Photographie : Blanc-Seing
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Parfois les hommes
Dans leurs rêves de soie
Et d’organdi
Voient ce que
Depuis longtemps
Ils attendaient
Dans un nuage de joie
L’amour en son éclat
Cette étrange beauté
Ils n’en peuvent douter
Est venue tout juste
Pour eux
Leur apporter le muguet
De son feu
Heureux ils le sont
Plus qu’un adolescent
En son destin innocent
*
Parfois les hommes
Du fond de leur sommeil
Tendent vers l’avant
Leurs mains
Aux ongles vermeils
Essaient de happer
La moindre parcelle
De félicité
Ici le sourire éclatant
D’une Belle
Là la promesse
D’un avenir radieux
Un vent léger
Sur des lèvres carminées
Le doux clignement
D’une paupière
Le feu assourdi
D’un khôl
Le désir planté
Au fond d’une pupille
A ce jeu puéril
Ils gaspillent
Le peu qu’il leur reste
De vie
*
Les jours sont si pressés
Qui font leurs forêts
D’hirsutes brigadiers
Leurs sombres emmêlements
Leurs buissons
Aux éclairs si ardents
*
Parfois les hommes
Dans l’étrange remuement
De leurs âmes
Sont pris de tremblement
Et le bruit d’une lame
Venue du plus loin de l’espoir
Un triste soir
Brûle telle une flamme
*
La douleur
Ils n’en sentent pas
La profondeur
Ils sont bien au-delà
Dans l’insondable rumeur
Des consciences perdues
D’eux-mêmes
Ils sont exclus
D’eux-mêmes
Ils n’osent plus
Hanter les sombres couloirs
Visiter les inutiles reposoirs
Tant désertés ils sont
De tout espoir
*
Leur vue est
Si basse
Que dans le tain du miroir
Ils n’aperçoivent
De guerre lasse
Que le tout dernier éclat
De leur histoire
Leur existence si longue
Qui s’étend d’un horizon
À l’autre
Paraîtrait bien dérisoire
A qui voudrait tenter
D’en déchiffrer
Le cours en forme
De périssoire
Leur navigation
Plus qu’illusoire
Ils en cherchent fiévreusement
La trace pareille à un onguent
Dont ils voudraient vêtir
La herse de leurs jours
Avant que le mal définitif
Ne les atteigne
Sur le frêle esquif
La coquille de noix
Qui vogue vers le Styx
Avec sa voile en forme de croix
*
Parfois les hommes
Sur le drap blanc
De leur sclérotique
Tels des héros tragiques
Revenant au foyer
Après maints périples
Reniés par leurs anciens disciples
Pris d’une soif inextinguible
Projettent sur la toile
De leurs fantasmes
Quantité de belles âmes
Foultitude de jolies dames
Tout ceci pour du beurre
Car tout ceci n’est qu’un leurre
Une habile fantasmagorie
Une sombre supercherie
*
Parfois les hommes
Rêvent debout
Et tant mieux
Plutôt rêver
Que de croire
À la réalité
A la Ré-a-li-té
*