Photographie : Blanc-Seing
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Cette eau fuyante à qui tu ressemblais
Y avait-il d’autre profil à saisir
De toi que cette eau fuyante
Ce remuement de bulles
Cette étrange clarté
Cette fuite du jour
Vers son unique destin
***
Semblable au fragile éphémère
Tu en avais la consistance de soie
La transparence de cristal
Et cette irrépressible joie
A toujours esquiver
Ce qui venait à toi
Que sans doute tu vivais
Comme le sceau
D’une effraction
Dans la nuit
De ton propre mystère
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Personne n’avait jamais pu
T’approcher
Si ce n’est la palme du jour
Le tremblement de l’heure
Toutes choses sans conséquences
Toutes effusions contenues
Dans le ressac même
De leur propre vacuité
Dans la braise vite éteinte
Que la cendre métamorphosait
En ce rien dont tu paraissais
Le subtil écho
***
Cette eau fuyante à qui tu ressemblais
En avais-tu au moins éprouvé
Le rare l’indicible
Cette essence qui se faisait
Gouttes
Puis ruisseau
Puis rivière
Enfin estuaire perdu
Dans les flux du vaste océan
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Savais-tu au moins
Le prix de ton parcours
Savais-tu les Amants
Qui longeaient tes rives
Les enfants insoucieux
Qui gambadaient
Les vieux messieurs
Aux rêves usés
Les belles du passé
En leur confondante peine
Voyais-tu cela depuis
Ton souple glissement
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Cette eau fuyante à qui tu ressemblais
Vois-tu combien il est étrange
De poser toutes ces questions
Elles ne concourent qu’à m’égarer
A ne t’envisager qu’à être
Une feuille d’air
Jouée par le vent
Pourtant il serait si doux
De faire ton portrait
De l’enchâsser
Sous le dôme d’une vitre
D’allumer à son entour
Quelque lampe destinée
À veiller une Icône
À prier une Déesse
Dans la lumière étroite
D’un clair-obscur
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Mais ne seras-tu donc jamais
Que cette Fille au fil de l’eau
Cette mousse
Cette écume
Que le premier vent chassera
De ses doigts véniels
Que le premier gel
Métamorphosera
En dentelle de glace
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Es-tu bien réelle
Toi qui visites mes songes
Tiens le fanal de ma rêverie
Éveillé
Toi qui n’es toi
Qu’à être le souffle
Entre mes lèvres
Le mot d’un poème
La césure d’un vers
L’ode jamais finie
De ce qui me visite
Avec l’insistance
D’un refrain de nuit
***
Ô toi ma Présence
Ne t’efface donc point
Dans la poudrée du jour
Je serais l’inconsolable
À jamais
Et il ne convient nullement
A mon âme d’errer
Infiniment
J’ai à me poser en toi
Ailleurs serait
Un renoncement
L’annonce du rien
Or ceci
Je ne veux l’envisager
La lumière est forte
Qui taraude mes yeux
Oui forte
Plus que tu ne pourrais
L’imaginer
Toi
La main qui me fait défaut
Pour connaître mon corps
Toi
L’esprit qui vacille
Et ne s’appartient plus
Ne se connaît plus
Y aurait-il pire châtiment
Je te le demande
Ne me laisse pas au silence
Celui-ci est un tel CRI
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