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5 février 2022 6 05 /02 /février /2022 10:56
Tuttle, la peinture en tant qu’intuitionnée

« La terre de Grenade XIV » - 1985

artnet

 

***

 

 

« O prodige! (...) elle [la Sibylle] rompt les barrières du temps et de l'espace,

 et par intuition connaît ce que ses sens et sa raison ignorent... »

 

 Barrès - « Mystère »

 

*

 

“Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.

 Le poète se fait voyant par un long, immense

et raisonné dérèglement de tous les sens.”

 

Arthur Rimbaud

« Lettre à Paul Demeny »

 

*

 

  

   « L’œuvre de Richard Tuttle est, depuis les années 1960, protéiforme, multiple, hétérogène, passant de petites constructions sur toile à des dessins au fil de fer, à des assemblages primitivistes en bois, à des sculptures de toiles libres et de tasseaux… dans une grande liberté dans l’approche des matériaux, de la couleur, des dimensions ou des modes techniques. Aussi, aborder, une pièce en particulier pour évoquer ce travail peut sembler un peu boiteux tant cette œuvre est difficilement réductible ne serait-ce qu’à un parcours logique et une globalité lisible. »

   Telle est la perception de l’œuvre multiforme, foisonnante et déconcertante à ce titre qu’en recueille le regard d’Eric Suchère, critique d’art, à propos d’une exposition de l’Artiste dans le cadre du FRAC d’Auvergne. Oui, le regard se perd volontiers parmi l’immense diversité des figures, des fonds, des formes, des supports. L’impression première consiste en ceci que l’ensemble du réel semble interrogé et plus particulièrement, en ce qui concerne notre approche, les objets et matières les plus simples, les bouts de bois, le carton ondulé, le tissu, le papier libre ou imprimé, du vinyle et tous les badigeons, peintures, résines et solvants qui se puissent imaginer. Rarement Artiste a exploré et questionné avec autant de profondeur ce monde qui l’entoure, cette palpable existentialité, cette profusion matérielle, cette densité qui est la trame même de la vie.

    Dans cet article, nous ne chercherons nullement à questionner les motivations conscientes ou inconscientes qui traversent l’œuvre en filigrane, mais à nous situer dans la perspective d’une interprétation de ce vaste Alphabet Formel qui semble pouvoir qualifier avec assez d’exactitude ce travail tout au long d’une féconde carrière d’Artiste. Car, pour tâcher de nous y retrouver dans cette multitude, c’est à l’extraction de quelques significations que nous procèderons, tout comme l’on interroge le rapport des mots dans une œuvre littéraire poétique ou en prose. En quelque manière, les relations des formes entre elles, la sémantique à laquelle elles aboutissent nécessairement.

Tuttle, la peinture en tant qu’intuitionnée

A gauche : « Untitled (blue/orange) » -  artnet

 

A droite : « Sand tree 5 , 1988 » - artnet

 

 

   Afin de mettre en exergue l’une des facettes de la pluralité agissante de Richard Tuttle, nous plaçons en regard « Untitled (blue/orange) » et « Sand tree 5 », nous apercevant qu’ici, il s’agit, à proprement parler d’un « grand écart » esthétique et plastique dont nous penserions qu’à son fondement se trouvent deux Artistes différents. En effet, tout est fait pour nous égarer. Si « Untitled » ne recourt qu’à un vocabulaire simple, voire minimal, « Sand tree » privilégie les volumes imbriqués, les tonalités opposées, le surgissement à partir du plan. Passage sans transition du bi-dimensionnel au tri-dimensionnel. Et ceci est si fortement accentué que, dans un premier ressenti, nous avons un peu de mal à saisir en quoi de telles formes peuvent entretenir un réel dialogue, sinon celui d’une confrontation. Et, précisément, notre tâche de Voyeur consistera à nous immiscer dans l’intervalle situé entre ces deux propositions picturales pour en saisir le motif purement syntaxique.

