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1 mars 2018 4 01 /03 /mars /2018 09:31
Sais-tu le poème

                    Photographie : Blanc Seing

 

 

***

 

 

 

Sais-tu le poème il faudrait l’user

 

Gommer la moindre aspérité

Combler la ride

Dissimuler le grain

Qui le porterait à l’actuel

Troubler en son sein

La moindre sortie de soi

Qui en ferait une chose

Un objet de curiosité

 

*

 

Sais-tu le poème

il faudrait le laisser

 

À soi

Ne plus le toucher

L’effleurer seulement

Du plat de l’âme

S’éloigner

Sur la pointe des pieds

Pareils à ces Etoiles

Danseuses qui glissent

Le long

De la barre de bois

*

 

Oui car sais-tu le Poème

Est juste chorégraphie

Envolée de tulle

Au-dessus du parquet armorié

Qui donc pourrait le dire

Sinon le lustre de cristal

Ses mille gouttes de Bohème

Ce fleuve Danube

En ses eaux mariales

Qui le suggérer

Sinon la Belle en sa loge

Cette corbeille incarnat

Dans laquelle elle déplie

Le luxe de sa chair

Qui tonne au rideau

 

*

 

Beaucoup n’ont d’yeux

Que pour elle

Cette Courtisane

Qui n’est là que

Pour faire au désir

Un reposoir

 

*

 

Ses Soupirants

Ces hommes de peu

Ne font que convoiter

Sa gorge

Soupeser

Les étoffes perlées

Qui retiennent son corps

Alors que sur scène

Se dit la parole

En sa plus exacte beauté

 

*

 

Sais-tu le poème il faudrait l’user

 

En restituer le lisse

D’un galet

En offrir seule la lumière

Oui quelques taches d’ombre

Oui quelques clairs-obscurs

 

*

Toute flamme

Y compris la plus vive

S’adoube à la nuit

Y creuse son intime réduit

Mais le Poème

Lui

Cette comète qui scintille

De ses mille feux

Pourrait-on l’immoler

Dans cet ubac qui jamais

N’en finirait

Effacerait de sa suie

Le mot disant

Ferait du vers

Une simple césure

Plongerait le rythme

Dans une hémiplégie

Que rien dès lors

Ne pourrait sauver

Immobile

En sa dernière

Demeure

 

*

 

Ainsi serait le Poème

 

Si nous avions la force

De le créer

Selon son essence

Le Poème serait paysage

Longue bande minérale

Posée dans le gris

Il serait ciel d’infini

Impalpable nuage

Dalle de pierre

D’où le jour se lèverait

 

*

 

Il parlerait depuis

Quelque faille d’ombre

Et ses lèvres seraient

Les bords d’une ravine

Une langue inouïe

Un souffle mémoriel

Une voix venue

De plus loin

Que son primitif silence

Une voix semblable

Au cairn dressé

Dans son énigmatique

Splendeur

On entendrait alors

Le gonflement de l’horizon

Sa rangée de rocs inclinés

Disant l’incision du temps

 

*

 

Le Poème nul ne le connaîtrait

Qu’à aller le rejoindre

Dans sa gangue immortelle

L’on se ferait gisant

Dans la lumière oblique

De la crypte

Cariatide aux yeux vides

Sous l’antique chapiteau

Gemme dans sa pulpe de limon

Bien au-delà des hommes

Bien au-delà des sources

Là où git l’Origine

En son étrange

Et insoutenable

Flamboiement

Là seulement serait

Le Lieu de l’Être

De l’Être du Poème

Celui qui ne se dit

Qu’à mieux disparaître

Pour ceci

Nous sommes toujours

En deuil de Lui

Le crêpe cerne nos fronts

Poème fuit

 

*

 

 

 

 

 

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