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29 mars 2022 2 29 /03 /mars /2022 10:10
Du non-sens à l’évidence

 

Printemps en Corbières…

Photographie : Hervé Baïs

 

***

 

 

 [Incise - Ce qui va suivre, sous forme de poème, d’ode, d’hymne en leur plus commune modestie, n’a de sens qu’à s’inscrire dans la trajectoire qui, partant du non-sens constitué par la non-reconnaissance de la Nature, s’élève progressivement pour se découvrir à la manière d’une Evidence dont nos yeux, tachés d’une habituelle cécité, n’ont aperçu que l’écume de surface à défaut d’en surprendre l’étonnante et foisonnante profondeur. Oui, chacun le sait, la Nature est notre fondement humain, elle est l’Être par excellence et sans doute le Seul à qui nous puissions élever quelque temple, gravant sur son péristyle cette belle formule d’Héraclite l’Obscur :

 

"Nature aime à se cacher"

   

   Or rien de ce qui est grossier, fruste, vulgaire ne cherche à se dissimuler pour le simple motif que le prosaïque est la seule raison d’être de l’insuffisance, du manque-à-être, de l’incomplétude. Seuls le beau, l’aimable, le gracieux ont besoin d’une obscurité native de manière à ménager, en eux, ce qui paraîtra sous les auspices d’une joie simple, donatrice de sens. C’est à nous, les Hommes, de dévoiler l’agrément dont toute chose porteuse d’évidence est tissée avec la plus belle réserve qui soit. Réserve est distinction, réserve est élégance. Si la Nature se donne parfois sous des paysages grandioses, sous des parutions sublimes, elle n’est pas moins estimable lorsqu’elle prend le visage du Simple, du Modeste, de l’Inaperçu. Ce thème de la Simplicité traverse mes écrits à la manière d’un leitmotiv, leitmotiv que vient redoubler, avec un pur bonheur, l’œuvre exigeante d’Hervé Baïs, belles photographies en Noir et Blanc qui m’ont souvent servi de prétexte pour broder quelque propos d’essence sans doute obsessionnelle.

   Mais, par nature, sans jeu de mots, la Nature est elle-même obsessionnelle puisqu’elle persiste et signe dans on être malgré les atteintes mortelles que, chaque jour qui passe, nous commettons à son encontre. Certes méditer ne suffit pas. Agir est nécessaire. La photographie est le premier pas, l’écriture le motif qui vient en second, une manière de greffe sur la tige du réel. Nous avons à être les Jardiniers attentifs de cette floraison qui nous a portés au jour, que nous devons servir en retour avec amour. C’est bien le moins que nous puissions faire en direction de la Naturante dont nous ne sommes que les naturés, autrement dit les obligés. Merci à vous d’avoir lu jusqu’ici.]

 

*

 

« Nature aime à se cacher »

 

Toi, la Naturante,

 la Grande,

l’Immense Naturante,

combien ta prodigalité

est sans limite.

Certes tu nous offres

beaucoup

 et nous, les Hommes,

 ne voyons rien.

Et pourtant nos yeux

devraient être comblés

à seulement voir

le plumage bariolé de l’Ara,

 les teintes chatoyantes

du Grand Canyon,

les ramures écarlates

des Flamboyants

et pourtant nous devrions

être à satiété,

laisser emplir notre corps

de la lumière étincelante des Rizières,

des cristaux de sel du Salar d’Uyuni,

des herbes couleur de soufre

des vastes Steppes.

 

« Nature aime à se cacher »

 

Toi-la-Naturante

dont les faveurs

sont immenses,

toi qui jamais ne taris,

 toi qui chantes

la beauté du Monde

selon d’infinis harmoniques.

Nous ne sommes que

Les-Rejetons-naturés

de qui tu es,

Toi-la-Naturante.

Mais nous les Hommes

de faible destinée,

nous sommes imaginés

pouvoir nous hisser

à ta Hauteur,

te servir au seul motif

de notre intelligence,

te dépasser même  

tellement nous jugions

notre génie sublime.

 

« Nature aime à se cacher »

 

Toi-la-Naturante,

 nous t’avons dérobé

tout ce que tu possédais,

nous avons creusé ton ventre

 pour en extraire

 tes merveilleuses gemmes,

nous avons fouillé tes entrailles,

exhumé tes métaux précieux,

 prélevé tes sucs millénaires,

nous les Hommes

sommes venus à la curée

 et n’avons eu de cesse

de manduquer jusqu’au plus

infime de tes nutriments.