   Mais ici, il nous faut recourir au fonctionnement de tout langage et le mettre en perspective avec cet autre langage qu’est le jeu formel, lequel nous met au défi de le comprendre. Prenons deux mots simples : « craie », puis « blanche ». « craie », isolément considéré, ne nous apporte rien d’autre que son enveloppe phonétique [k R E], c’est-à-dire une suite de phonèmes indifférenciés. Maintenant considérons le mot « blanche », [b l a~ S], ce mot également demeure en sa posture phonétique. Un genre de mutité, de barrière matérielle que nous ne pouvons franchir. Introduisons ces deux mots dans une phrase du type « la craie est blanche ». Soudain tout s’éclaire. La liaison des mots opère le passage de la phonétique à la sémantique, ce qui veut dire qu’un sens se dégage immédiatement de leur proximité. Le langage pictural lui-même n’a d’autre façon de se donner que de mettre en relation la diversité de ses termes. Ce qui est passionnant, faire résonner un écho entre les œuvres, les situer parfois dans un rapprochement, d’autres fois dans un éloignement. Ceci est le mouvement naturel de la vie dont Tuttle nous dit qu’il est « plus important que l’Art », mais, ajouterons-nous, dissocier Art et Vie ne se pourrait qu’au prix d’une perte aussi bien de l’un que de l’autre car la parole du Monde est faite de tous ces accords, mais aussi de tous ces discords.

   Mais alors qu’y a-t-il de si mystérieux qui s’installe entre « craie » et « blanche », identiquement entre « Untitled (blue/orange) » et « Sand tree 5» ? Une seule et unique chose : le SENS qui est la forme accomplie de toute intuition. Sans intuition, sans saisie immédiate de ce qui se donne à la conscience, jamais les significations ne se montreraient, simplement des signifiants orphelins de signifiés. Là est la grande beauté de tout langage, qu’il soit humain, pictural, naturel car la Nature aussi parle, qu’un sens soit contenu partout où une chose peut se rencontrer. « TOUT EST LANGAGE », ainsi peut se déterminer le motif qui nous traverse nécessairement, nous hommes de paroles, nous qui adressons aux divers étants les prédicats qui les portent à l’être. L’acte de prédiquer, de nommer, est le geste éminent par lequel les choses sortent de leur pli obscur pour connaître le dépli unique de la lumière, sa puissance d’éclairement. Merveille des merveilles, que le Monde signifie !

   Si « tout est langage » ceci ne s’actualise qu’à proférer, « tout est passage, intervalles, relations ». Tout est dynamique qui institue la matière même des choses. Rien n’est inerte à la simple raison de l’efficience de notre visée intentionnelle de ceci qui nous fait face. Non, nous ne laissons rien en repos, non nous n’abandonnons nullement le divers à sa mutité. Nous le provoquons et le conduisons à se dire de telle ou de telle manière. Tout comme cela parle en nous, cela bouge en nous, cela s’impatiente en nous, c’est le propre même de notre existence facticielle. Chaque fait rencontré est une question à nous posée, à laquelle nous trouvons ou non une réponse. L’essentiel ne consiste pas nécessairement à donner une réponse mais à poser l’énigme et la laisser en sa qualité d’énigme avec cette tension qu’elle crée en nous, elle n’est jamais que laisser sourdre les linéaments secrets de notre présence ici et maintenant, un sens ultime à donner à qui-nous-sommes, à qui-nous avons été, à qui-nous-devenons.

   Il faut revenir aux « intervalles », ne pas les laisser au repos. Les intervalles entre les mots du langage, les intervalles entre les œuvres de la picturalité. Deux écarts entre deux essentialités. En différer la venue est simplement renoncer à comprendre ce qui, quotidiennement, nous affecte et demande qu’une disposition de notre psyché veuille bien faire halte, prendre le temps d’une méditation. Ici doit se faire jour, avec de plus en plus de clarté, cette intuition sans laquelle rien ne s’élève de rien.  Qu’est donc l’espace entre deux œuvres de cet Artiste au génie pluriforme, s’il n’est déterminé par notre propre emplissement intuitif ? Car, nécessairement, si nous voulons pénétrer plus avant l’œuvre de l’Artiste, notre propre intuition doit rejoindre la sienne.

