Photographie : Blanc-Seing
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Tout est brume qui vient à nous
Si illisibles sont les contrées
D’où nous venons
Elles nous parlent
De si étrange manière
Elles nous hèlent depuis
Le fond douloureux du temps
Elles clignotent et s’effacent
Pareilles aux éphémères
Dans la brume solaire
Parfois une voix se laisse saisir
Qui vacille dans les lointains
Une voix amie
Nous y attachons une image
Nous y fixons un souvenir
Nous y cherchons
Une signification
Le pli d’une diction
Disant le rare et l’advenu
*
Ce qui un jour dressa notre effigie
En pleine lumière
Y inscrivit le chiffre de la joie
Mais qui donc était là
Dans sa simplicité
Qui nous faisait l’offrande
De sa présence
Aujourd’hui la brume
Est dense
Qui voile la mémoire
Eparpille aux mille vents
La feuillaison de ce qui fut
Pourtant nul évanouissement
N’a eu lieu
C’est là encore
Posé au centre du corps
C’est plus qu’une étincelle
Braise vive qui brasille
Et nous met au supplice
Nous incline sans délai
À percer la source
De cet étrange remuement
La source vive
À défaut de laquelle
Nous ne serons jamais
Qu’un exilé
Un chemineau
Fouetté de vent
Un voyageur
Sans boussole
***
Tout est brume qui vient à nous
Parfois nous nous retournons
Nous fixons ce qui a été
Avec l’aiguille acérée
De la lucidité
Oui il y a bien
Une faible lueur
Là-bas
Au bout d’un long tunnel
Sombre
Oui une germination de clarté
Un bourgeon déjà éclos
Un bourgeon déjà fermé
Car tout s’esquisse à même
L’œuvre achevée
Car tout se donne
À la façon d’un fusain
Qu’estompe le geste du destin
Cette fulguration qui nous étreint
Plante sa dague au plein de l’esprit
Nous en mourons de ne rien connaître
L’arche de l’exister est si vaste
Nous n’en percevons que
L’immense cercle azuré
Le rapide arc-en-ciel
Tout est dissous
En si peu
Tout
***
Tout est brume qui vient à nous
Les mains vides
S’esseulent
Les yeux infertiles
S’épuisent
En vaines larmes
A quoi bon questionner
Ce qui jamais ne répondra
Le ciel est vide
De signes
Sauf ces congères
De freux noirs
Qui dérivent dans la banquise
De l’air
On n’en voit que la perdition d’ébène
Dans le pli du rien
Qui trace ses cercles d’ennui
*
Deux arbres sont là
Plantés dans le ressentiment
Du jour
Deux formes qui nous disent
Le lieu de l’impossible rencontre
Les troncs sont séparés
Qui se divisent
Dans le creux immémorial
De l’espace
Au loin des oiseaux chantent
Mais leurs cris demeurent
Un mystère
Mais leur mystère
Est une vive inquiétude
Pourquoi n’apercevons-nous
Jamais ce à quoi nous rêvons
Ce que nous désirons
Qui rougeoie devant
Le continent dévasté
De notre visage
Pourquoi
La brume
Qui vient à nous
Est si dense
Si drue