« Will finds the way »
Œuvre : Dongni Hou
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Qui est-elle l’Esseulée
Perdue dans la toile endeuillée de la nuit
Qui est-elle
Le sait-elle au moins
Car jamais l’on ne connaît
Ses propres contours
L’on ne saisit la ramure de son esprit
Il fait si sombre dans les avenues venteuses
De l’exister
Le ciel a bu ses étoiles
Les montagnes sont couchées
Dans leurs massifs de pierre
Les océans au loin flottent
Dans leurs rumeurs marines
Au-dessus des abysses où dorment
Les grands poissons aveugles
*
Y a-t-il quelqu’un sur Terre
Qui saurait l’étrange de cette navigation
À vue
L’on n’entend même plus le bruit
De sa propre respiration
Parfois cela fait comme un bruissement d’insecte
Le gonflement de carton d’une chrysalide
Puis tout retombe dans un mortel ennui
La Fille
La Petite Fille
L’Exilée Majuscule
Dans sa robe de communiante
L’Egarée si touchante
Vers quels horizons vogue-t-elle
Quel destin l’appelle donc
HORS de soi
*
Oui HORS
Car IL FAUT SORTIR
De sa monade
De sa ruche au riche pollen
De sa lumière de nectar
Du moins nous le dit-on
Parfois avec véhémence
Comme s’il y avait danger à la fréquentation
De son propre territoire
Donc faire éclater ses murs de mâchefer
Etre au plein jour de soi
Dans l’immémoriale clarté de l’être pur
Du devenir en sa plus efficiente réalité
*
Le REEL le REEL c’est ceci qui nous vise
Comme l’on viserait un condamné à mort
Comme l’on viserait la gorge épanouie d’une Belle
La corolle de porcelaine d’une rose
Autrement dit d’inatteignables contrées
Le réel est une imposture
Il est toujours où on ne l’attend pas
Jamais où on le souhaite
*
Tout autour de la Petite Créature
Qui se nomme Fille
Le lac de la nuit a étendu ses ailes
Reconduisant la minuscule forme
À son plus touchant effacement
Effacement oui car
Tout toujours se gomme
Tout toujours subit l’érosion
Tout toujours endure les morsures
De la solitude
Les violences du Mal
Qui sinue
Ici et là
Parmi les milliers de pattes du peuple hagard
Du peuple qui se rassure de sa consistance
De chenille processionnaire
Mais une patte n’est jamais
Qu’une patte
Non le millier d’autres qui s’agitent
Chacune pour son compte
Chacune jusqu’à son propre délitement
Il ne demeurera en dernière instance
Qu’un monticule indistinct
Une flaque
Un marigot
Que les crocodiles du Temps
Viendront dépecer
De leurs dagues blanches
Puis ils iront dormir sur la rive
Au creux de leurs rêves de sauriens
*
De SAURIENS
De SORS RIEN
Vois-tu Petite Vie en constate expansion
Parfois faut-il procéder simplement par homophonie
Afin que les choses s’éclairent
Tu ne SORS DE RIEN
Surtout pas de toi
En toi tu demeures
Le monde est autiste
Tu es autiste
Je suis autiste
Nous sommes autistes
Et ainsi à l’infini de l’exister
Chacun vit pour soi en soi à l’intérieur de soi
(Oui je sais les thuriféraires
Les moralistes à la petite semaine
Les bourgeois amateurs
D’une infusion de moraline
Les bien-pensants
Les tartuffes
Les calotins
Tous les ci-devant nommés
Qui ne vivent que d’aumônes
Et de prêchi-prêcha
Pesteront contre tant de mépris
du Genre Humain
« Voyez l’Autre existe
Voyez comment il vient roucouler
Et manger dans votre main
Le pain de la générosité »
« Mon-cul la générosité vitupère Zazie
Y a que des intéressés
Des profiteurs
Des opportunistes
Y frappent à ta porte
Quand ils sont dans le besoin
Et te la claquent au nez leur porte
Dès qu’ils ont leur aise
Leur fauteuil au coin du feu
Un gentil petit magot à la banque
Ou planqué sous l’oreiller »
*
Et du reste nul besoin de convoquer
La Petite Poupée du Queneau
La délurée de la langue
