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1 mars 2018 4 01 /03 /mars /2018 09:47
Sel de la vie

                           « Fleur de sel »

                          Salin de Gruissan

                    Photographie : Hervé Baïs

 

 

***

 

Et vois-tu cette encre du ciel

Un oiseau y a tracé son signe

Un mystère sans doute

Une fuite dans le bleu

Une distance de soi

Tout vol est ceci

Une séparation

Le début d’un songe

Un regard derrière l’horizon

Un monde se dit

Dans l’avenue du jour

Un monde s’évanouit

Que nous connaissions trop

 

*

 

Comment tirer une ivresse

Du journal aux caractères usés

Comment voir le visage familier

Sous d’autres facettes

Que celles d’un présent

 Infiniment réitéré

Grand est le danger

De toujours lire

La même lettre

De clouer le paysage

Derrière son globe

De verre

De fixer la colline

Dans sa courbe infinie

De ne voir que le même couloir

Qui ne débouche sur rien

 

*

 

Parfois je vais aux étangs

Cette métaphore liquide

Qui dit le temps

En son immobile

Longuement je regarde

La pellicule d’eau

Longtemps elle se referme

Sur son infinie densité

Mais pourquoi donc

Cette mer si menue

Ne dit-elle rien

Dont je pourrais faire

Mon profit

 

*

 

Et ce ciel si haut

Ses balafres marines

Ses irréelles coulures

Elles glissent à mon insu

Emportant avec elles

Quelque chose du monde

Dont je n’aurai plus

La jouissance

Ainsi nous quittent les choses

Ces efflorescences sans nom

Dont nous aurions voulu

La parole

Dont nous aurions souhaité

L’étincelle

 

*

 

Es-tu toi aussi

Ma lointaine confidente

Livrée au supplice du vent

Ecartelée à la flamme solaire

Dispersée dans ton corps

Lorsque s’y introduit

La palme du doute

Que s’y agitent

Les flots de l’angoisse

 

*

 

Nul repos ici qui ferait

Sa douce onction

Son juste murmure

Nulle attention

A notre cruelle dérive

Nous sommes des enfants

Livrés au caprice de l’heure

Nous tentons de remonter la clé

Qui fait tourner l’horloge

Et nos doigts gourds

En perdent vite la mesure

 

*

 

Parfois les aiguilles

Demeurent pareilles

A une glace figée

Sur quelque mare

Et nous sommes

Au désarroi

De nous sentir Ici

Ou bien Là

Insectes rivés

À la planche de liège

Lucanes au corps luisant

Que ne traverse

Ni la pluie des secondes

Ni l’étrave de l’heure

 

*

 

Ca qu’il faudrait

En es-tu au moins consciente

Nous asseoir

Sur le rivage

Mains posées

Sur les bouquets

De salicorne

Ecarter les touffes

Des roseaux

Dépasser la haie rose des flamants

Les noeuds noirs des anguilles

Connaître dans l’immédiat de la vision

Ces monticules blancs étincelants

Ces dunes de sel

Qui se reflètent dans l’eau

Tels des mirages

Oui des mirages

Et nous serions alors

Immensément libres

 

*

 

Nous planerions infiniment

Parfois sous nos ailes

L’eau serait rose

Une manière de sang dilué

Peut-être la couleur de tes joues

Qu’aviverait une nouvelle passion

Alors nous serions loin des hommes

Qu’abrite la haute tour

Que dissimulent les forets de toits

Quelques goélands friseraient l’eau

De leur carlingue de plumes

Nous ne saurions plus

Notre propre venue au monde

Battus par les vents

Usés de soleil

Cinglés d’étoiles

Dans la nuit qui sourdrait

 

*

 

Serions-nous alors

Ces simples fleurs de sel

Ces cristaux vibrant de l’intérieur

Nous voudrions tant demeurer

En silence au milieu

Des bruits du monde

Il est si heureux de n’être

Que ce passage blanc

Qu’une prochaine eau

Sans doute diluera

Oui diluera

 

*

 

 

 

 

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