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20 février 2018 2 20 /02 /février /2018 09:10
Ces taches vois-tu

Aquarelle et encre de Chine

Œuvre : Sophie Rousseau

 

 

***

 

Ces taches vois-tu

 

Elles ressemblent à tes yeux

Oui à tes yeux teintés d’ombre

Un khôl posé sur l’azur

Une manière de vie

Faisant son mince trait

T’es-tu au moins aperçue

Toi l’illisible forme

La distraction faite signe

Du précieux de l’heure

De l’instant en sa fuite

De la beauté sans égale

Du jour qui point

De ceci qui surgit

Que jamais

Tu ne reverras

 

*

 

Ce nuage si haut

Cette ténèbre qui vient de loin

Ces flocons d’air en suspens

Ils disent l’étrangeté du monde

La tienne aussi

Dont la présence

Est fluide telle l’eau

À peine un battement de cils

Et l’envolée a lieu

Qui se donne

Comme mystère

Comme épuisable source

 

*

 

Tu n’as nul effort à faire

À seulement exister

À tendre les paumes de tes mains

Dans la présence qui crépite

Mais es-tu au moins assurée

De ton nadir

De ta foulée accomplie

Là juste à l’horizon

Cette faille qui t’attend

Comme sa complétude

 

*

 

Es-tu si libre que tu le prétends

Alors tu serais simplement un elfe

Nageant parmi l’océan de bleu

Le céruléen le céleste l’indigo

Le marine le maya le minéral

Ces taches vois-tu

Elles sont toi

Elles sont aussi

Ton absence

Ta hâte à les saisir

Le diapason de ton âme

Les verras-tu jamais

 

*

 

Tout est Rien

Tu le sais bien

Alors pourquoi chercher

A t’évader de toi

A te fondre

Dans cet Air cette Mer ces Rochers

Ils ne sont là que pour t’abuser

Le comprendras-tu toi

L’illisible qu’on nomme œuvre

Cette fuite à jamais

Dans les coulisses du temps

Mais qui donc embrassera

Le mystère de ton être

Puisque tu n’es qu’apparence

Pure décision formelle

Abritement du monde

Alors même que tu en ouvres un

MONDE

Que bien peu perçoivent

Mais ils sont tellement rivés

A leurs propres illusions

Ils en deviennent touchants

Infiniment

 

*

 

Lèveraient-ils les yeux

S’écarteraient-ils de leur chair

Ils verraient le tumulte des flots

L’horizon hérissé d’échardes

Le ciel en sa continuelle dérive

Le nuage lourd d’affliction

Le vent arrêté au firmament

Ils verraient l’absence

De l’oiseau

Perdu le goéland à l’œil noir

Dans le dais serré des brumes

Ils verraient les blocs de rochers

Tels de funestes présages

Ils imagineraient une fantasmagorie

Elle ne serait que la leur

Projetée sur la scène mondaine

Rien n’est triste que ce que l’on confie

À la tristesse

 

*

 

Ces taches vois-tu

 

Elles dessinent l’empreinte

La tienne la mienne

Celle des navigateurs errants

Des perdus en mer

Des naufragés privés d’amer

Des Lyriques des Tragiques

Car le destin de toute poésie

La Toile en est une

N’est que de se tenir

Dans le pli du Néant

Seuls les hommes peuvent

 L’en délivrer

Allumer sur son rivage

La lumière d’une présence

Ce n’est qu’un feu de Bengale

La montée de courtes flammes

Un brasillement dans la nuit dense

L’ouverture de la conscience

 

*

 

Ces taches vois-tu

 

Mais les vois-tu vraiment

Toi la Femme Muséale

Toi l’œuvre en sa justesse

Elles disent en prose humaine

Ce que l’invisible a de mortel

Car même le Rien est provisoire

Oui infiniment rétractile

Ceci nous le savons

Nous-mêmes sommes

Et ne sommes pas

Origine et

Au-delà de l’origine

Cependant en sursis

Nous avançons vers plus loin

Que ne voient nos yeux

 

*

 

Qu’y a-t-il derrière le paravent

De cette marine

Que nos yeux indigents

Ne sauraient voir

Qu’y a-t-il

Toi la Femme-œuvre

Délivre nous donc de nos chaînes

Nous sommes si à l’étroit

Dans la geôle de nos corps

Si à l’étroit

Or nous voulons la lumière

La courbure de l’espace

La dimension infinie des choses

Mais le pouvons-nous

Nous sommes en attente de vivre

Et la nuit tombera bientôt

Pareille à un flamboyant suaire

Oui flamboyant

 

*

 

Ô obscurité du poème

Atteins-nous donc

Au plein de notre hébétude

D’attendre nous n’en pouvons plus

Ainsi parlent les déshérités

Que nous sommes depuis

Le massif ombreux de nos corps

Cette geôle aux meurtrières occluses

Infiniment occluses

 

*

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