dire

L’eût-on cru on l’eût brûlé en Place de Grève 

 Combien sont dérangeants

Ces empêcheurs de tourner en rond

Ces philosophes ces hommes de robe

Ces Importants

Qui distillent

À l’envi

De cruelles prophéties

Ils appellent ça

Des Vérités

Avec une Majuscule

Et disant ceci leur goitre

S’enfle de vanité

Ils sont pareils à des crapauds

Dont la suffisance les conduit

À fumer la cigarette qui les portera

À l’éclat d’eux-mêmes

Le Vrai celui qui sonnera

La « Fin de la partie »

 

*

 

Tu vois assidu lecteur

Complice lectrice

 Je convoque à mon chevet

Beckett ce cher Samuel

Qui bien mieux que moi

Saura  tricoter

Une maille à l’endroit

D’absurde

Une maille à l’envers

D’absurde

Tailler à ma juste mesure

Cette vêture

De bure

Avec laquelle j’attendrai

Que Malone meure

Que Godot arrive

Que l’Innommable

Fasse son apparition

 

*

 

Il est plus que temps

Pour moi

D’effacer tous les signes

 La chapelle bientôt

Fermera ses portes

 On n’y verra plus goutte

Je n’aurai existé

Qu’à la mesure de l’instant

Quelque part

Sur la margelle d’une tombe

 Ou bien dans le boyau

Qui descend vers Tartare

 En convulsant

Maldoror m’attend

Rien ne le contrarierait plus

Qu’un faux bond

Il risquerait de m’envoyer

 Par le fond du Vieil Océan

 

*

 

Or je ne sais pas nager

Quelle main secourable m’enverra

 La bouée qui me sauvera 

Toi fidèle lecteur

Toi empressée lectrice

Déjà je tends mon bras

Déjà je déploie ma main

Déjà je déplie

Les tentacules

De mes doigts

Venimeux

Qui donc

 Osera

Les prendre 

Qui donc

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