   Le trajet que nous accomplissons d’une forme à l’autre, qu’il soit su ou insu, s’inscrit au plus singulier de notre être au titre de ce-sens-qui-est-pour-nous, indissolublement et inéluctablement nôtre, dont nul ne pourrait s’approprier, couleur de notre inclination, climatique de nos affinités, irisations de nos tonalités essentielles, cette musique de fond, ces résonances qui nous accordent aux choses et au monde. Toute intuition est particulière, indivisible, elle signe, en quelque façon, notre portrait, elle trace les contours de notre identité. Sa singularité explique en quoi cette forme nous touche particulièrement, alors qu’elle laisse indifférent cet Autre qui, peut-être, ne la perçoit même pas.

 

   Ce qui se donne comme intuitionné

 

 

Tuttle, la peinture en tant qu’intuitionnée

Image du haut : Objets trouvés sur la Colline de Mormont

Image du bas : divers mediums dans l’atelier de Richard Tuttle

 

***

 

   Ce que tente ici le rapprochement de ces deux images, se donner en tant que métaphore du travail intuitif de l’Artiste à partir des deux signifiants que constituent aussi bien les objets à sa disposition que les tubes de couleurs et autres matières dont il fait l’usage, le but ultime étant le signifié comme fusion des deux réalités antécédentes L’essence du processus artistique consiste en ceci, partir du cadre matériel ontique en vue d’aboutir à l’entité purement ontologique qui se lève de toute œuvre accomplie en totalité. Translation d’un étant en direction de son être. Maintenant, si nous regardons de près la nature même de la métamorphose qui affecte ces étants, nous nous apercevrons que tout était inscrit dans les choses à titre même de destin. (Nombre de mes écrits sur le geste artistique proposent la thèse suivante : toute Forme est en attente de sa réalisation. Dans cette optique l’Artiste est un Passeur, un Médiateur, il est celui qui permet le passage du signifiant au signifié).

   Donc les objets sont là dans l’atelier, posés-devant, inertes, opaques, seulement animés, en toute hypothèse, de virtualités internes qui n’ont encore trouvé le chemin de leur épanouissement. L’Artiste, lui, se situe dans une position méditative, intuitive, dont on pensera qu’elle dépasse le simple regard de surface porté sur l’objet, pour rejoindre, précisément, ces virtualités, ces puissances, ces énergies en sommeil gisant dans la nuit de la matière. Intuitionner est ceci : se détourner de l’apparence première afin de faire surgir ce qu’elle dissimule. Intuitionner est ceci : porter au langage ce qui semblait voué au pur silence. Intuitionner est ceci : trouver les accords, les résonances entre les supports matériels, les mediums de manière qu’à leur jonction naisse un sens, se déploie une sorte de révélation. Intuitionner est ceci : porter sa vision au-delà des objets, méditer, initier un jeu conceptuel au terme duquel, en vertu d’un simple retour vers l’objet, ce dernier se verra métamorphosé de ce que nous pourrions nommer « l’illusion créatrice », laquelle modifiera son champ spatial, dilatera sa forme au-delà de sa simple contingence. Passage du factuel à l’artistique.

Tuttle, la peinture en tant qu’intuitionnée

« Z 13 » - 1981

 

***

 

   Ce qu’assurément il y a à percevoir afin de ne nullement demeurer en-deçà du geste artistique, l’essence de quatre réalités qui s’installent au cœur même de la création artistique : le Recel et l’Attente ; le Décel et la Surprise. Le Recel est celui de la chose auquel correspond l’Attente de l’Artiste. Le Décel est l’éclosion de la chose artistique, la Surprise celle de l’Artiste confronté à la pure phénoménalité. Cette expérience, rapportée au langage, situe le Recel en tant que Silence, le Décel en tant que Parole. L’Attente et la Surprise pourraient trouver leur équivalent dans la dynamique du Couple Parents/Enfant, l’Attente étant « l’illusion anticipatrice » des Parents (voir « l’illusion créatrice » évoquée ci-dessus) telle que décrite par le psychiatre René Diatkine avant que l’enfant ne naisse ; la Surprise, les premiers mots émis par l’enfant, autrement dit ses premières créations, ses signifiants originels qui sont en même temps des signifiés s’actualisant dans le monde, que les Parents reprennent comme de pures merveilles, des actes quasiment magiques.

