Le langage à l'œuvre dans le texte.
Ce bref article est destiné
à faire le point sur un de
mes textes et sur les commentaires
qui lui sont attachés sur facebook.
Il s'agit de "SA.LE .'ATTENTE".
Catherine Ysmal ainsi que René Thibaud - on suit plus facilement ses "laudateurs" que ses détracteurs ! -, me semblent avoir bien compris de quoi il retourne avec ce texte atypique. Sans doute le sens n'en est-il pas immédiatement perceptible. De toute manière, étant destiné essentiellement à faire émerger une "chose" aussi difficile à percevoir que l'aporie dont l'existence est tissée, il fallait qu'il produise du non-sens. On n'écrit pas sur le VIDE ou le RIEN comme on peut le faire à partir d'un thème à la mode, dont, du reste, il n'y a rien à dire, mais, je pense, pour de tout autres raisons.
Petite information : je ne participe, ni n'anime d'Atelier d'écriture. Cependant ce texte peut très bien se ranger sous cette rubrique car il expérimente et questionne l'écrit. Une telle tentative ne pourra jamais être aussi bien "comprise" qu'à être envisagée du-dedans du langage. C'est le langage en tant que tel qui est le premier, non le Principe de Raison qui voudrait, en fonction de règles déductivo-logiques s'emparer du sujet comme le Savant le fait, posant l'objet à observer devant soi en lui appliquant un regard "extérieur".
Devenir, soi-même, "mot" est la condition de possibilité d'y entrevoir quelque chose, non de "pertinent", mais "d'ontologique". Car il y est essentiellement question d'ETRE et de NEANT. Ces entités dont nous sommes construits mais que nous poussons devant nous, comme le bousier le ferait de sa boule d'excrément, sans bien en connaître la teneur. Parfois, souvent même, nous dissimulons-nous ce qu'il y aurait à connaître mais que nous occultons, car tout ne saurait être de l'ordre des évidences, lesquelles sont soumises à un sombre destin.
Si tout ceci est ILLISIBLE et je ne juge ni les laudateurs, ni les détracteurs, je peux aisément le comprendre, d'autant plus que le but poursuivi n'était autre. Expliquer l'incommunicable par l'incommunicable. La forme d'écriture essayant d'en faire surgir le fond. Bien sûr, ce style "subversif", taillant dans le vif du langage, triturant les mots pour leur faire rendre leur dernière moelle, leur jus intime est difficile, sans doute, à côtoyer. Bien évidemment, pour ma part, en tant qu'Ecriveur-Impénitent, je le vis de l'intérieur et sais, par anticipation, les thèses que je pose de manière implicite, mince travail "herméneutique" dont le Lecteur, la Lectrice, ne sont pas informés. Pour Ceux, Celles qui s'intéresseraient à l'entreprise, qu'ils sachent simplement que cette "fiction métaphysique" repose sur deux a priori, au moins.
D'abord, le premier jeu à comprendre est celui du jeu de mots, lequel par soustraction de graphies, partant du mot SALLE D'ATTENTE se laisse lire comme SALE ATTENTE (vous aurez tous compris la reptation de l'inéluctable finitude sous la l'homophonie).
Ensuite, l'attente des personnages fictifs, ombres métaphysiques s'il en est, procèdent à leur propre biffure, ôtant successivement tout ce qui pourrait faire "corps", donc "existence" à l'intérieur des vêtures, lesquelles ne sont que les apparences, les illusions dont l'existence aime à se draper.
L'apparition du LIVRE, quant à elle, est celle-là même du LANGAGE en tant qu'essence de l'homme, laquelle étant également promise à la disparition procède du NEANT dont nous sommes issus et auquel nous retournons par simple destination humaine.
Préalablement à la publication de ce texte, j'avais volontairement "omis" d'en donner de possibles clés de lecture afin que la finalité parvienne à faire sens et à s'éclairer de "l'intérieur", à savoir du-dedans de la conscience du Lecteur, de la Lectrice, afin qu'une nécessaire tension ouvre le langage à ce à quoi il est essentiellement destiné, à savoir à mettre en relation avec le monde.