 

« Nature aime à se cacher »

 

Nous les Hommes

de faible constitution

sommes capables

de grandes choses :

élever de hauts monuments

au fronton de l’Histoire,

servir la Science

et lui faire accomplir

des prodiges,

écrire les Poèmes

les plus hauts,

dresser les belles

 cimaises de l’Art,

y accrocher des œuvres

impérissables.

 

« Nature aime à se cacher »

 

Mais nous les Distraits,

nous les Inconscients,

nous les Somnambules

 avançons au sein

de notre ombre,

 sans souci aucun

d’y trouver quelque clarté,

 quelque raison d’espérer.

Nous-les-naturés

issus de ton sein,

nous sommes devenus

au fil du temps

les dénaturés

qui ne savent plus reconnaître

la trace de leur chemin.

Désormais,

il nous faut apprendre

à nouveau à être Hommes

jusqu’au plein de notre conscience,

dissiper les brumes de nos erreurs,

 écarter les voiles de l’inconnaissance

et avancer sur le sentier de l’exister

avec le regard clair,

les mains blanches,

l’allure de ceux

qui cherchent

le Bien et le Beau.

 

« Nature aime à se cacher »

 

Long est le périple,

difficile la tâche,

mais exaltante la course

au terme de laquelle

 nous nous retrouverons

Hommes en tant qu’Hommes

et rien au-delà

qui pourrait altérer

les pages d’une

vierge condition.

Toi-la-Grande-Naturante,

 La-Pourvoyeuse-de-toutes-choses,

 nous faisons le serment

de te reconnaître

au plein de ta puissance,

 de te fêter dignement,

de nous incliner

sur ton passage.

De toi, la-Naturante,

nous regarderons tout

avec ferveur et respect,

aussi bien le faste de

tes Immenses Glaciers,

les crètes immaculées

de tes Montagnes,

le dôme de mercure

 de tes Océans.

Mais, aussi bien,

nous veillerons

au Menu,

au Modeste,

au Simple.

 

« Nature aime à se cacher »

 

Aussi regarderons nous

 avec attention

ce ciel clair tissé d’argent

que traverse la laine

grise des nuages.

Aussi regarderons-nous

cette lueur du Ciel

partout répandue,

une Vérité venue à nous

dans la discrétion,

ce Poème retenu.

Aussi regarderons-nous

la courbe alanguie des Collines,

leur simple trait de charbon

qui unit la Terre et le Ciel,

image parfaite

de l’Alliance,

du Partage,

 du recueil des Affinités.

Aussi regarderons-nous

avec l’émerveillement

 qui convient aux enfants,

la ramure blanche de l’arbre,

son miroitement

sur la batiste légère du ciel,

sa parole à peine venue,

elle est pour nous,

elle est pour les Choses,

elle est pour Elle

en sa neuve clarté.

« Nature aime à se cacher »

 

Toi-la-Naturante,

combien il t’a fallu

de savoirs accumulés,

 d’habiletés pour

faire se hisser

de la sourde glaise,

ce tronc aux écailles célestes,

ces branches entrelacées

qui nous disent

la beauté du Jour.

Combien de patience,

 combien de générosité,

combien de mérites

auxquels nous sommes

restés aveugles,

sourds et muets !

Nous n’aurons trop

de notre vie entière

pour combler nos errances,

calmer nos douleurs,

 poser un baume

 sur nos manques,

tisser au plein de notre être

cette Ode que nous

aurions dû t’dresser,

cet Hymne que nous aurions

dû chanter à ta gloire.

 

« Nature aime à se cacher »

 

Oui, toi-l’Abondante,

Toi-la-Bienveillante,

Toi-l’Attentive

 nous te remercions

de nous avoir adressé

ce paysage d’herbe grise

qu’effleure la lumière,

ce clair chemin qui ondule

parmi la solitude de l’heure,

nous dit la seule voie possible

pour un Destin humain :

être Soi jusqu’au

 plus loin de Soi,

être Soi

pour le ciel,

 pour le Nuage,

 pour la Colline,

 pour l’Arbre,

pour toute cette

multiple affluence

qui trace les limites

de notre humanité.

Merci infiniment,

 Toi-la-Naturante

qui es notre

 Mère à tous.

Sans toi,

ni le Ciel,

ni la Terre,

 ni la Lumière,

ni les Mots pour te dire.

Nous-les-Rejetons-naturés

 devons nous incliner

jusqu’au sol,

chanter pour Toi,

prier pou Toi,

aimer pour Toi.

Toi-la-Naturante.

 

« Nature aime à se cacher »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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