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9 décembre 2013 1 09 /12 /décembre /2013 08:42

 

 

  Pachamama, déesse-terre, est une émanation de la cosmogonie andine qui avait essentiellement cours dans l'empire inca. En fait elle était une représentation de l'espace-temps et, à ce titre, recevait diverses offrandes, ce rituel étant essentiellement lié à un culte de la fertilité. Elle était signe de féminité, promesse d'abondance, générosité, symbole de prodigalité. Bien évidemment, cette déesse avait une fonction cardinale auprès de peuples dont le destin était entièrement dépendant des récoltes que leurs champs pouvaient leur assurer. Déesse sans temple, on l'honorait de préférence au sommet des montagnes. On y creusait un trou, "la Boca", la bouche qui était censée amener la nourriture jusqu'au cœur de la terre. Ensuite on allumait des cigares dont la fumée avait pour rôle de  chasser les mauvais esprits. Puis on précipitait de l'eau bénite dans l'orifice qu'on nourrissait de céréales, de feuilles de coca, de chicha (bière de maïs). L'alcool, quant à lui, devait symboliser la fête toujours possible pour l'homme à qui la Terre avait fait l'offrande du maïs.

  Si l'on peut tout à fait être séduits par le caractère empreint, tout à la fois de naïveté et d'une disposition à l'accueil d'une des déclinaisons du sacré, ceci cependant ne saurait concerner uniquement les rituels anciens ou peut-être contemporains mais s'effectuant en d'autres lieux, avec l'adhésion à une certaine vérité. Par contre, ce que nous offre actuellement la cérémonie des mineurs de Potosi, dans les sombres boyaux enfumés d'une terre abîmée, sacrifiée, souillée, apparaît comme la forme amplement dégradée d'un rituel qui, anciennement, avait du sens mais qui, aujourd'hui, dans un tel contexte n'apparaît plus qu'à la manière d'une bien piètre palinodie, du retournement dans une figure totalement païenne de ce qui était de l'ordre du sacré. Personne ne pourrait imaginer que des Incas, pieusement attachés au culte des divinités, authentiquement reliés à de telles figures majuscules du cosmos aient, un jour, pu s'adonner à de telles "pantomimes". Ce qui nous est donné à voir, dans le ventre des mines d'étain, alors que les mineurs font mine d'honorer leur déesse, n'est rien de moins que la mise en scène de la pauvreté, la danse de la désespérance, le rituel de la misère sociale, la manifestation de l'exploitation de l'homme par l'homme. Pitoyable comédie humaine qui a substitué à l'image du dieu, celle paupérisée et confondante d'un diable de pacotille (Faust est bien loin !), à la figure riche et signifiante du don authentique, les simagrées alcoolisées au bout desquelles grimace la mort.

 

 

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