Mes textes, quels qu'ils soient, reposent toujours sur un fond de vérité, mais le font "radicalement" ou "idéalement" (dans une perspective globalement néoplatonicienne), mais rien de ceci, je l'avoue, n'est facilement perceptible. Il y a toujours, de la part du Lisant un effort à produire afin de s'introduire dans la bogue et d'en découvrir la chair. Sans doute cela donne-t-il, parfois, l'impression d'hiéroglyphes ou bien de signes "hermétiques".
Le langage est notre bien commun. Nous le partageons et, de ce fait, adoptons des conventions communes aisément déchiffrables. Parfois convient-il de s'en abstraire afin qu'un dire dépouillé de tous ses pré-requis compréhensifs parvienne à créer, à nouveau, du sens. Mes remerciement à TOUS lesLecteurs, Lectrices, aussi bien les convaincus que ceux, celles envahis d'un doute. C'est bien le doute qui est créateur d'existence car poser la question est le thème fondamental de l'aventure humaine.
Pour ceux, celles qui seraient tentés par l'aventure d'une énonciation serrant au plus près ce qui, par nature, toujours se dérobe, d'autres textes suivront. Pour l'instant, dans la même veine, que ceux, celles qui le veulent veuillent bien se reporter à "LE CORPS LE SAIT", lequel, à sa façon, méditant sur l'existence d'un laissé-pour-compte de l'exister, procède, langagièrement parlant, à sa propre disparition : une manière d'ESTHETIQUE DE L'EFFACEMENT.
Petite note ajoutée mais pour autant non superfétatoire. Mon article récent sur l'excellent livre deCatherine Ysmal , "Irène, Nestor et la Vérité", article dont le titre est "DU DEDANS DU LANGAGE, LA LITTERATURE", fait la thèse suivante : le propre du livre c'est bien de partir du langage lui-même, en direction de la fiction et non l'inverse. C'est le langage qui parle en premier et prête vie aux personnages à qui il est confié. C'est le langage qui est premier et ceci est parfois tellement vrai qu'il rend obsolète le cadre du roman lui-même, les lieux, la temporalité, les protagonistes. C'est le langage qui signifie et s'attribue, en tant que possibles et évanescents prédicats, la galaxie romanesque. Ainsi les excellents auteurs du Nouveau Roman - on n' a guère fait mieux depuis -, Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute, Claude Simon - pour ne citer qu'eux, dont les livres, avant d'être des situations romanesques sont des constructions langagières rigoureuses. C'est cela que je nomme "l'en-dedans de la littérature", geste par lequel naît la véritable écriture, sans concession, sans dérobade, ne disposant que des mots, rien que des mots afin d'apporter au plein jour la dimension d'une compréhension authentique sans laquelle la création ne serait que pur verbiage. Catherine Ysmal l'a bien compris et c'est certainement la raison pour laquelle certains Lecteurs ont un peu de mal à l'accompagner dans son entreprise littéraire.
La littérature est une exigence ou bien elle n'est pas !
Sans doute texte déroutant pour Celui, Celle qui se destinera à essayer d'en devenir Lecteur, Lectrice. Lecture de l'étonnement même en sa confondante stupeur. Ecriture métaphysique de la Métaphysique. Ou comment dire la possible figuration de l'être, en même temps que la persistance du néant à le dissoudre, cet être qui s'essaie à exister alors que le jeu est perdu d'avance, que les dents muriatiques du néant rongent constamment depuis leur propre invisibilité ? Comment dire le visible confronté à l'invisible, sinon par une esthétique de la disparition, par un langage semblant avoir perdu la raison alors même qu'il signifie bien au-delà du bavardage du quotidien. Seulement cette manière qui essaie, laborieusement, dans la densité, dans l'intervalle resserré des mots, de dire l'impensable, l'innommable, le toujours fugitif est, par nature, une écriture exigeante demandant qu'on l'investisse de l'intérieur et que l'on cesse de la considérer comme un objet que l'on scruterait de l'extérieur. Car, pour saisir correctement le langage en tant que langage, il faut consentir, soi-même, à devenir mot, lettre, ponctuation. Cette mystérieuse SAL.E . ATTENTE - (qu'on veuille bien être attentifs à ceci qui reste alors que certaines lettres ont été prélevées, qui, déjà, introduisent dans une esthétique d'une temporalité moissonnant l'être, au moins partiellement, en attendant que se présente l'épilogue en forme de retrait définitif !) -, salle d'attente donc qui trouve à s'exprimer dans l'abrupt et l'inconnaissable des toiles de de Chirico. Figuration de l'être sous les espèces de mannequins d'osier aux têtes oblongues et vides, à la rigidité de mécanique mortelle, alors que leur fond apparitionnel en forme de lumière d'aquarium ne semble annoncer que le vide sur lequel ces Etranges se figent comme pour nous dire la vacuité de toute chose.
