Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
3 septembre 2013 2 03 /09 /septembre /2013 10:36

 

du-dedans existence nulle.

 

sb 

 

Jerry Bauer. Portrait photograph of Samuel Beckett.

Source : HARRY RANSOM CENTER

THE UNIVERSITY OF TEXAS AT AUSTIN

 

 

Que ferais-je sans ce monde sans visage 
sans questions
où être ne dure qu'un instant où chaque instant
verse dans le vide dans l'oubli d'avoir été
sans cette onde où à la fin
corps et ombre ensemble s'engloutissent
que ferais-je sans ce silence gouffre des murmures
haletant furieux vers le secours vers l'amour
sans ce ciel qui s'élève
sur la poussière de ses lests
que ferais-je je ferais comme hier comme aujourd'hui
regardant par mon hublot si je ne suis pas seul
à errer et à virer loin de toute vie
dans un espace pantin
sans voix parmi les voix
enfermées avec moi.

 

 

 Samuel Beckett

cité par Sylvie Besson.

 

 

  

  Libre méditation sur un poème de Beckett.

 

 

 Que ferais-je et le monde, où est-il  et visage s'absente, on  voit plus contours, on  voit plus  trace, où passé  monde, gesticulations, déflagrations, abominations ? et partout néant et son haleine froide, mais les os gèlent, mais moelle transparente et myéline minces filets perdition giclures, amas nœuds mortifères, que ferais-je courir après mots, crier dans désert, monter montagne et vociférer à quoi bon, personne et désert étend à l'infini monticules sable, épaulements obliques et seulement eau coulant dans  oasis, belle musique claire le long  acequias mais temps passe, insaisissable et griffe l'air de mains en crochets et saisis juste lames effroi, oubli d'être, nervures existence, éclats quartz, rognures silex, vie entaille jusqu'aux os, fragments tarses, débris métatarses, os croisés sur os visage, finitude et tout verse dans vide et vide figuration neutre du Néant, esquisse intemporelle, le fond sur lequel l'existence fait sens, déploie sa gigue mortelle. Rapides pas de deux, menus entrechats et la grande scène du monde dresse ses tréteaux et les masques dans l'ombre ouvrent leurs gueules d'obsidienne et les personnages de la commedia dell'arte affutent leurs rôles et le brigadier frappe les trois coups et les ficelles descendent des cintres et on sent bien les points d'attache dans le dos, les étriers de corde autour du bassin, les noeuds coulants autour gorge et nœuds plats contre omoplates, hommes plats et prêts à jeter peau cuite vieux cuir, pleine vergetures, nodules, excroissances, croûtes purulentes dans première fosse venue juste pour dire douleur exister, douleur pas exister assez, pareil même, et pourquoi corps, pourquoi pas corps privé organes, seulement vibration dans éther, forme libre, pullulation vérité, seulement idée ajustée ciel monde, à peine plus que stridulation cigale, plissement aile  silène, translation phosphènes dans cage verre ampoules, mais corps corruptible, hautement, pareil à fruit nécrosé et bientôt chute sur sol et éternel retour et ombre recouvre tout, oui, que ferais-je dans ce silence des gouffres sinon crier sans voix dans  démesure temps, dans l'inconséquence majuscule des murmures, des halètements de l'amour, des corps suppliciés attachés l'un à l'autre dans une étreinte mortifère, et petite mort devançant grandement constituée, grande pute folle déployant ses membranes de carton et amants meurent croyant vivre, grande palinodie, désir abouché à voyage terminal, tout se retourne infiniment sur soi, rien ne s'ouvre, bouche à corps, corps à bouche, basculement sexes comme calottes poulpes, rétroversion pensée dans antre, dans chair, dans révolte et dents ivoire déchirent passion, amour, déchirent petites pensées, lambeaux, scories, cendres, lave molle écoulant sa gangue liquide partout où sens pourrait faire petite musique urticante, mince comédie ontologique, car être, où voyez-vous être, tout illusion, poudre yeux, escampette, trois p'tits tours, bande marionnettes à fils savent même pas fils, destin suspendu comme épées damoclès et lames yatagan et têtes tranchées moindre objection, moindre objurgation alors que ferais-je hier passé sans retour, aujourd'hui fuit entre doigts comme filet eau, demain bientôt aujourd'hui, puis hier, reste regarder par hublot conscience, voir si solitude habitée et frayer chemin dans forêt monde et appeler autres humains voix blanche, pas écho, juste réverbération sur peau mienne, juste errance et boulets et chaînes chevilles et enfermé geôle, mienne geôle pareille monade ni portes ni fenêtres et ça résonne du-dedans du corps et ça fait ses tourbillons venteux et ça fait ses giclures dans sang carmin lourd épais visqueux et rien bouge beaucoup et parole enclose dans alvéoles et résonateur buccal vide et palais déserté et massif langue desséché et lèvres jointives cousues cernées silence et à horizon bas et phosphoreux voir gesticulations pantins, langage perdu, juste soubresauts, minces éjaculations temporelles, étroites meurtrières et jets couleuvrines et partout têtes tombent, têtes mortes et "chimères lumière ne fut jamais qu'air gris sans temps pas un bruit", et cendre partout jusque bouche, nez offusqué, poitrine soudée, yeux porcelaine, sclérotique manduquée, pupilles étrécies, chiasma retourné dans-le-dedans des cerneaux gris, dans encéphale bitumeux et "cœur battant seul debout petit corps face grise traits envahis deux bleu pâle", et rien du rien dissimulé creux ombilic âme ignée contrainte à regarder monde depuis inconsistance noire, "seul debout petit corps gris lisse rien qui dépasse quelques trous", et que ferais-je puis qu'existe pas, puisque transcende même pas néant, néant moi-même du-dedans existence nulle non avenue ?

 

(NB : Les phrases en graphies rougesentre guillemets

sont extraites de "Têtes-Mortes" de Samuel Beckett).

 

 

 

 

 

 

  

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : ÉCRITURE & Cie
  • : Littérature - Philosophie - Art - Photographie - Nouvelles - Essais
  • Contact

Rechercher