Cette désertion du jour.
Avait-on jamais dit cette constance
Des objets à être
Des choses à signifier
Des hommes à faire leur halo de présence sur les chemins du monde
Alors qu’à l’évidence ne paraissait qu’une énigme souffreteuse
Une triste parution de tout ce qui était
Sous le ciel
Sur la Terre
Dans les demeures
Que clouaient de sinistres lueurs
Avait-on jamais dit cette confondante désolation
Dont jamais nul ne se sauverait
Sauf à inventer une fiction
A écrire une fable
A composer une comptine pour enfants
Hommes-Enfants
Femmes-Enfants
Enfants-Enfants
Comme si de toute réalité ne devait jamais subsister
Que cette empreinte de puérilité
Cette innocence plénière
Cette fleur de jouvence qui attirerait jusqu’au plein de sa corolle
Dans cette incertitude écumeuse
Dans cette touffeur maligne
Dans ce piège odorant
Où se perdent les songes
Où se naufragent les utopies
Où s’éclipsent les tentations
D’entretenir le moindre espoir
De prolonger la partie et d’en connaître enfin
Les somptueux arcanes
Mais la fin de quoi
Pourquoi
Cette désertion du jour.
Alors constatant ceci
Cette fuite des choses au-delà de l’horizon
Cette perte du jour dans le tissu serré de l’heure
Cette obligation de n’être à soi que dans la démesure, l’évitement, l’esquive
Alors constatant ceci
L’irrémédiable pesanteur
L’étau ligaturant les tempes
Les forceps clouant les efflorescences du langage
Ta voix s’élevait dans le vent solitaire
S’en prenait à l’indifférence du peuple sylvestre
A la mutité de cette neige
De ce tapis sourd dans lequel se perdaient
La persistance de tes yeux
La forge essoufflée de ton désir
Ta volonté dissoute dans un bien étrange acide
Cette désertion du jour.
Tu en sentais les vibrations
Au fond de ta gorge
Dans les sombres vallées de ton corps
Autant dire la forêt de ton sexe
Tu en éprouvais les reptations serpentines
Bien au-delà de cela même qui eût été compréhensible
Savoir l’immédiateté de l’univers à signifier
Tu en disais secrètement la faille ouverte
Je pensais alors à tes abîmes vertigineux
Par lesquels se maintenait mon étonnante sustentation
Un pied au-dessus de la Mort
Je pensais à tes douces collines
Ces perles gonflées de tes seins
Cette amande généreuse
De ton sexe
Cette pluie bienfaisante qui en inondait la canopée à l’instant magique de
La jouissance
Cet éclat solaire
Cette irradiation
Cette explosion de grenade carminée
Dans la nuit de
L’angoisse
Cette désertion du jour.
Tu disais la hampe de mon désir pareille à la pierre levée
Des civilisations anciennes
Ce dolmen sur lequel ta jeune fougue prenait assise
Cette force jaculatoire
(Parfois jouais-tu au jeu subtil des analogies sonores)
Je sentais cette pulsion en toi
Ce geyser
Cette exultation du corps à se dire
Comme l’animal blessé qu’il est
Qui réclame son onction
Qui demande sa caresse
Deux tiges digitales plantées parfois
Dans le luxe de ton intimité
Plus rien alors n’existait que cet hymne à la joie
Cette résurgence de folles puissances qui nous traversaient à la manière
De l’éclair
Du feu
De la foudre
Il ne demeurait jamais à l’issue du combat
Rien qu’une perte et pourtant…
(Quelle lutte me disais-tu souvent)
Et des larmes d’Amazone traversaient la densité de tex yeux gris
Des yeux de chatte te disais-je
Et nous jouissions à deux de cette troublante image d’Epinal
De cette décalcomanie pour enfants pauvres
De cette bluette que nous distillions
Comme les fous dispensent leur étrangeté
A qui veut bien la prendre
A qui la saisit de la main même de sa propre folie
Toute folie en vaut une autre
Me disais-tu souvent
Entre soupir de plaisir
Et soupir de tristesse
Pareils à des plaintes
Aux élans de corne de brume d’un navire aux yeux borgnes
Parmi les fureurs de la houle
Les hoquets de la mer
Les dérive des flots partant pour on ne sait où
Cette désertion du jour.
Dans ces teintes hivernales
Elles te rappelaient tes escapades au Jardin du Luxembourg
Seule
Avec la neige pour compagne
C’était le temps maudit de notre séparation
Dans ces couleurs endeuillées de blanc
Virginales aimais-tu à préciser
Tu flottais à l’unisson
De TOI
Est-on jamais en phase d’autre chose
Tu naviguais à l’estime
Manière de perdition égotiste
D’écrivain blasé
Tu composais de petits poèmes romantiques
Tu jetais
Sinon aux étoiles
Le Jardin était fermé aux noctambules
Du moins au grésil qui flottait entre deux airs
La gerbe dolente de ta mélancolie
Je te savais perdue à TOI
Définitivement
S’appartient-on jamais
Espérais malgré tout une réémission, un simple bout de terre
Peut-être l’intimité d’une île
Pour MOI l’esseulé que ton absence martyrisait
Ma fierté d’homme
(On ne pleure pas quand on est grand)
Clouait ma langue dans un bien douloureux silence
Mais il n’y avait rien d’autre à faire que de laisser couler les fleuves
Qui un jour connaîtraient l’estuaire
Je viens de fermer ma fenêtre
Il fait froid en cet hiver qui traîne comme à plaisir
Pour ennuyer les nostalgiques
Faire rêver les poètes
Battre le cœur des amants
Où est-elle la chambre tiède
Avec ton sourire attaché à la croisée
La souplesse voluptueuse de tes félines manières
Es-tu toujours aussi joueuse
Aussi encline à sortir les griffes
A lacérer mon dos de plaisir
A garder autour du cou lors des joutes
De notre libido
Ce lacet vert d’eau qui multiplie ton teint de pêche
Et irradie jusqu’au centre de ma chair pliée sous le supplice
Gardes-tu ce colifichet comme une trace de ce qui fut
Qui sera peut-être encore
Dans la ligne hésitante des secondes
Leur scansion pareille aux battements du tamtam
A moins que ce ne soit la musique de nos corps
La musique
De nos corps
On ferme les grilles du Jardin
Une silhouette à contre-jour
Le feu d’un lacet vert
Est-ce TOI
Oui TOI
Il ne peut s’agir que de cela
Ma porte est entr’ouverte
Il n’est pas besoin de sonner
Ton pas me suffira
A te reconnaître
A te connaître
Simplement
Entre