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6 décembre 2022 2 06 /12 /décembre /2022 09:16
Sous le regard du ciel

Saintes-Maries-de-la-Mer

Entre mer et marais…

Photogtaphie : Hervé Baïs

 

***

Sous le regard du Ciel

Qu’étaient les Choses

Venant à leur être ?

 

Il y avait si peu de bruit.

Il y avait si peu de lumière.

Il y avait si peu de mouvement.

Vous pensiez être SEUL

 sur la face de la Terre.

Mais, peut-être, le Monde

n’était-il encore venu à lui ?

Du creux d’indolence

et de douce patience

où vous séjourniez,

vous attendiez.

Longtemps vous attendiez.

En réalité, et ceci était clair

comme un cristal de roche,

c’est vous que vous attendiez,

longue imago en attente

de sa métamorphose.

 

Votre forme, vous ne l’aviez

encore nullement imaginée.

Cuivre des Marais aux ailes orangées

 criblées de menus points noirs

ou Semi-Apollon au corps

couleur de plomb,

aux fines nervures dessinant

le pur motif de la venue à l’être ?

Oui, être Papillon, vivre votre

vie d’Éphémère et retourner

dans les limbes luxueux

 du Néant.

Ni bruit.

Ni lumière.

Ni mouvement.

 

Sous le regard du Ciel

Qu’étaient les Choses

Venant à leur être ?

 

Puis, soudain ça bouge

au plein des ténèbres.

Puis soudain ça fourmille

dans la tunique de votre corps.

Puis soudain vous sentez

le flux de la vie couler en vous.

Vous percevez des respirations.

Vous percevez d’infimes tropismes.

Vous percevez quelque chose

comme une étincelle

qui pourrait se lever de la nuit,

un éclat soudain illuminer le ciel,

l’emplir de sa prodigieuse présence.

Vous discernez, mais quoi ?

Les choses, dans cette manière

d’évanouissement sont

si floues, si éthérées,

pareilles à un fil de soie

qui pourrait rompre

d’un moment à l’autre.

Vous appréhendez

quelque présence.

Une forme, oui,

puis plusieurs,

des genres d’ellipses,

d’ovales indéterminés

mais qui, bientôt, diront

le secret, qu’en eux,

ils dissimulent.

 

Sous le regard du Ciel

Qu’étaient les Choses

Venant à leur être ?

 

Ces oblongues venues au jour,

voici qu’elles commencent à signifier,

qu’elles commencent à parler.

Mais oui, l’évidence est là,

ces ellipses enferment en elles

la naissance de regards,

comme une origine à partir de laquelle

 tout se déploierait jusqu’aux

limites de l’infini.

Tout, petit à petit, sort de l’ombre,

tout s’extrait de la chrysalide d’argile

et le Tout, soudain, se ramène à l’unité

d’un SEUL REGARD.

Ce regard est celui du Marais.

Il est large, couleur d’argent éteint,

de jour triste mais c’est en ceci qu’il est beau,

sa douce mélancolie est un enchantement

pour qui le regarde.

Et vous le Quidam qui sortez à peine

de votre marécage de ténèbres,

avouez-le, vous êtes envoûté par ce Regard,

par cet œil unique qui regarde le Monde,

le révèle, le porte devant vous

comme la seule chose à connaître.

Vous êtes vous-même,

en votre for intérieur,

et vous êtes aussi

ce REGARD qui se lève

et boit le divin Cosmos.

La duplicité de votre regard

associé à celui du Monde,

c’est ceci qui ouvre la voie

à un chemin semé de Poésie.

Vous êtes Vous et le Monde

en un seul geste de la Vision.

Vous, le Marais, le Monde,

une seule et même effusion,

une seule ligne claire

à la surface des choses.

Tout, maintenant, dans

la naturelle retenue de l’Aube

vous parle le langage des choses

secrètes et précieuses à l’être,

à ne se dévoiler que

sur le mode du Rare.

 

Sous le regard du Ciel

Qu’étaient les Choses

Venant à leur être ?

 

Le Ciel est très large et très haut.

Il vole à d’incroyables hauteurs

 avec ses cortèges d’oiseaux

immobiles, invisibles,

sauf aux yeux de l’âme,

elle qui voit Tout

 au milieu du Rien.

Le Ciel, aussi bien,

c’est Vous,

la meute de vos idées,

la libre expression de vos pensées,

la floculation plurielle de votre imaginaire.

