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3 janvier 2018 3 03 /01 /janvier /2018 08:54
Belle Endormie

                                  « Endormie »

                            Œuvre : André Maynet

 

 

***

 

 

On est là au seuil de l’Amour

On est là au seuil de la Mort

L’Amour-La Mort

Quelle différence sinon l’ombre

D’une même Tragédie

A peine le devoir d’Amour

A-t-il commencé

A peine la tâche de la Mort

A-t-elle été entreprise

Tout sombre dans un même deuil

Celui du renoncement à être

Celui d’une perte infinie

Du Monde

Du Temps

De Soi

 

*

 

C’est un crépuscule

Pareil à celui des dieux

La lumière est si faible

Qui visite la chambre

Sur le lit défait

Parmi l’écume des draps

Le corps luxueux

D’une Belle Endormie

Cet emmêlement de lignes

Cette fusion des songes

Ce rêve encore à portée de main

Du moins le croit-on

Cette chair opalescente

Qui s’abandonne à l’insu de soi

Du moins le pense-t-on

Cette absence qu’habite encore

Le doux palpitement de la vie

L’attente du rien peut-être

L’attente

 

*

 

Le Vieux Eguchi a posé

Son corps fripé

Tout près de l’Endormie

La clarté traverse à peine

Le mur de papier

Une couleur de thé

Flotte alentour

Une odeur de bergamote

Effleure la pièce

Grand est le recueillement

Qui dit le précieux

De l’événement

Immense le silence

Qui traverse les corps

Immobiles

Sacrificiels

Perdus

Celui de la Belle

Non encore venu à éclosion

Celui du Vieux

Perclus de tristesse

Usé par la trame du temps

 

*

 

Au loin les notes cuivrées

D’un shamisen

Sans doute une Geisha

Enchante-t-elle son Prétendant

Le kimono est de soie rouge

Ondoiement du Désir

Le visage de porcelaine

Insigne de l’art

Les cheveux de jais

Les mains si fines

Innocence

Et caresse

En un même mouvement

Une brume dans le matin qui vient

 

*

 

Dans la pièce réservée

Aux Noces

De l’Amour

Et de la Mort

Le silence grésille

Pareil à un insecte pris

Dans le feu d’une lampe

Tout est presque éteint

Étrange scène de théâtre

Où se joue le dernier acte

D’un drame

Là est l’impossible mesure

Du temps

Là est la perte de soi

Dans la demeure vide

 

*

 

Il n’y a plus de lieu

Où habiter vraiment

Seulement une même déchirure

Qui traverse les êtres

De sa lame incandescente

Ne pas être arrivée à l’amour

En être déjà sorti

Et tout est déjà accompli

Et tout est déjà abîme

Faille par où surgit

La dette d’exister

 

*

 

RIEN ne se passe

Dans la chambre

RIEN ne passe

Sauf le scalpel de l’heure

Qui lance ses entailles

Sauf le destin des hommes

Qui ponce le réel

Avec assiduité

Le reconduit à

Une nullité essentielle

Perditions en miroir

Reflets en écho

De ceci qui n’a point lieu

Du Poème qui meurt

Dans la cendre de l’aube

 

*

 

Encore une nuit aura été franchie

Etrange gué où le corps encore à flot

Connaît la morsure

De son dernier voyage

Ne pas être arrivés au Foyer

Où accueille Hestia l’avenante Hôtesse

En être déjà éloignés

Deux irrémédiables contrées

Il n’y aura de halte

Que définitive

 

*

 

Vieux Eguchi

Belle Endormie

Un seul et unique voyage

La ténèbre est ouverte

Qui attend

Depuis

Toujours

Ici les signes de sanguine

Ont trouvé leur écueil

Tenter d’aller au-delà

Serait pure folie

Demeurons

Encore

 

*

Approche le but

Avec son rire amer

Il se pose sur les corps

Et leur donne l’ultime baiser

Par lequel ils auront été

Homme

Femme

Dans l’intervalle

A peine une imperceptible

Musique

Une plainte sur le bord étrange

Du jour

 

*

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