La "vie-sal.e .attente" est bien, en effet cet étrange ballet immobile entre quatre murs, ceux-ci jouant à titre de quadrature indépassable, de mesure destinale étroite, juste une meurtrière où ricocher l'espace de quelques pirouettes, puis se hisser révérencieusement vers cela qui nous appelle que, cependant, nous ne connaissons pas. Et les livres sur les tables ne sont que l'hypostase, sous forme de volume, de brique compacte, du Langage, essence de l'homme dont la subite et consternante disparition signerait la perte de l'homme, autrement dit, la perte de l'être !
Giorgio de Chirico.
Chant d'amour.
Mystère et mélancolie d'une rue.
DE QUELQUES LETTRES DEROBEES AU TITRE
EN GUISE DE SURGISSEMENT DE L’INCONCEVABLE
OU DE L’IMPOSSIBILITE A NOMMER LA FUITE :
NEANT
Le sol est gris. Uniformément gris. Sa lisséité pourrait être troublée de clarté. Ne l’est pas. Est seulement dans l’atténuation. Sa nature de sol est d’être atténuée. Jusqu’à l’invisible. Ou presque. Dans l’effleurement de sa limite.
Posées sur le sol gris. Gris dans l’atténuation, autant qu’il est possible. Sur le sol gris, des chaussures. Noires. Non totalement noires. Dans la limite du noir absolu. Noir élimé par l’usure. Usure avancée. Sans retour possible vers l’intégrité du noir de l’origine. Usées. Sans dépasser le connu de la forme. Il est dans leur nature d’être usées. Dans leur forme.
Chaussettes. Dans la transition. Gris-noir. Uniformément trouées. Au talon seulement. A la pointe, seulement. L’usure est contenue dans les chaussures, dans l’invisibilité des trous dérobés. Toujours au regard dérobés. Les trous. Comme absents. De l’existence réelle.
Des pieds, à l’intérieur, sont devinés. Supposés, seulement dans l’offrande de leur non visibilité.
Pantalons . Gris anthracite. Dans la descente du noir vers le gris. Etroits. Dans le genre de jeans. Elimés. A la courbure des genoux, surtout. Sur la mésa des cuisses. Elimés, les jeans. D’une usure de plateau usé par le vent. Elimés dans le gris plus clair. Dans la trame. Il est de la nature des jeans d’être usés. Dans la toile. Dans la trame. Dans la croisée des fils.
On suppose des jambes. Invisibles dans le serrement gris. Usé.
Pull. Dans l’atténuation du gris. Moins que le sol. Moins que les chaussures. Moins que les jeans. Gris dans la vibration. Approche de la cendre. De la poussière. Amorce de clarté. Sans clarté visible toutefois. Sans clarté qui se dirait. Dans l’évidence. Non-dit du gris qui veut se dire dans l’absence. Des plis à la surface. Où se creuse la noirceur. Où se rassemble le noir. A la pliure. Seulement à la pliure. Dans le profond des plis. Plus clair, le gris. Sur les rebords de l’échancrure. La clarté n’est pas présente. Réellement. N’est visible que dans sa confrontation au gris foncé. Au profond des plis. Froissement du pull. Aux aisselles. Aisselles grises du pull. Gris usé. Dans la trame plus claire. Plis des manches, des aisselles. Il est dans la nature du pull d’être dans le désordre des plis. Dans l’enveloppe grise, un corps est supposé. Qu’on ne voit pas. Qui se décrit dans son extérieur, seulement. Dans le renflement des plis. Le renflement comme supposition.
Les manches. Longues. Cascades de plis, aussi. Dans le jeu de la lumière grise.
Prolongement des manches : gants . Noirs. De cuir. Comme les chaussures. Dans l’usure de la peau. Souple. Comme un abri. Un refuge. D’une clarté plus claire. Sur le dessus. D’une clarté plus sombre. En dessous. Il est de la nature des gants d’envelopper. De serrer dans le creux du resserrement. De rassembler des formes jointives. Tout en les séparant. Une séparation dans la proximité.
