Photographie : JP Blanc-Seing
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Ton nom de Pierres Blanches,
NIKITA,
Trois simples syllabes
Qui claquaient
Dans l’air pervenche.
Comme ceci NI,
Comme le refuge de l’oiseau,
KI, comme le pli du souffle,
TA, comme le possessif.
Mais qui donc, Nikita,
Toi la Fille du Vent,
Pourrait donc se targuer
De te posséder,
Toi la libre qui n’as
Ni lieu, ni temps,
Ta seule vérité
Cette empreinte
Sur la colline de pisé,
Cette énigme à jamais
Dont même le Sphinx
N’eût pu décrypter
Le message codé ?
Ignores-tu combien,
Dans ce matin
D’un premier soleil,
Mon trouble était avivé
De la trace par toi laissée ?
C’est terrible, Nikita,
De découvrir un luxe soudain
Et de ne jamais pouvoir l’enserrer
Au creux de ses mains.
Ton nom de Pierres Blanches,
Nikita,
Etait-il l’écho de ta hanche
Que je présumais troublante,
Saisie de mille picots
Disant la délivrance
D’un subtil écot ?
Sur ce coin de la terre,
Nikita,
En ce réduit du monde,
En cette invisible faille du jour,
Deux nous étions
Sous la voûte du ciel :
Toi que je ne connaissais pas,
Moi qui devenais,
De plus en plus,
A moi-même,
Ma propre inconnue.
Ne pas te savoir mienne,
Toi l’irrésistible,
Tutoyait l’indicible
Et mes yeux voguaient
Au loin embrumés
D’une infinie tristesse.
Comment étais-tu
Dans le réel
Qui flamboyait ?
Portais-tu des tresses ?
Etais-tu rousse
Avec des yeux verts ?
On dit ces Filles
Au tempérament de feu
Qui dévorent,
Telles les mantes,
L’objet de leur amour.
Ô combien, en un sens,
J’eus préféré m’immoler en toi
Juste après la rencontre des corps.
Ô crois-le bien
Sans aucun remords.
Certes, je n’aurais saisi de toi
Que la violence de ta loi,
Que l’étreinte mortifère
Mais peut-on survivre au feu
Qui vous a brûlé
A cinglé votre âme
Jusqu’en son principe premier,
Ce haut vol qui, jamais,
Ne devrait retomber ?
Ton nom de Pierres Blanches,
Nikita,
Abusé par mes sens,
Taraudé par mes fantasmes,
Ne s’était-il donc mystérieusement
Métamorphosé
En LOLITA,
Même nom à un iota près.
Mêmes syllabes libres et claires.
Trois notes de clavecin
Tout contre la promesse
D’un fastueux festin.
Alors, Nikita,
Je te voyais
Dans la douceur de l’âge,
Certes pas très sage,
Sans doute un peu volage,
Mais c’est ta primeur
Qui parlait à mon cœur,
C’est ta troublante naïveté
Qui m’ourlait de félicité.
Oserais-je te dire
Telle que je t’imaginais,
Tes pieds mignons chaussés
D’escarpins armoriés,
Tes mi-bas qui dévoilaient
Ton teint de rose,
Ta jupe si courte,
Elle incitait au voyage
Dont nul ne revient,
Même le plus ascète
Des patriciens.
Ton corsage enserrant
Deux fruits pommelés,
On eût dit des nuages
Dans le ciel apprêté.
Et ton visage,
Cette nuée de bonheur
Au milieu de tant de candeur.
Et ton sourire
A peine esquissé,
Un rayon de soleil
Au cœur de l’été.
Et l’éclair de tes yeux,
L’écho de ta chair
Dans le jour joyeux.
Ô Nikita-Lolita,
Puis-je encore demeurer
Dans l’essaim de tes bras ?
Te dire l’amour inaliénable
Que je te porte, ici,
Dans l’inenvisageable rime
Que trace ma vie
A mesure que mon regard
Te porte au centre même
De l’abîme ?
Un instant seulement,
Je t’aurais crue perverse,
Peut-être liée à quelque démon
Et mon chemin de hasard
Ne se fût tracé que dans
Un illisible limon.
Et pourtant,
Aimée hallucinée,
Es-tu autre chose qu’une fumée
S’élevant dans le ciel de mes idées ?
Fantasques, je dois bien l’avouer,
Moi l’éternel rêveur distillant
Mes pensées
Au hasard des nuées.