    Instruits de tout ceci, du champ des significations et des signifiés toujours à l’œuvre dans tout acte humain et singulièrement dans le geste transcendant de l’Artiste, sans doute le titre commencera-t-il à s’éclairer à l’aune de l’explication suivante. « Tuttle, la peinture en tant qu’intuitionnée » veut montrer l’exceptionnelle disposition de l’Artiste à intuitionner le réel le plus prosaïque, à procéder bien plus par « esprit de finesse » que par « esprit de géométrie », à pénétrer l’essence des choses jusqu’en leur intime subtilité, à débusquer le moindre détail pouvant être porteur de signification, en un mot trouver, sous la touffeur de la cendre, l’étincelle qui y vit de son Attente et de l’espoir de son Décel.

 

   De quelques projections de l’intuition

Tuttle, la peinture en tant qu’intuitionnée

A gauche : « Lumière d’hiver » - 1985

 

A droite : « Manières secrètes de rester heureux II » - 1986

 

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    Pour nous, ces deux œuvres entretiennent un dialogue doué d’une pure évidence, si bien qu’évoquer l’une sans l’autre reviendrait à manquer la sémantique qui les traverse. Ces deux œuvres sont co-présentes tout comme sont donnés ensemble les deux membres d’une gémellité. L’une appelle l’autre. L’autre répond à l’une. Alors, si l’on rapproche les dates, 1986 suivant de près 1985, l’on peut supposer une énonciation débutée en un temps qu’un autre temps vient confirmer sous la forme d’une réponse. Comme s’il y avait entre elles, Appel et Réponse, Simple position d’évidence de la « Lumière d’hiver » que viendraient rasséréner des « manières secrètes de rester heureux ». Ce qui se donnait sous la forme d’un Plein, la Lumière, trouve sa résonance dans cette dentelle Heureuse tressée autour d’un Vide. Y a-t-il là l’énonciation d’un art de vivre qui jouerait la légèreté contre une pesanteur relative ? Certes la Lumière est toujours associée à l’idée de Plénitude. Alors le bonheur serait-il une simple hypostase de la Lumière, une forme ne se montrant qu’à être requise sous un principe qui la dépasse et, parfois, projette quelque ombre, ce qui voudrait dire que « rester heureux » serait de l’ordre d’un pur travail d’équilibriste, ces formes somme toute arachnéennes en étant le symbole, l’actualisation graphique ? Ici, nous voyons bien que l’intuitif, plutôt que de demeurer sur le plan de surface d’une compréhension lui préfère le risque d’une interprétation. Autrement dit la voie ésotérique préférée à l’exotérique. Sans doute tout geste en direction de la saisie d’une œuvre consiste-t-il en une tâche herméneutique qui, pour autant, ne saurait être qualifiée de « vraie » ou de « fausse » puisqu’elle est le résultat de la présentation de la chose artistique en son pur jaillissement pour la conscience. Or le pur jailli n’a ni règles, ni morale, seulement la vie faisant subitement effraction dans le réel.