On suppose, au-dedans, des gants. Des mains. Evoquées, seulement. Imagées, seulement. Non réelles dans la saisie des objets. Dans l’effectivité du serrement des doigts. Des manipulations. Supposées, seulement. Non démontrables. Saisissables seulement dans l’intervalle de leur séparation. Dans l’occultation.
Le col roulé. Gris anthracite. Cannelures des plis. En diagonale. Clarté supposée sur le revers des pliures.
Cou supposé dans le tube du col. Supposé dans le renflement des flancs. Du col. Du haut du col. Qui signe une limite. Arrêt de la vêture. Du gris déposé sur le cuir, les mailles, la toile.
Au-delà du pull. Une tête supposée. Non évoquée, toutefois. Dans l’absence d’un couvre-chef. Tête non visible. Dans l’absence réelle. Dans la non-présence. Absence d’usure du cuir, de toile élimée, de plis. Pour témoigner. Absence de matière où imprimer une trame. Figure de l’absence. De la trame. Du visage. Non-dit absolu du visage. Qui demeure dans la dissolution des formes.
Au-delà des formes dissolues, le plafond. Dans l'atténuation du gris. Dans le dégradé du gris, depuis le sol jusqu'au col. Du pull. Jusqu'à la limite des plis. Couleur approchée. De la lave. Approchée, seulement. Pas réellement réelle. Témoignant seulement des autres couleurs. Jouant avec elles. Dans un jeu muet, cependant. Immobile. Dans la mutité du non-dire. Pas totale. Dans l’amorce, seulement. Dans l’essai de profération. Dans l’ébauche articulatoire de la forme. Il est de la nature du plafond d’être seulement ébauché. De relier les formes entre elles. A défaut de l’être soi-même. Une forme.
A la jonction du plafond et du sol. Plaques plus claires. Comme du gris délavé. Du gris hésitant. Dans la tentation de la blancheur. La tentation, seulement. Le désir approché. Seulement. Non le désir lui-même. Qui serait un aboutissement. Hésitation vers le blanc. En direction de... Non installée dans... Doute gris-blanc. Inscrit sur quatre plaques. Entre le gris soutenu du sol. Et le gris atténué du plafond.. Les quatre plaques peuvent être nommées parois . Ou bien murs . Dans l’approximation du dire seulement. Dans l’essai d’effraction vers la parole. Qui est celée. Dans les parois verticales. Comme abruptes de ne pouvoir se dire. Irrésolues. Muettes, surtout, dans la matité de la couleur. Sourde, la couleur. Comme retirée d’elle-même. Dans un secret à lui-même non dicible.
Il est de la nature des murs de ne rien proférer. Jonction, seulement. Etais du réel. Murs porteurs du réel. Médiation des murs. Sans autre fin que la médiation. Que la relation des choses entre elles. Semblance des murs dans la contiguïté. Des quatre panneaux. Semblance approchée, seulement. Essai de similitude. Où se dissimulent les différences portées par les murs. Minimes. Dans l’oubli d’elles mêmes, les différences. Reconnaissables, les murs, dans la seule nomination de repères à eux dévolus. Positions cardinales, les repères :Nord—Sud—Est—Ouest. Commodités où installer les repères. Seulement commodités. Notées : N—S—E—O .
Mur E : Surface lisse. Dans le vague d’une supposée blancheur. A droite, une trace. Rectangulaire. Comme une porte. Ancienne. Dont on ne verrait que l’encadrement. Qui aurait été rebouchée. Scellée.
Mur N : Dans le dégradé du gris et du blanc. Paroi continue. A droite. A l’angle presque du mur E et du mur N : une faille . Mince. Tout en longueur. Meurtrière. Etroite, dans l’incertaine donation d’elle-même. Incisée de gris plus profond. Comme des hachures. Gris soutenu. Comme une barrière au regard. A l’impénétration du dire. Enigme de la trace innommée.
Mur O : Une seule plaque unie. Dans la monotonie de son unité.
Mur S : Paroi continue. Aucune ouverture. Qui ferait diversion. Qui égarerait le regard. Le perdrait peut être. Dans l’égarement du continu. Dans la persistance.
