Photographie : Blanc-Seing
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C’était un homme qui errait
Immensément
Au bord de soi
Dans l’immédiate distraction
De tout ce qui venait à lui
Ici sur le dur rocher
Là dans cette faille d’eau
Ici dans la fermeté de l’être
Là dans la dissolution des formes
Traçait sa voie
Hors des sentiers battus
Chantait le matin
Face au vent
Se couchait la nuit
Sous le frisson
Des étoiles
Qu’avait-il à dire
À la face du monde
Qui soit autre
Qu’une plainte
De l’âme
Car l’âme est toujours
En dette de soi
Car l’âme cherche
Son propre contour
Et jamais ne le trouve
Chemineau il était
Qui longeait
La douce mélancolie
Des marcheurs
De-ci de-là
Les êtres les autres
Il en devinait la présence
Mais assourdie
Mais lointaine
Des voix qui se perdaient
Dans l’ombre des collines
Et des frais vallons
Tout en haut
De la canopée
Du ciel
Parfois mettant ses mains
En cornet
Il poussait un long cri
Silencieux
Le cri ricochait
Sur la pierre
Le cri chutait
Dans l’eau
Chemineau Chemineau
Répétait l’écho
De sa voix de roche
De son friselis de pluie
Et rien ne venait
Et solitude frappait
La peau de ses tympans
Enclume marteau disant
La désespérance du son
Dont nulle paroi
Ne relevait
Le dire
Un jour de grand vent
Un jour de grand froid
Dans l’heure neigeuse
Chemineau s’est allongé
Tout contre l’eau
Tout contre la pierre
Qu’il essayait de réchauffer
Du souffle de son corps
La pierre a tressailli
S’est levée tel le menhir
L’eau s’est dilatée tel le lac
S’est agrandie
De milliers de gouttes
Tous la pierre l’eau
Plus vivants que la ruche
Chemineau s’est étréci
À la taille de la modestie
Qui le vêtait de son étole
Depuis si longtemps
Qu’elle était
Une seconde peau
Nul n’a été alerté
De cette vie
En sa mortelle blessure
Nul ne connaissait
Chemineau
Seule la Mort s’est invitée
Au festin
Ici sur le bord
De la pierre
Là près du reflet
De l’eau
Chemineau
Chemineau
Répétait l’écho
Nul autre que l’écho
N’en percevait
L’ultime cantilène
Seule Dame à la Faux
Moissonna la tête de l’absent
Qui arrivé sur la pointe des pieds
Repartait sans laisser de trace aucune
Sauf dans l’escarcelle de la Mort
L’escarcelle
De la
Mort
En bas dans la vallée
Au sein des villes
Les hommes dormaient
Serrant leurs poings
Sur des rêves tout chauds
Rêvaient aux pierres
Rêvaient à l’eu
Nullement à Chemineau
Comment l’auraient-ils pu
Puisqu’il n’existait plus