"Luciférine"
ou une lueur des abysses
Œuvre : André Maynet
***
Qui est-Elle Elle
Cette tresse grise
Dans sa chrysalide figée
Qui est-Elle
Nous questionnons
À savoir
Son nom
À percer
Son mystère
À ne demeurer dans l’inquiétude
Qui cercle ses anneaux
Autour de notre angoisse
*
Car voyez-vous ne rien connaître
D’Une qui se fait lumière
Et alors nous tombons
Dans le sombre
Et alors nous sommes
Un simple pli
De l’abîme
Un délaissement dressant
Son ulcérante flèche
Depuis le Rien
Où tout végète
*
Nul ne pourrait demeurer
Cloué à la falaise
Où seraient inscrits
À la cimaise du jour
Ces simples mots
ELLE
UNE
Mais sont-ils seulement
Des mots
A savoir un sens
Qui s’emparerait de nous
Et nous ferait avancer
Sur le chemin
De notre contrée
*
Non
Seraient seulement
Une émanation du Néant
La fermeture de l’être
La vie en sa cruelle dépossession
Sans ceci
Sans Elle qui se dirait
Avec la certitude du réel
Chemin de croix
Crucifixion
Mains clouées
Larmes de sang
Couronne d’épines
Hanche percée
Femme éplorée
Marie de Magdala
En émoi
Et nous devenu
Figure christique
Disant
« Noli me tangere »
*
Et pourtant combien
Touché de cet intouché
Combien éloigné
De cet écart
Combien
Dépossédé
De cette impossession
Marie de Magdala
Est-ce toi qui figure ici
Epiphanie de l’imploration
Toi délivrée des Sept Démons
Toi la Prostituée anonyme
La Pécheresse qui dicte
Aux autres Pécheresses
La voie étroite de la damnation
Sauf à être reconnue en le Christ
Attentif
*
Nous sauverons-nous du naufrage
Marie de Magdala
Car maintenant tu nous appartiens
En cette seule esquisse
De la Pècheresse réconciliée
Avec le fils de son Dieu
Avec Dieu
*
Te voyant
Te nommant
Nous ne sommes plus livrés
Au feu de la consumation ordinaire
Cette plaie de l’âme
Qui fait ses bourgeonnantes entailles
Dans la livrée humaine
Peut-être irons-nous en enfer
De conserve Marie-la-Luciférienne
Avec toi nous serons Belzébuth
Ou bien Méphisto
Ou bien Ham Shatan
Les flammes lècheront
La corne de nos talons
Nos perruques sentiront le roussi
Notre chair la provende
Des affamés
Et des licencieux
Car il y a péché Marie le sais-tu
À offenser la chair de la femme
À déchirer aussi la venaison animale
Pour en faire son profit
*
Toute manducation de ce qui est
À notre image
Est pareille à une autophagie
Comment pourrions-nous consentir
À cette posture sauvage
Autrement qu’au sacrifice
De notre esprit
*
Marie
Madeleine
Nous séparons ton nom
Nous réalisons ton écartèlement
Nous te dédoublons
Afin que tes fautes présumées
Soient moins lourdes
Présumées car les hommes
Le plus souvent
Sont des falsificateurs
*
Nous ne savions nullement
La vertu de ton corps
Cette mince silhouette
Cette si belle posture hiératique
Est-ce ta croix que tu portes
A la façon d’un scapulaire
Cette feuille en sa virginale présence
Ces fils qui ligaturent ta belle anatomie
Seraient-ce les flagelles des Mal-Disant
Qui te veulent confondre
Dans la lueur des abysses
*
Est-ce ceci l’endurance
De ton double nom
Marie
Madeleine
Le Bien d’un côté
Le Mal de l’autre
Marie, Mère des Larmes la Repentante
Madeleine Fille du Péché, la Fautive
« Point de milieu :
La débauche ou le repentir »
Tel est le lot commun
De qui chemine sur Terre
Oui sur Terre
*
Toujours nous sommes êtres des abysses
Jusqu’à l’instant où étant nommés
Nous échappons aux flammes
Là nous répudions l’étrange Lucifer
Car nous sommes reconnus
Ce que nous avons à être
Des Uniques qui créons notre monde
Nulle autre parole de réconfort
Hors ceci
Nulle autre
*