Murs N—S—E—O : unis dans l’unique dégradé de la couleur. Semblables. Sauf deux. Différence de la porte scellée. De la fente. Etroite. Etroite, voulant dire l’absence surgissant dans la présence. Le retrait du dire dans son cèlement. Qui ne veut pas dire abandon. Mais question. Seulement question. Sans qu’aucune offrande de la parole puisse parvenir à son effraction. A son décèlement. De la question.
Au centre du sol, un cube gris. Presque confondu avec le sol. Seules les arêtes plus claires. Dans l’infime remuement de la ligne. Ebauche limitée à son propre contour. Jamais au-delà, le dire de l’objet. Sans pieds, l’objet. A même le sol. Soudé sur le gris du sol. S’en détachant à peine.
Il est dans la nature du cube d’être prolongement. Seulement émergence vague. Du sol dans sa lisséité.
Sur le cube très bas, à peine dégagés de sa surface : des parallélépipèdes . Gris dans leurs contours. Gris plus clair au milieu.
D’un côté : superposition de quatre parallélépipèdes. Dans la netteté de leur superposition. Semblent ne faire qu’une seule forme. Sans limite entre les quatre. Sur la face faisant face au plafond : des inscriptions. Noires. Dans l’absolu du noir. Plus que les chaussures. Un noir qui se dit. Totalement. Absent de doute. L’inscription : des barres horizontales. Des barres verticales. Une seule barre arrondie. Ne contrarie pas l’ensemble, toutefois. Une barre en diagonale. Deux barres courtes. Jointives. Au dessus des barres de gauche. Jeu des barres entre elles. On suppose un mot. Exactitude de la supposition. Qui détache un mot de la surface uniforme. ETRE, le mot lu. Non supposé, maintenant. Bien réel. Au centre de son évidence. Evidence qui clôt tout commentaire. Tout essai d’explication. Toute explication ferait, du mot, retour à la forme. Seules barres visibles dans leur mutité de barres. Plus rien au-delà.
D’un autre côté : un parallélépipède. Massif. De hauteur égale à l’ensemble des quatre parallélépipèdes. Strictement égale, la hauteur. Inscriptions, également. Sur la face orientée vers l’atténuation grise du plafond. Des barres. Verticales. Horizontales. Diagonales. Courte barre, aussi. On suppose, comme précédemment, un dialogue entre elles, des barres. Le mot supposé est exact dans la supposition. Comporte une lettre de plus. Que le mot précédent. NEANT, le mot lu. Sans ambiguïté aucune. Certitude du mot. Qui ne suppose aucune effraction. Dans la dimension d’une connaissance plus approfondie. Sinon, réduction à l’état de barres dans la tentative du connaître. Peut être même pure disparition. Des barres. Dans le non proféré.
Pour faciliter la nomination. Seulement le nom, en tant qu’évoqué. Non la réalité comme réalité. La nomination du cube qui peut être dite : Table . Celle des quatre parallélépipèdes identiques : Livres. Celle du parallélépipède unique : Livre. Pour mémoire : nomination simplement. Non la certitude d’un objet réel. Qui pourrait s’introduire dans une quelconque quotidienneté. Noms seulement. Dans leurs contours de noms. Pas en tant que choses observables, manipulables. Noms nommés dans leur nomination. Rien de plus.
