« Seul le silence survivra »
Œuvre : Dongni Hou
***
Seul le silence survivra
Partout où le regard jetait ses flammes
Etait le Désert
La Grande Désolation
La Terre ravinée
En ses plus grands chagrins
Le Ciel entaillé
De profonds sillons
Les Etoiles en leur robe diurne
Mais endeuillées
Mais tristes d’être seules
Mais usées de croître
Dans
Le
Vide
***
Plus rien n’avait lieu
Que le tournoiement
Des choses
Dans l’Azur éreinté
Loin étaient les hommes
Dans leurs parures chamarrées
Loin les femmes dans la discrétion
De leur apparaître
Les ombres se traînaient
Sur des dais de poussière
L’obscur glaçait les caniveaux
Les renards
En robes de feu
Glissaient au plein de leurs terriers
***
C’était la grande transe du Monde
La dimension invisible
De son retrait
Le tintement étrange
De son renoncement à être
***
Interrogeait-on encore
La Maison de Céphée
L’éclair de Cassiopée
Le Point brillant de Véga
Questionnait-on
Le destin racinaire des arbres
Le foisonnement des eaux
La lueur d’étain des lagunes
La façade rose
Du Fontana Rezzonico
Se demandait-on quoi que ce fût
Du lacet mercurial
Du cobra
Du tintement des gouttes de pluie
Sur les grotesques
Des Jardins de Bomarzo
De la Porte de l’Ogre
Entrée béante des Enfers
De la Maison penchée
Son air de Tour de Pise
***
S’inquiétait-on
De tout ce qui croissait
Dans les rumeurs améthystes
Du frais vallon
De tout ce qui lançait sa voix d’airain
Parmi les colonnes doriques
Les chapiteaux des Temples
Les scènes de Théâtre
Où se déroulait l’antique tragédie
Des Déambulants parmi les méandres
De la mangrove mondaine
Etait-on encore à soi
Dans la juste cause des Hommes
Dans l’inquiétude de leurs Compagnes
A en longer le souci diagonal
Cette ligne si près
De la Chute
De la Fin
Là
***
Il y avait beaucoup de désarroi
De tristesse qui suintait
Sueur blême
Qui glaçait les visages
Les rendait de marbre
Gisants de pierre
Dans la douleur ossuaire
Des cryptes à la clarté grise
Mêlées de ténèbres
Confinées au district de la Mort
L’hébétude se répandait
Pareille à la peste
Noire
Dense
Edentée
Abrasive
Révulsive
Impudique
***
La Grâce
La Beauté
On les avait sacrifiées
A son urgence de vivre
A son désir opalescent
De devenir
Seigneurs et Maîtres
D’un Univers pris de folie
A sa volonté de tout soumettre
A sa PUISSANCE
Cette décision mortifère
De se mesurer aux dieux
D’en ravir les majestueuses forces
Les pouvoirs surnaturels
Les faveurs olympiennes
***
Seul le silence survivra
Au loin
Dans une chambre secrète
Dans la demeurée certitude
De se vouloir humble
Seulement cette douce opalescence
Cette levée du Blanc
Dans le Gris méditant
Cette confiance en l’attitude
Du dénuement
Cette eau de source
Ce limpide événement
De l’Être venu à soi
Cette présence que réverbérait
L’image siamoise
Fondue en la paroi
Le signe du même
En sa simple émergence
Cette venue comme muette
Comme murmure en son enclin
Ce face à face du Rien
Et du Si Peu
Qui donnait consistance
A toute chose émise par une parole
A tout rêve dans ses contours de soie
A toute pensée en quête d’elle-même
***
La Forme était de neige
Droite
Unique
Hissée tout au bout
De son Destin
Regardait la chaise
Regardait l’ombre
Se regardait regarder
Ce qui était le plus précieux
ELLE dans son présent singulier
ELLE l’Effigie intimement disponible
Au souci de Soi
Pensait à l’orée de sa vision
Cette chose étrange
Aux yeux des incrédules
Seul le silence survivra
Et le silence survivait
Et la Terre médusée
S’arrêtait de tourner
Il en est ainsi de toute
VERITE
Toujours se donne
Aux Êtres de solitude
Aux danseuses tristes
Qu’un tutu virginal vêt
De son tulle translucide
C’est un elfe de Degas
Qui esquisse un pas de deux
Un tourbillon d’écume
De Derviche Tourneur
Qui
Ici
A trouvé son
Repos
Car rien ne vient à la parole
Que le sans mouvement
L’immobile en sa façon d’Eternité
Seul le silence survivra
Aux turbulences des Hommes
Aux désirs des Femmes
Aux pluies de comètes
Aux étoiles filantes
Aux météores
Aux rires
Aux ors
***
Seul le silence
Il sera
L’aube
D’un
Nouveau
Jour
Silence
Il est tout près
Il est là
Debout
Dans la
Lumière