Photographie : Hervé Baïs
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Notre être porte-t-il
Son affliction
Nous sommes abandon
Nous sommes perdition
Le ciel est gris
Qui se perd tout là-haut
Mon âme est grise
Qui ne connaît que la bise
Le ciel est gris qui s’éclot
Dans l’espace infini
La terre mais est-ce la terre
Cette langueur gorgée d’eau
La terre est parcourue de sillons
Mon esprit se teinte de limon
Une ligne noire sépare
Le ciel de la terre
Elle est comme
Un trait ultime
Tiré entre les choses
Mon corps se ferme
Sourde porte close
Y a-t-il quelque part
Une lecture à faire
Un point de lumière à la lisière
Une plage de clarté court
Là-bas dans l’insaisissable du jour
Mes pensées pourraient-elles
Encore avoir cours
Vers quel horizon
Notre être porte-t-il
Son affliction
Nous sommes abandon
Nous sommes perdition
Nul n’est ici arrivé
Le temps en sa pliure couché
Nulle ouverture n’a trouvé son lieu
Les yeux sont en quête d’un dieu
Désertés de toute présence
Cruelle et irrésolue nitescence
Ce lieu de pure beauté
Que saurait-il proférer
Sauf cette longue solitude
Sauf cette réelle finitude
Car Beauté est tragique
Car Beauté est magique
Car Beauté est alcaïque
Porte en soi au plus haut
Le Verbe en sa Poétique
Porte en soi tout ce qui
Au cœur nous tient chaud
En ce lieu de prodigieux silence
Nous faisons belle présence
En ce lieu de sourde existence
Vient à nous notre cruelle déhiscence
Du paysage nous sommes séparés
Du Monde nous ne voyons plus les traits
De ce qui est Autre nous sommes mutilés
Vers quel horizon
Notre être porte-t-il
Son affliction
Nous sommes en abandon
Nous sommes perdition
Que dire au sujet
De cette vaste lagune
Qui déjà ne soit point lacune
Qu’éprouver au sein
De la merveilleuse Nature
Qui déjà ne soit profonde déchirure
Car les Hommes sont mortels
Se fourvoient souvent
En des péchés véniels
Car les Hommes
S’ils sont amoureux
Chutent souvent
En des abîmes ténébreux
Pourtant il y aurait
Bien peu à faire
Pour nous concilier
L’obligeance de la Terre
Vivre avec elle en harmonie
Cependant nous ôter tout souci
La cueillir telle une ambroisie
L’accueillir telle une Amie
Vers quel horizon
Notre être porte-t-il
Son affliction
Nous sommes abandon
Nous sommes perdition