Vacuité de la nomination, parfois. Vide du nom non proféré. Pas même le contour du nom. Qui délimiterait une forme. Annoncerait une présence. Nécessité, maintenant, d’un retour. En arrière. D’une remontée, ensuite, vers le présent de l’énonciation. En arrière : le sol natif. Dans son innocence d’uniformité grise. Elan d’un départ. Vers le dire. Le nommable. Le figurable. Pièces successives de la vêture. De la base de la chaussure au sommet du col. Pièces qui parlent. Qui dialoguent. Qui échangent. Entre elles. Seulement à partir de leur surface, de leur émergence. Sous le miroir de leur paraître : seulement du vide. Pas même la consistance d’un souffle. Du vide. Dans sa démesure. Hors de la vêture : un monde. A l’intérieur : stricte désolation. Du non-paraître. Vêture vide. Qui signifie l’absence. Et pas autre chose. Qui pourrait recevoir consigne, situation, coordonnées. Absence irraisonnée. Du non-devenir. De l’aporie comme telle. Pas au-delà. Ceux qui pourraient figurer dans la vêture. Ceux qui devraient y habiter. Logiquement. Leur lieu en tant que vide, les situera comme Les Absents. Les situera. C'est-à-dire leur donnera site. Provisoirement. Sous réserve du retrait du site. Dans la possibilité immédiate et permanente. Du retrait. Les Absents. Jamais une nomination. Qui ferait surgir la présence. Lieu imaginaire. Uniquement. Sans plus. Lieux imaginaires tendant les vêtures. Gonflées à la manière d’une voile. Donc au nombre de quatre, Les Absents. Quatre : non une mesure numérique. Qui inscrirait dans une série. Qui instaurerait une relation. Des quatre à chaque autre de la série. Quatre veut dire ici : analogie des vêtures dans leur quadrature. Rappel de l’absence. Contenue dans les quatre vêtures. Contenue ne veut pas, ici, dire de l’ordre d’un contenu. De son rapport au contenant. C'est-à-dire quantifiable. Contenu veut seulement situer le lieu possible d’une absence. Pas de rapport de l’absence à la vêture. L’absence est l’envers de la vêture. Comme l’envers d’une peau. Dont la vêture n’est pas consciente. Pas informée. La vêture porte l’absence, comme la poterie porte le vide. Identité symbolique de la vêture et du récipient. Identité symbolique de l’absence et du vide. L’absence, identique à elle-même. Logée dans des vêtures quatre fois semblables. Dans leurs formes, couleurs, positions. Destinalement semblables. Donc toutes concernées par la mêmeté. Pour introduire la différence, symbolique, mais non réelle : identification à des positions de l’espace. Des vêtures. Et incidemment l’envers des vêtures. Juste installées dans le gris-blanc du doute. Du doute qui a reçu, anciennement déjà, le nom de mur. Provisoirement. Dans l’évitement de la représentation. De la certitude d’objet. Que recèle toute représentation. Les Absents, comme « doublures » des vêtures, seront désignés par leur position cardinale . N-S- E-O. Comme les murs.
Le cube de la pièce. Silencieux. Installé dans le silence comme silence. Dans l’immobile. Et rien d’autre.
Le lieu des Absents . Silencieux aussi. Vide du silence qui habille la vêture. Mais, ici, silence différent de celui de la pièce. Silence en tant que différence, en tant qu’intervalle de la parole. Silence en tant que demande de mots. Tension silencieuse de la demande. Cachée sous les plis de la vêture. Inapparente au regard. Seulement esquissée dans la tension de la vêture.
Silence de la pièce. Qui paraît immuable. Comme serti dans son non-paraître. Qui apparaît dans la différence. D’une émergence soudaine. D’une voix portée par la fente du mur N. Léger écartement de la faille. Dans la parole proférée. Décalage du silence. Entre les parois grises. Dont l’espace s’agrandit de la voix. De ses ondes maintenant perceptibles. Lointaines, les ondes. Comme venues à travers un rideau. D’eau. Liquide. Mince pellicule. Se fendant. Semblable à l’éclatement d’un miroir. Etonnement du silence habité par le dire de la voix issue de la faille.
Le nom d’ Absent N est proféré. Moins son nom que son absence de nom. L’Absence , dans la vêture, se meut en direction de la faille. Qui demande aussi la présence. Du livre ETRE présent sur le bloc gris qui a été nommé Table.
Disparition. Vêture et Absence au-delà de la faille. Au creux de leurs vêtures, les trois Absents , dans la pièce, questionnent la voix de la faille. En silence. Seulement. L’Au-delà du mur N n’est perçu qu’à la mesure de la voix. Aucunement d’une manière différente. On suppose, au creux des vêtures, cette Parole absente de corps. Voix seulement portée par le souffle d’elle-même. Rien d'autre au-delà. Au-delà du mur N : seulement quatre tapis sur le sol. Tapis blancs. Dans la pureté de la non-couleur. Dans la virginité d'une naissance. Blancs, les tapis. Blancheur veut dire ici : disposition au recueil de la parole. A l'impression de la parole sur la trame du tapis. marque de la vêture noire sur la blancheur. Du tapis.