Le ciel, sa toile blanche, virginale,

c’est vous lorsque, tel l’Enfant,

vous souriez aux Anges.

Le ciel, c’est vous et les nuages légers

sont les peines qui sèment parfois

à votre front les rides de l’ennui.

Le ciel, c’est vous et les vastes

 et lumineux projets

qui vous habitent et vous portent

bien plus loin que votre corps

ne pourrait le faire.

 

La ligne d’Horizon est basse,

simple trait de charbon

qui sépare l’Idéal,

des Choses Terrestres.

Là, vous explorez le Réel,

là, vous lui donnez

ses assises les plus sûres.

Car il faut bien s’amarrer

quelque part, n’est-ce pas ?

Car il faut un môle, un amer

où cesser de dériver

car, alors, l’on pourrait

sortir de Soi,

au risque de n’y

jamais revenir.

 

Sous le regard du Ciel

Qu’étaient les Choses

Venant à leur être ?

 

La Mer est une langue

 qui ressemble

à la lame d’un étain vieilli.

Quelques formes illisibles

y fourmillent,

tels d’antiques signes d’imprimerie

que le temps d’un palimpseste

aurait partiellement effacés.

C’est peut-être votre Histoire qui s’écrit là,

sur le territoire lacustre des hommes,

là où toujours ils ont posé leur havresac,

bivouaqué afin d’être

 Hommes parmi les Hommes.

Puis il y a le Rivage semé des brindilles

sombres de la végétation.

Il est posé entre

 la plaque de la Mer

et la feuille du Marais.

Il est pareil à une Vigie

qui interrogerait l’horizon,

là d’où le danger pourrait surgir

qui anéantirait les efforts des Hommes,

détruirait leur inlassable patience.

 

Vous êtes ce Rivage,

cette mince lisière tendue

d’une ligne de Vie

à son effacement

 dans la tubéreuse Mort,

ce retour à l’invisible des choses.

Le Marais. L’œil du Marais,

unique mais nullement cyclopéen.

Le Regard au gré duquel

le tout du Monde

s’illumine et vient à vous

dans la plus pure joie.

Vous êtes ce Regard

qui regarde le Monde

mais aussi qui êtes

regardé par le Monde.

Il faut ce flux et ce reflux,

cet étonnant battement,

cette infinie oscillation 

du Jour et de la Nuit,

du Noir et du Blanc,

vous en êtes

le Guetteur,

le Médiateur

en même temps que

le Voyeur ébloui.

 

Sous le regard du Ciel

Qu’étaient les Choses

Venant à leur être ?

 

La sclérotique du Marais,

cette platine lissée de jour,

porte en son centre la touffe

menue de la pupille,

cette mesure presque

invisible mais si nécessaire.

Lorsque l’heure bascule,

que la clarté s’efface,

la Pupille, votre Conscience,

s’élargit et connaît l’incroyable

phénomène de la mydriase,

cette splendeur

qui vous fouette à vif

et aiguise le scalpel

de votre lucidité.

Alors, voyant le Monde

d’une manière exacte,

vous devenez à même

de le juger,

de le comprendre,

 une des plus estimables valeurs

de la Destinée Humaine.

C’est le jeu continuel du temps qui passe,

l’œil du Marais reçoit la vaste parure du Ciel,

 reçoit la réflexion de la ligne d’Horizon,

reçoit les reflets nocturnes du Rivage.

 

Le Sens même du Monde est ceci :

cette infinie réverbération

au sein de laquelle

chaque Chose se connaît

et connaît l’autre

qui vient à son encontre.

Puis le dernier Rivage,

celui dont la proximité

est la plus grande,

cette herse noire

qui paraît muette,

c’est simplement le rideau

qui se fermera provisoirement

sur la Grande Scène du Monde

et alors, par le mouvement inverse

qui vous avait porté là où vous étiez,

par une sorte d’involution,

vous reviendrez

à votre nuit native,

Papillon,

puis Imago,

 puis Chenille,

puis peut-être

Simple Rien

en attente de paraître.

Cependant,

deveniez-vous

ce Rien,

vous n’aurez

rien oublié,

ni le Ciel,

ni l’Horizon,

ni le Rivage,

ni ce Regard

du Marais

ils vous escorteront

aux plus lointains confins

qui, alors, seront les vôtres.

Le Regard, ce sera VOUS.

 

Sous le regard du Ciel

Qu’étaient les Choses

Venant à leur être ?

 

 

 

 

 

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