« Rien n'est plus beau que notre propre agonie »
Œuvre : Dongni Hou.
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On dit soi
On dit l’être
On dit l’être n’est pas
On dit le soi n’est pas
On dit le soi n’est pas sans l’être
On dit l’être n’est pas sans le soi
On dit tout ceci dans le Rien
On dit tout ceci et l’on est
Dans l’intervalle
Du jour
Dans le couloir
De la Nuit
Dans la dérive
Du Temps
On dit
Puis l’on se tait
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Noire est la nuit
Sombre le rêve
Qui dérivent au-delà du corps
On en sent l’ineffable présence
La fuite à jamais
L’écume de suie
Qui colle à la peau
Cerne l’esprit
Englue l’âme
Le silence est là
Et la langue est crucifiée
La parole
Sise en son antre
La chair clouée
A son étroit destin
***
Comment sortir
De Soi
S’emplir d’être
Goûter l’ouverture du jour
Rencontrer l’Autre
On ne sait même pas s’il existe
Si sa silhouette n’est pure illusion
Si le Néant n’en est le contour
Le Silence la retenue de son dire
Cousu à jamais
Dans la toile froissée
Du corps
***
Comment être et demeurer
Là en ce lieu de visions subalternes
De discours mondains
D’irrémédiables fuites
Le long des caniveaux de l’envie
Des moirures droites du désir
Oh le vent est mauvais
Qui glisse entre les triangles aigus
Des épaules
Fore les os jusqu’en
Leur ultime demeure
Une pliure sans avenir
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Dans le poème de la chair
Foulé aux pieds
Dans la prose hantée
De bien étranges compromissions
Dans la lame damoclétienne
Qui déjà entaille
Les grises scissures
De la pensée
Nous le sentons l’acide
Nous le soupesons le trébuchet
Qui décidera de nous
Etre soi
Ne pas être
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Sur la peau entaillée de noir
Sur le cercle d’argent des cheveux
Sur l’épaule qu’avive une clarté d’étain
Sur l’anguleux visage que visite
La froide lucidité
Voici que se dit la Vérité
En sa chute la plus tragique
Trois mots résonnent
Dans le livide
Et l’inaccompli
Nos mains sont vides
Notre cœur glacé
Trois mots pareils
A des coups de gong
Dans le silence
D’une forêt pluviale
Trois mots
Qui disent et ne disent pas
Trois mots
Qui parlent
Et demeurent
En retrait
Négritude
Finitude
Solitude
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Ils sont l’hymne
De la Vie
La résonance
De la Mort
Seule certitude
D’une profération
Verticale
O combien
Verticale
***
Ils sont le refrain
Logé au sein même
De l’acte d’amour
Cette lame plongée
Au plein du réel
Cette douleur
Ce cri par lequel
L’Homme
La Femme
Se disent
En leur cruelle
Absence
***
L’Être est là qui clignote
Le Soi est là qui demande
Sur les plaines que la Lune glace
L’Immobile s’est levé
Qui
Jamais
Ne s’arrêtera
Là est son refuge
Là est sa raison
D’être Soi
Et de nullement
Etre
Ainsi vit l’Enigme
De son propre souffle
Le vent est tombé
Qui balaie la plaine
Pour toujours
Oui
Pour
Toujours