La Parole, derrière la vêture. Affairée au dire. Avec le silence de L’Absent. Qui se dissout dans les intervalles de sa propre parole. La parole de L’Absent n’est audible que dans l’écoute de La Parole qui profère des mots en direction de la vêture. Les mots proférés par L’Absent : délivrance de sa propre parole. Qui seule gonfle, soutient la vêture. Comme un souffle. Le retrait du souffle dans la vêture la condamne, la vêture, à sa propre dépouille. A l’absence dans l’immatériel. A la non- visibilité. Au confondu dans la blancheur du tapis. A la double absence : absence elle-même libérée des mots, absence de son propre contour. Absorbée par la blancheur, la vêture.
Dans la faille, la voix requiert maintenant la présence des trois autres Absents. Inclus dans les vêtures, respectivement S-E-O. Vêtures absorbées par la faille. Porteuses, également, chacune, d’un livre ETRE. Allongement des vêtures. Sur les trois tapis blancs. A côté de la disparition de la vêture N. Dont la trace n’est plus lisible. Dans la blancheur du tapis. La Parole , derrière les trois tapis, convoque au dire le silence des trois Absents. A savoir : S-E-O. La délivrance des trois paroles retire le souffle des trois vêtures. Qui disparaissent dans le blanc des tapis. Dans la trame avaleuse de formes. Engloutisseuse de mots. Le lieu de l’au-delà du mur N : quatre tapis seulement. Blancs. Dans la blancheur du non-dire où les formes ont été dissoutes. A l’intérieur d’elles-mêmes. Dans le renoncement du contour. De l’esquisse d’une parole. Le lieu seulement habité. De quatre tapis blancs. Du sol gris jouant avec les tapis. De quatre parallélépipèdes aussi. Chacun anciennement nommé : ETRE. Dont le titre n’est plus lisible. Seules quelques barres enchevêtrées. Percussion de signes. Sans plus de signification que la percussion elle-même. Attentive, la percussion, à sa propre disparition. Qui disparaît dans la texture du support blanc. Lui-même inapparent sur la surface du tapis. Blanche elle aussi. Jeu double du blanc. Qui ne résonne que dans l’absence. Et dans nulle autre chose. L’au-delà du mur N est dans l’occupation de sa propre dissolution. Et nulle part ailleurs que dans cette absence à lui même.
Il faut, maintenant, revenir au cube de la pièce. Délimité par le sol gris. Le plafond dans l’atténuation du gris. Les murs N-S-E-O. Dans le dégradé du gris et du blanc. L’absence des vêtures : signe la présence, jusqu’alors inaperçue, de quatre chaises. Blanches. Identiques. Les pieds : quatre tubes blancs. L’assise : plaque blanche. Carrée. Sans que les angles soient arrondis. Les montants : blancs. Tubes plus étroits que les tubes des pieds. Le dossier : blanc. Droit. Non incurvé dans l’intention de prêter appui à une forme de corps. La chaise : blanche dans les formes nettes de sa simplicité. A la limite de l’oubli. Presque fondues, les chaises. Dans les couleurs dégradées des quatre parois. Auxquelles les chaises font face.
La pièce, désertée par les vêtures, par l’absence des vêtures, peine à soutenir la tension des parois opposées. Deux à deux. Dans leur similitude de parois. Dans la dégradation avancée du gris et du blanc. Reniement de la tension à se soutenir elle-même. Retrait dans la faille du murN. Dont la faille est comblée. Par l’identité du paraître des murs S-E-O.Rassemblement identique du non-paraître dans l’effacement de la meurtrière. Dont les bords rassemblés l’annulent. La faille. Le plafond aussi, dans son atténuation grise, rejoint l’absence de la faille. Qui appelle le renoncement du sol dans son évidence grise. La disparition du cube gris. Privé , maintenant, du remuement de ses lignes. A la façon du parallélépipède, autrefois évoqué sous le nom de Livre. Affecté par le renoncement des parois à la tension. Rogné dans l’épaisseur. Dans l’amplitude du volume. Limité à la consistance d’une simple feuille. Consistance de buée et de souffle. Où le titre même de Néant renonce à ses appuis. Dans une finitude ne pouvant elle-même dire son nom que dans l’absence d’un langage. Dont la faille elle-même n’est plus porteuse. Dans l’ultime clôture de ses bords. Dans ses limites. A la façon d’un mot replié sur sa spirale. Oublieux de ses lettres. Pour n’être plus qu’attente. Longue à venir. D’un bord à l’autre de l’abîme.