Margarita
Katia Chausheva Photography.
***
Mais d’où venais-tu donc
Toi l’Etrangère
Qui saisis mon âme
Ligaturas mon corps
Instilla en mon esprit
Ce Noroît
Ce souffle long
Venu de je ne sais
Quelle contrée
Sans doute
Un illisible pays
Aux marges du rêve
***
Mes jours
Une si vive lumière
Que mes yeux en sont atteints
Que visite le cristal des larmes
Un infini poudroiement
Du visible
Une infinie diaspora
Des choses
Une fuite à jamais
Des événements
***
Mes nuits
Une oscillation
Entre Charybde et Scylla
Une marche au bord d’un gouffre
Et des bruits sont là qui cernent
Ma chair
Parfois la mutilent
Au lever l’empreinte de tes dents
Cette résille blanche
Où meurt le luxe de tes mots
***
Mais parles-tu un autre langage
Que celui du retrait
Du silence habité d’ennui
D’autres mots te visitent-ils
Que
Solitude
Enigme
Abandon de soi
Dans le vaste écueil du monde
***
Vois-tu voici que je TE désigne
A la seconde personne
Alors même que mon existence
Ne fait nullement tache
Sur l’étrave de ta conscience
Tu fus aperçue un jour
De crépuscule
Silhouette émergeant
De la lagune
Pareille à ces oiseaux migrateurs
Sans demeure aucune
Sans repos autre
Qu’une perpétuelle errance
***
Me voici à mon tour venu
Dans l’irrésolution de l’heure
Dans l’instant tremblant
Du fond de sa vacuité
Passent les secondes
Et rien ne demeure
Que l’envol du temps
La feuillure inavouée
De quelques sentiments
Ces à peine vibrations
Qui laissent
Sur le bord du chemin
Et plus rien ne fait signe
Que la ligne d’horizon
Loin au plus loin de ce qui est
Et parait s’effacer à même
Son tremblant emblème
***
Comment dépasser
Son tumulte de chair
Longer le sillon de l’humaine destinée
Quand les arbres sont dépouillés
De leurs feuilles
Que les nervures sont les seuls restes
D’une réalité qui ne s’annonce plus
Que sous les traits
D’une encre décolorée
Dont plus aucune lettre
Ne sera reconnaissable
Sinon ces ratures
Se superposant
A d’autres
Ratures
***
Parfois l’aube me retrouve
Hors de mon être
En limite d’une parution
Est-ce la folie promise
Est-ce la navigation hauturière
Privée d’amers
Et l’incohésion des flux
Le rapt des reflux
La trame ouverte
Par laquelle s’absenter
Se retirer
Vivre au plus profond
De sa geôle
Etroite
Unique
Soudée
À son exacte
Étrangeté
***
Ai-je d’autre choix
Que de te décrire
D’inventorier
Tes faits et gestes
L’espace d’une heure
Solaire
Que la nuit a bien vite abolie
Dans ses voiles de suie
Oui tu ressembles à la nuit
Tu en as l’étrangeté
La douce opacité
L’invisible transparence
Oui tes yeux sont
Des astres morts
De simples présences
Réfugiées en ton intime
Deux lunules
Dans le sombre d’une mare
Et quelle résille te dissimule-t-elle
Aux yeux des Curieux
Et des Nombreux
Ce voile de Mariée
Ou bien
De Veuve Noire
Aux ténébreux desseins
***
Une fois capturée
Songes-tu au moins
A libérer ta proie
Ou ta joie est-elle pure perversité
Bonheur de dominer
De contraindre aux fourches caudines
Ceux qui par hasard
Ont croisé ton regard
Cette noire volonté
Qui fascine et tient
En son pouvoir
***
Tu es un être du crépuscule
Prémisse du nocturne
Où tu dissimules ton venin
Voie royale au gré de laquelle
Nul ne t’échappe dont tu as surpris
L’esprit fragile
L’inclination à la soumission
L’aptitude à vivre
Sous l’emprise d’un rituel
Il te faut cette trace impériale
Cette filière d’argent
Qui signe le chemin
De ton inextinguible
Désir de possession
Il te faut être toi
Jusqu’en l’extrême
D’une ivresse
Ceci ou bien rien
Autant dire ta fascination
Pour les facettes
Éblouissantes
De
l’Absolu
***
Non tu ne dévores nullement
Ceux qui sont tombés dans ton piège
Leur inféodation suffit
A faire briller le dard de ton esprit
A allumer cette flamme
De la Passion
Cette étonnante rubescence
Qui s’alimente à son propre feu
Qui jamais ne s’éteint
***
Pourtant ta chair est
Si douce
Ta peau si nacrée
On croirait l’innocence
D’un Chérubin
Et tes deux mains en berceau
Qui ceignent ton cou
Quelle candeur
Quelle disposition
A regarder le monde
Avec une naturelle fraîcheur
Avec une ouverture à tout Destin
***
Les stigmates sont visibles
Par lesquels ton péché d’orgueil
Se donne à voir
Comme ton originelle nature
Pourtant tes Amants
De passage
Ne t’en tiennent nullement rigueur
Leur passion à eux
S’enchaîne à la tienne
En la remerciant
En l’idolâtrant parfois
Demeure en ton effective présence
Garde en toi ce feu qui altère
Et détruit tous ceux
Qui ont un jour croisé ton chemin
Parfois le Mal
Est-il plus supportable
Que le Bien
Que serais-je
Sans cette subtile aliénation
Sans cette dague
Qui creuse mon intérieur
Et me dit l’unique beauté
De ma condition
Que serai-je hormis
Cette feuille d’automne
Sans autre but
Que de chuter au sol
Que serais-je
***