La diseuse de vérité arsenicale
Il n’y a nulle communication
Sauf quelques comiques allégeances
À ce qu’on nomme avec une emphase certaine
ALTERITE
« Altérité-mon-cul eût dit Zazie
Proférant en ceci l’une des plus ultimes vérités
Qui se puisse jamais atteindre
Sur cette Planète au Bleu qui vire à l’arc-en-ciel
An boueux
Au jaune de chrome
Au dégénéré
Tant les hommes s’en moquent
De la gentille balle
Qui roule sous leurs pieds
*
Sais-tu gentille Chercheuse de Vérité
Il n’y a guère que ceci qui vaille
Sur cette coquille de noix
Qui vogue vers l’infini
Avec sa charge de badauds
Tu es pareille au bon Diogène
Qui criait à l’encan
Lumignon au bout des doigts
« Je cherche l’homme
Je cherche l’homme »
Or l’homme-en-soi
L’homme pur cristal
De lui-même
L’homme porté par
Sa propre transcendance
Toujours sombre dans la première
Immanence venue
Le corsage d’une Belle
Le lucre au bout d’une juteuse activité
Le jeu qui fait tourner ses boules d’ivoire
Et ses roulettes dans les Casinos
Qui sont la seule réalité
Qui nous soit accessible
LA SEULE
Nous sommes des matières
Fascinées de matérialité
Nous sommes matérialistes jusqu’au bout
De notre logique la plus exacte
Nous sommes des paquets d’atomes
Cherchant d’autres paquets d’atomes
Afin que forniquant de concert
Nous puissions renouveler
L’engeance claudicante
En vue de sa possible éternité
*
Mais revenons au Casino
En sommes-nous jamais partis
Avançant dans la nuit de l’être
On dilapide ses jetons
Impair Passe et Manque
Trois P’tits tours et puis s’en vont
On joue jusqu’au bout de la nuit
Celle oui pas tellement réjouissante
Du bon Céline
Le Voyage en Aporie
D’où jamais l’on ne revient
On laisse des bouts de soi partout
Pourtant on se croit entiers
Mais on est en charpie
Du reste comment pourrait-on en ressortir
De l’excursion à Cythère
Qu’est censé être tout séjour sur Terre
L’AMOUR est un piège Majuscule
Un jeu de Mantes Religieuses
Il est si bon de manduquer l’Autre
D’en disséquer la substantifique moelle
Tout ceci ce sublime entendement
Qui porte aux nues
Luxe Calme et Volupté
Ne se donne jamais qu’au prix
De l’absurde à payer
En monnaie de singe
En argent de dupes
En pièces sonnantes et
TREBUCHANTES
*
Alors sais-tu gentille Petite Apparition
Lorsqu’on a bu toutes les ambroisies du monde
Touché les atours multiples
Et bariolés de ces Dames
Flirté avec les Beaux Arts
Admiré les paysages en carton-pâte
Qu’on nous tend au coin de chaque rue
De simples miroirs aux alouettes
De la roupie de sansonnet
Eh bien vois-tu on ouvre
La porte dérobée
Il y en a une dans chaque Casino
Même à Las Vegas il paraît
On enjambe le bastingage
Et HOP tête la première sur les rochers
Qui vous tendent leurs gentils moignons
Certes c’est pas bien ragoûtant tout ça
Mais y aura bien un gentil piranha
Aux dents finement aiguisés
Qui vous découpera telle une dentelle
Des Dames du Temps Jadis
*
Alors Petite Fille disciple
de Diogène-l’Onaniste
Lequel n’en faisait qu’à sa tête
N’en faisait qu’à son sexe
Toujours SEUL parmi ce peuple d’Intouchables
Petite Fée Magique tu pourras moucher
La flamme de ta lanterne
Il fera tout noir comme
Dans la gorge du Néant
Nul n’y verra goutte
Pas la plus petite faille par où glisser
Le bout de sa sclérotique
Pas le moindre recoin dont les pupilles
Pourraient faire leur rapide gloire
Il n’y a rien
Définitivement rien
Le NOIR seulement
Qui appelle la lumière
Mais la lumière est aphone
Elle n’a plus de VOIX
Plus de VOIE
Pour venir jusqu’à nous
Puisque reconduits au NEANT
Nous n’existons pas
Bye-bye Diogène
Tu peux éteindre ta lampe
L’homme n’existe pas
L’homme n’existe
L’homme
L’homm
L’hom
L’ho
L’h
L
*