Short story
100 x 70 Bristol
Barbara Kroll
***
Le simple dans la venue du jour
C’était le bleu de l’aube
Le bourgeon au printemps
La neige d’hiver
Les ors de l’automne
Une parole amie
Quelque part
Dans la gorge
D’un frais vallon
Une fête au village
La corde mauve
D’un ruisseau
Une pliure d’ombre
La cendre d’une rencontre
*
Souvent je me levais la nuit
Dans le froid lumineux
Avec les yeux des étoiles
Pour seuls témoins
Une luciole brillait au loin
Des amours se levaient
Des gestes se taisaient
Et rien ne paraissait
Que la langueur de l’heure
Et rien ne se disait
Que la beauté du monde
*
Souvent je t’ai surprise
A la margelle
De la fontaine
Seulement vêtue de nuit
Attentive à ne rien déranger
Qui aurait brisé
Cet infini cristal
Cet instant de métal
Cette nervure d’acier
Qui tenaient le ciel
Amplement ouvert
Qui tenaient le cœur
En son étrange suspens
*
A ma croisée
Accoudé dans l’attente de toi
Le temps n’avait plus cours
L’espace s’effilochait
Les rumeurs tarissaient
Le doute s’estompait
La vie souriait
De toutes ses dents blanches
Le muguet faisait
Son bruit de pervenche
Le cerf reposait
Au milieu de ses bois
Le paon éployait sa roue
Le lucane dormait
Dans sa cuirasse lustrée
Flamboyant renard
Enroulé sur sa pelisse
Feignait de somnoler
Mésanges fauvettes
Zinzinulaient
Les amants s’enlaçaient
Avant que le jour ne se lève
*
Le simple dans la venue du jour
Je l’ai connu grâce à toi
Au buisson de tes cheveux
C’était un jais c’était une ardeur
Je l’ai connu à ton corps si blanc
Un nuage s’y est perdu
Je l’ai connu au feu de tes seins
Deux baies rouges à peine écloses
Et pourtant ils surveillaient l’ombre
De leur cruelle timidité
Le simple dans la venue du jour
Comment ne pas l’éprouver
Jusqu’à la graine de l’ombilic
Cette origine en attente
De son continuel ressourcement
Je l’ai connu à ta source vive
Cette nervure de ton sexe
Qui mordait ma chair
Dans la rubescente douleur
Connu encore dans l’albâtre de tes jambes
Sur l’éminence de tes chevilles
Sur les rubis de tes orteils
Connu en toi
Seulement en toi
Sagement assise
Sur la cerise rouge du désir
*
Le simple dans la venue du jour
Nulle part de plus belle volupté
Que cette sublime opalescence
Que ce corps de porcelaine
Ce regard de myosotis
Cette perle oubliée
Quelque part
Sur une feuille
De Bristol
De cela
De cette présence-absence
L’on peut mourir
Tel le héros
Au pied de sa déesse
Je meurs donc d’écrire
De te dire en mots
Le péché de chair est si doux
Dans le bleu de l’aube
Le bourgeon au printemps
La neige d’hiver
Les ors de l’automne
Il y a un violon
Loin là-bas
Qui joue en sourdine
Je crois bien qu’il s’agit
D’un adagio
Comment sortir de ceci
Autrement qu’à n’être plus
Qu’une larme
Sur le bord d’une paupière
Où ton regard
Où ta main
Où ton fruit
Qui me rendraient à moi
Où donc
*