Mais on ne comprendra jamais mieux la lente ascension de l'homme en direction de sa propre transcendance qu'à la rapporter à l'allégorie platonicienne de "La caverne". Longtemps, les hommes - lesquels n'étaient que des hominidés -, vécurent immergés dans le ventre de la terre, s'y abritant de la nature hostile, de la prédation des animaux, des rigueurs climatiques. Vie infiniment végétative, primitive, grossière, comparable à la flamme tremblante d'un lumignon qu'un souffle de vent aurait pu facilement éteindre. De l'extérieur, du ciel, de la lumière ils ne percevaient que de faibles clartés pareilles à des ombres dansantes, fuyantes. Un genre de réclusion plus ou moins volontaire les retenait prisonniers dans leur geôle étroite. Puis, poussés par la faim, plus tard par les nécessités humaines qui, toujours, appellent en direction de la connaissance, petit à petit, les hommes étaient sortis, (symboliquement et réellement) , de la caverne, avaient façonné les premiers outils, gravé les figures au seuil des grottes. De l'espace sensible, dense, têtu dans lequel ils avaient vécu comme des fœtus repliés sur leur germe, soudain, ils passaient à la lumière intelligible du monde, à la pure révélation de ce qui toujours s'annonce comme arche du destin, à savoir la lumière intense du soleil et, avec elle, le rayonnement des Transcendantaux, Vérité, Justice, Beauté, Bien souverain. En contact avec les fondements qui correspondaient à son essence, l'homme parvenait enfin à lui-même, coïncidait avec sa propre nature.
Là-dessus, sur cet accroissement ontologique majeur, s'édifièrent les œuvres, se construisirent les civilisations, s'adossa l'histoire, s'inventèrent les systèmes philosophiques, politiques, sociaux. Mais il en est ainsi, dans la marche en avant de l'humanité s'intercalent des pauses, des doutes et, parfois, des retours en arrière, des régressions. Le Poète Valéry ne disait-il pas que "nous autres, civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles" ? Cruelle vérité dont, cependant, nous devons être informés afin que notre chemin ne nous apparaisse pas à l'aune d'un parcours linéaire et lumineux, mais pavé d'intentions souvent maléfiques, de bifurcations, de chausse-trapes. Les hommes n'émergeaient jamais de leur lourde gangue naturelle qu'à y retourner parfois dans le plus consternant des constats qui se pût imaginer. Soubresauts de l'Histoire, barbarie des guerres, inventions diaboliques, enfin le long chapelet des diverses apories qui jalonnent toute marche vers le progrès. Si l'invention de l'outil, la découverte de l'art manifestaient une ouverture inouïe, la suite des événements laissait à penser. Grandement !