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4 mai 2022 3 04 /05 /mai /2022 10:11
Le sel de la vie

 

Gruissan…le sel…

Photographie : Hervé Baïs

 

***

 

   [Incise – Parfois, il y a loin du Verbe à l’Image. Parfois le commentaire semble tutoyer un autre domaine que celui du visible. Cette poésie, comme bien d’autres, est « Poésie Métaphysique », c’est-à-dire qu’elle ne pose que des problèmes qui paraissent si loin des préoccupations quotidiennes. Et pourtant, si le Noir et le Blanc, loin d’être seulement des teintes que nous rencontrons dans l’horizon de notre regard, s’ourlent de mystérieuses connotations, rien ne vient ni du Noir, ni du Blanc en leur foncière innocence, tout vient de nous, Êtres-de-question dont seule la Mort vient clore le registre itératif.

   Alors, penser en « Métaphysicien », est-ce si grave ? Chacun en ceci, suit sa propre pente, son inclination naturelle. Cependant nul n’est plus aveugle que celui qui se voile les yeux. La conception ancienne de la Vérité chez les Philosophes antiques, se donnait sous les espèces du « Dévoilement ». En effet, cette conception paraît la plus juste pour déterminer le domaine du Vrai, au moins tâcher d’y parvenir.

   Lorsque nous regardons cette régulière et étonnante pyramide de sel, nous en voyons l’endroit, mais ne pouvons ignorer son envers. Il en est ainsi des choses, elles ne nous révèlent jamais qu’une partie de leurs multiples esquisses et il nous faut en faire le tour de manière à en posséder une visée la plus exacte possible. Bien évidemment, au sens strict, le Noir est le Noir ; le Blanc est le Blanc et beaucoup se contenteront de cette rassurante tautologie. Cependant, à énoncer ceci, le débat n’est nullement clos car, toujours le doute existe et la crainte de n’avoir perçu que d’une manière erronée, approximative.

   Sans doute les Choses nous questionnent-elles à notre insu. Alors, autant prendre les devants, la surprise est moins grande dès l’instant où elle est anticipée. Regarder, lire, écrire, penser, tous ces gestes du quotidien ne sauraient se circonscrire à leur propre énoncé, toujours des échos, des réverbérations, des sédiments qui remontent à la surface avec leur charge de mystère. La surface n’est jamais sans la profondeur. Mais nul n’est censé souscrire à cette vision. Il faut faire confiance à son propre « daïmôn » lui seul nous souffle la conduite à suivre. Belle lecture si vous lisez. JP.]

 

“Lorsque votre démon est en charge,

 n’essayez pas de penser consciemment.

Laissez-vous aller, attendez et obéissez.”

 

Rudyard Kipling

 

*

 

Le Blanc fait fond

sur le Noir.

Le Noir fait fond

sur le Blanc.

 

Parfois le Noir se

diffuse dans le Blanc.

Jamais le Blanc

n’altère le Noir.

Règle infrangible

 de l’Exister.

Le Noir est le

domaine de la Mort,

le site du Rien,

l’aire du Néant.

Le Blanc est le

lieu de la Vie,

le surgissement

du Tout,

l’espace

du Réel.

 

Le Ciel est Noir,

la Terre est Noire.

Ils sont le Ténébreux,

l’Impénétrable

par où l’Absurde

vient à nous

et nous cloue à

 notre propre stupeur.

 

La pyramide de sel

est Blanche.

Elle est la sublime Clarté

par où nous venons à nous

le temps d’une Éclaircie.

Le Blanc est Pureté.
Le Blanc est Cristal.

Il rayonne en nous

au plus profond

de notre être.

Il nous dit la Beauté

de ce qui est sous tous

 les horizons du monde.

Il nous dit le Refuge, le Pli,

mais aussi le Dépli.

Il nous dit le Verbe qui,

 un jour, troua le Noir,

donna Signe et Sens

à tout ce qui devait

croître et essaimer.

Le Verbe humain,

non le Verbe divin,

 il est trop loin,

il est trop tissé de songe,

peut-être de mensonge.

 

Le Blanc fait fond

sur le Noir.

Le Noir fait fond

sur le Blanc.

 

Le Verbe humain

brille au cœur

de la sublime Poésie.

Le Verbe humain est l’éclat

de la précieuse Philosophie.

Le Verbe humain, c’est lui

qui porte l’Art au paraître.

Le Sel de la Vie

est Sel du Langage.

Le Sel est l’Esprit

qui se lève,

féconde la

divine Raison.

Le Sel est céleste,

 il est le mercure

des Grands Penseurs.

Le Sel est le médiateur

alchimique entre

 l’Âme et la Pensée.

Le Sel est sacré, il purifie,

il protège des mauvais esprits.

Le Sel est Sel pour autant

qu’il se donne en tant

que rare, essentiel.

Il a la teneur

d’une Essence,

l’éclat de l’Idée.

 

Le Blanc fait fond

 sur le Noir.

Le Noir fait fond

sur le Blanc.

 

L’Image qui nous

raconte ceci est belle.

Elle est Essentielle,

 elle est Fondement.

Ici, une Réduction a eu lieu,

Une condensation s’est opérée.

Tous les prédicats obsolètes

ont été gommés.

Il ne demeure que

cette haute dialectique

 du Blanc et du Noir.
Il ne subsiste que

cette tension élémentaire

de la Vie, de la Mort.

Les fins Nuages disent

la Vie en sa fuite continuelle.

La Terre Noire dit

l’accueil final des Corps.

La pyramide de Sel

tient le milieu,

s’arcboute sous la

taie Noire du Ciel,

ses flancs sont la lisière,

la limite extrême au-delà

de laquelle le Verbe s’éteint,

s’annonce le Silence de l’Infini.

 

Le Blanc de la Vie a

rejoint le Blanc du Silence.

Le Blanc de la Vie

 connaît le Noir comme

ultime étape de son voyage.

Du Blanc nous sommes assurés,

tout comme nous sommes

conscients d’exister,

de parler, d’aimer.

 

Le Blanc fait fond

sur le Noir.

Le Noir fait fond

sur le Blanc.

 

Du Noir nous ne

 connaissons rien,

supputons seulement,

imaginons et c’est pareil

à un mot qui,

depuis une éternité,

n’attendait que

d’être biffé,

de retourner au lieu

de son Origine,

dans cet Invisible qui

nous questionne et nous met

au défi de le comprendre.

 

Mais que comprenons-nous

vraiment ?

Le Ciel en son immensité ?

La Terre en sa fermeture ?

Le Nuage en son

éphémère voilement ?

La beauté en son énigme ?

Le Verbe en son

inépuisable ressource ?

Que comprenons-nous

vraiment ?

 

Telle cette blanche pyramide

qui monte à l’assaut du Ciel

et sans doute ne sait

guère pourquoi

nous tendons nos mains

 vers l’Immense.

Elles sont Blanches,

uniquement Blanches

qu’un suaire Noir, au loin,

pourrait bien recouvrir un jour

si nous n’y prenons garde.

Car, toujours le Noir

veut phagocyter le Blanc.

Là est la loi de l’Exister.

Le Sel est soluble

dans l’eau.

L’eau est l’autre

nom du Noir.


 

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