Entre sel et ciel…
Etang de l’Ayrolle…
Photographie : Hervé Baïs
***
Au regard de la Beauté,
l’Homme est
toujours en défaut,
souvent la longe-t-il
sans même l’apercevoir.
Pourtant la Beauté demande,
pourtant la Beauté rayonne
Au regard de la Beauté,
l’Homme est
toujours en excès,
disant à l’envi
qu’il en est, lui,
le Créateur,
que sans lui,
l’Homme,
jamais la Beauté
n’existerait,
jamais la Beauté
ne trouverait son site,
seul le regard humain
l’accomplissant,
l’amenant au
prodige de paraître.
Confondante
infatuation
de l’Homme
qui, toujours,
se veut celui
par qui tout arrive,
celui par qui
tout signifie.
Celui autour de qui
tout s’incline.
Ce que veut la Beauté ?
Se dire en tant que Beauté
N’avoir nul recours
ni à l’Homme,
ni à la Pierre,
ni à la Plante.
Beauté est Beauté
en l’entièreté de son être.
Beauté est Beauté
sans condition
qui en expliquerait
la venue,
sans préalable
qui l’annoncerait.
Beauté est en Soi,
n’a nul besoin
d’une altérité
pour en révéler
le royaume.
Beauté est comme la Rose
d’Angelus Silesisus
Beauté est sans pourquoi,
vit parce qu’elle vit,
n’a cure qu’on la flatte,
qu’on l’encense.
Beauté est un être
de Haute Lignée,
Beauté est événement
que nul ne peut dépasser,
Beauté se dit du Haut
de sa Présence.
Ce que veut la Beauté ?
L’immédiateté
des choses.
Le surgissement,
à lui-même
son propre Destin,
Le déploiement
du sens pareil
au flottement
d’une bannière
sous l’étoilement
du Ciel,
au-dessus des sillons
de la Terre
où végètent les Hommes,
cernés qu’ils sont dans
leur enceinte de peau,
limités qu’ils sont
au prix de leur finitude
Ce que veut la Beauté ?
La venue du Simple
en son Simple,
le Peu et l’aura
de sa Modestie,
la Parole en
son chuchotement
la Chair en
sa forme éthérée
l’Amour en
son illisible fuite.
Ce Ciel dans la libre
venue de son être,
sa cendre grise,
puis sa patience,
sa chute inaperçue
dans le silence blanc.
Ce que veut la Beauté ?
Le sombre des collines,
leur lent glissement
à l’horizon.
Ce que veut la Beauté ?
Le luxe immense de l’eau,
son doux appui
sur la dalle de limon,
ce calme où les
choses s’éteignent,
cette onde souple,
elle dit l’élégance
de l’instant,
ce pli du gris entre
la toile nocturne,
l’éclat diurne.
Ce que veut la Beauté ?
La Pierre,
la Plante,
l’Homme,
mais à égalité
de Destin
car la Beauté
est Totalité,
jamais adresse
à l’Unique,
à la Singularité
Ce que veut la Beauté ?
Ces trois lignes
qui traversent l’eau,
que l’eau accueille
du fond de son mystère.
Trois lignes sans nom,
elles sont le reflet de
l’Universelle Temporalité.
Au plus proche
la ligne du Passé,
Au milieu,
la médiation du Présent,
la présence du Présent
en sa neuve majesté.
Au plus loin,
le point à peine
visible de l’Avenir,
cette tout juste émergence
de nos futurs desseins.
Ce que veut la Beauté ?
Le Ciel infini
en sa haute passée,
la Colline où sont
les Existants,
le Lac où sont
les eaux lustrales,
celles par qui nous
sommes au monde.
Et ceci,
le Monde et Nous,
n’est-ce là le lieu
de toute Beauté ?
Le lieu qui devrait être
celui de notre Sagesse,
car, seuls les Sages
ont assez de sapience
et de considération
de ce qui vient
à l’encontre.
Énoncer la Beauté,
l’accueillir comme l’aire
de notre propre Liberté.
Rien ne saurait être Beau
qui, jamais, n’aurait
connu la Liberté.
Beauté, Liberté :
deux noms pour
une seule Réalité.
C’est ceci que
nous voulons,
nous les Hommes,
mais le plus souvent
ne le savons pas.
Ce que veut la Beauté ?
La BEAUTÉ !