 

Tuttle, la peinture en tant qu’intuitionnée

A gauche : « Ceci est une étude pour le noir et blanc » - 1971

 

A droite : « Sans titre » - 1970

 

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   Ici, deux gestes graphiques confluent, tout en s’opposant. Vertu de toute dialectique portant au jour le tissu serré de ses apparentes contradictions. Ce que « Noir et blanc » affirme dans la toute-puissance de ses traits, « Sans titre » semble vouloir en effacer la tellurique effervescence. Les signes viennent dans la discrétion, l’espace alentour est libéré des contraintes inévitables que lui impose l’écriture. En réalité deux Alphabets Formels strictement complémentaires car dire au moyen du trait suppose la variété, genre de Babel hiéroglyphique dans laquelle chacun puisera les motifs qui lui parlent. Ces deux œuvres témoignent du geste immémorial de l’écriture. Elles ne sont nullement des indices gratuits, de simples fantaisies imaginaires. Toute empreinte porte en elle bien plus que son étique figure ne le laisse paraître. Toujours, dans le filigrane du papier le murmure des peuples anciens qui ont tracé la voie pour l’éclosion du langage. Les traces de l’araméen, du cananéen, ces langues sémitiques sur lesquelles nous reposons sans en avoir une nette conscience. Or, si le conscient n’y a nullement accès, c’est seulement au gré de l’intuition que ces essentialités nous seront accordées telles nos propres fondations. Ce que fait Richard Tuttle ici, c’est un travail d’archéologue (un travail intuitif car l’illusion de la découverte anticipe toujours l’acte de la fouille), il porte devant nos yeux ce qui s’est ensablé depuis des millénaires, il vivifie la racine même de notre essence humaine. Å la seule empreinte de son pinceau, il nous restitue cette belle écriture semblable à la phénicienne qui nous demeure aussi étrangère que fascinante. Il nous installe au cœur du mystère de l’écriture, tout aussi bien, ici, au mystère de la peinture, du geste graphique.

Tuttle, la peinture en tant qu’intuitionnée
Tuttle, la peinture en tant qu’intuitionnée

A gauche : « Ocre » - 1988

 

A droite : « Sans titre » (Blanc gris pour lumière artificielle) - 1986

 

   Toujours le blanc est la marque du silence, du silence où jaillit la parole. « Ocre », deux obliques comme deux phrases qui s’énoncent clairement, qui viennent se superposer au blanc, au blanc dans son essentielle réserve : distance, intervalle, écart afin qu’une voix soit audible, qu’une prose du monde se dise et, bien plus, qu’une poésie se lève. En contrepoint, « Sans titre », pareil à l’effacement de ceci qui voulait se dire et se troue des points du silence. Le gris s’oblitère de silence, la parole s’espacie, se dilue au risque de sa propre disparition. Splendides variations sur l’essence de la langue. Une fois, la langue fait fond sur le silence, une autre fois le silence se vêt de parole. Qui est originaire, du silence, de la parole ? Qui fonde l’autre ? Ou bien naissent-ils l’un de l’autre, la parole du silence, le silence de la parole, chacun, dans ce croisement chiasmatique, venant à la rencontre de qui l’attend et le porte au-devant de soi ?

   Ce que la parole énonce en mots, la peinture le dit en signes, traces, empreintes. Le verbal rejoint le pictural. Sans doute faut-il supputer que le Sapiens, inclus dans le long silence précédant le mouvement de l’Histoire, émit son premier langage, des signes de morse en réalité, en découvrant la magie de ses premières esquisses sur la paroi de la grotte. La paroi était muette, comme toute paroi et voici qu’elle devenait parlante, que les signes de l’humain inscrivaient à leur nocturne cimaise, d’un seul et même trait de charbon ou de sanguine, la lumière du Langage, la lumière de l’Art.

    En ces temps de fuligineuse mémoire le silence était noir, la parole blanche, elle qui éclairait les bosses sus-orbitales des premiers porteurs de Verbe. Nous aimons à croire qu’une telle intuition a habité, l’espace d’un éclair, le front de l’Artiste, que les points, les traits étaient bien les mots par lesquels il donnait à dire ce qui, de tous temps, habite les hommes au sein même de leur conscience : qu’un mot surgisse, un seul et la peur recule. Oui, la peur recule. L’Art est magie ou bien n’est rien. Or nous voulons croire à la magie. Tels des enfants qui applaudissent des deux mains en regardant les facéties de Guignol, tant qu’il y aura une scène, un décor, de la peinture, des mots, nous serons des Voyeurs comblés. Oui, comblés !

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