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24 avril 2015 5 24 /04 /avril /2015 14:06
« Une touche de printemps ».

Photographie : Patricia Weibel.

Une touche de printemps.

Dans le miroir, nous regardons notre visage et nous rêvons.

Et nous savons l’éternel retour du même.

C’est à peine si notre position debout est assurée, fragile menhir en voie de construction, et déjà nous cherchons à savoir. A savoir la mère, ses doux cheveux pareils à une tresse de cuivre, la pente brève de son cou, les mains comme des lianes. Le père à la voix forte, aux membres drus, à la marche en avant courbée sous le signe du monde. A savoir le proche. Le chant de la mésange charbonnière dans le massif de buisson, la fuite blanche du nuage sous le vent, le chant de l’eau à l’abri des hommes. A savoir l’image de soi dans la grande aventure mondaine. Tout s’éclaire avec la grâce des évidences, tout brille depuis le lointain cosmos et les étoiles sont piquées dans la toile du ciel avec leurs yeux qui pétillent. Et la saison est une à peine déclosion qui fait signe vers la fuite lente des jours.

Une touche de printemps.

Dans le miroir, nous regardons notre visage et nous rêvons.

Et nous savons l’éternel retour du même.

Il est l’heure de midi et la boule blanche est au zénith qui incendie le ciel. C’est le temps des « travaux et des jours ». C’est la grande meute du temps plein qui cerne de toutes parts et assigne à résidence. A résidence de soi. Alors le cercle de famille déplie son orbe et assemble ce qui peut l’être, au centre, comme les gerbes de la moisson voyagent ensemble pour produire le grain, assurer la récolte future. Combien de rires d’enfants auprès du foyer où s’élève la flamme ! Combien d’étonnements à entendre un babillage, à regarder la fragilité d’une locomotion, à surprendre le sourire sur le visage aimé, celui qui s’est confié à vous dans la plus belle espérance qui soit ! Combien de merveilles assemblées dans le cocon tiède de la maturité !

Une touche de printemps.

Dans le miroir, nous regardons notre visage et nous rêvons.

Et nous savons l’éternel retour du même.

Le crépuscule est arrivé, sans qu’on n’y prenne garde et la lumière a baissé qui ne touche plus les yeux que du bout de son mince effleurement. Sur les pages du livre, les signes sont de minuscules fourmis capricieuses qui, parfois, tiennent secrets leurs conciliabules, leurs mystérieux déplacements. On regarde autour de soi et la chambre est envahie de pénombre où le clair-obscur fait ses étranges clignotements. Soudain, il y a si peu de réalité à se saisir des choses et, souvent, les doigts demeurent hagards de n’avoir pu retenir la manifestation, la parole qui décroît, les images qui dansent jusqu’à la perdition. On n’est plus qu’une braise, bientôt une étincelle sise au milieu de l’outre de peau et les signaux se font si faibles, comme venus des confins d’une lointaine galaxie. Et le jour bascule dans la nuit et nous regardons avec effroi cela même qui nous saisit à la gorge et nous intime au silence.

Une touche de printemps.

Dans le miroir, nous regardons notre visage et nous rêvons.

Et nous savons l’éternel retour du même.

Est-il encore temps ?

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Published by Blanc Seing - dans Microcosmos

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