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17 avril 2022 7 17 /04 /avril /2022 10:24
Comme un signe sur l’eau

 

« Entre sel et ciel

Pointe de l’Angle »

 

Photographie : Hervé Baïs

 

***

« Un signe nous sommes,

privé de sens … »

 

Hölderlin

 « Mnémosyne »

 

*

Comme un signe sur l’eau

Un chemin s’ouvre

Nous faut-il le suivre ?

 

Vois-tu, il en est de la vie

comme des choses,

elle passe, suit son cours

et toujours nous sommes

orphelins de son être.

Toujours nous sommes

en avance.

Toujours nous sommes

 en retard.

Y a-t-il eu,

au moins une fois

dans notre existence,

cet instant magique

qui nous eût permis

de coïncider

avec nous-même,

d’être en accord,

de sentir,

au fond de nous,

le fruit d’une plénitude ?

Nous cherchons,

nous lançons nos mains en avant,

mais nous ne saisissons jamais

que notre propre effroi,

notre propre vide.

As-tu- déjà éprouvé,

Toi l’Étrangère,

dans le pli secret

 de ta chair,

plus qu’une once

de solitude,

 une réelle joie

de te percevoir

en ton entièreté,

de ne nullement laisser,

 derrière toi,

ces traces de perdition

qui te déterminent

en ton fond ?

Nous, les Hommes,

vous les Femmes,

sommes des archipels

qu’une eau claire a désertés,

 il ne demeure qu’un

sable infertile qui,

loin de nous réunir,

nous disperse,

pareil à ce pollen printanier

 qui, jamais, ne connaît

le lieu de sa destination.

Il erre, de-ci, de-là,

se confiant à ce qu’il croît

être son destin

 mais qui n’est

que pure perdition.

 

Comme un signe sur l’eau

Un chemin s’ouvre

Nous faut-il le suivre ?

 

Toi l’Étrangère

en ta native étrangeté,

- mais ne sommes-nous déjà

étrangers à nous-même ? -,

Toi qui poursuis

ton chemin à l’aveugle,

aperçois-tu le désespoir

qui nimbe ma tête

d’une auréole floue,

diaphane,

mes yeux y perdent

leur pouvoir de voir ?

 Seules demeurent des larmes

 pareilles à un cristal vibrant.

Non, je ne cherche

nullement

ta compassion.

Non, je ne cherche

nullement

ton amour.

Non, je ne cherche

 nullement

ta considération.

Compassion est inutile.

Amour, jamais,

 n’est exaucé.

 Considération est toujours

considération de Soi.

Ceci, l’Étrangère,

tu le sais,

ceci qui nous désigne

tels des Iliens

dont même l’Île

aurait perdu ses contours,

se dispersant parmi

les flots de l’incertitude.

 Me trouveras-tu

 pessimiste ?

penseur triste ?

 Homme aux

abyssales pensées ?

S’il en est bien ainsi,

tu auras tracé

les limites d’une Vérité,

 tu auras donné

à la Condition Humaine,

dont je suis l’illisible fragment,

ses lettres de noblesse.

L’Humaine Condition est bâtie

autour d’un vide

et les milliers de langages

 de notre hystérique Babel

n’y pourront rien changer.

Jamais le vide

ne s’habille de paroles,

 le vide est silence,

 le silence est le chiffre

du nul et du non avenu.

Le silence est la matière

qui nous habite avec sa

plus constante détermination.

 Parfois nous croyons

proférer des sons,

articuler des mots

mais ce sont les mots,

 les sons qui abusent de nous,

se jouent de qui-nous-sommes,

nous faisant croire

à notre illusoire prestige.

Nous ne possédons

nullement le Langage,

c’est le Langage

qui nous possède

et décide de nous

jusqu’en nos murmures

les plus inaperçus.

 

Comme un signe sur l’eau

Un chemin s’ouvre

Nous faut-il le suivre ?

 

Toi, L’Étrangère,

je vois ton regard se porter

sur ce lumineux paysage.

Je devine, en toi,

ces milliers de ruisselets

d’un espoir qui voudrait

la transparence,

 qui voudrait le SENS,

au moins une fois accompli.

Oui, ce paysage est beau

 qui pourrait se décliner

sous les mots de Joie,

de Félicité, de Bonheur.

Certes, mais tu le sais,

tout comme moi,

un mot s’absente

qui fait s’écrouler

le château de sable

 de nos croyances.

 Ce mot qui manque,

ce mot qui résonne

de sa privation,

je le vois se former

sur la douce pulpe

de tes lèvres,

 je le vois s’inscrire

en lettres Majuscules

 sur le parchemin

 de ta peau :

 

SACRÉ

 

   Ce que disait le Poète Hölderlin,

c’était bien la perte du Sacré,

les dieux nous sont loin

dont nous n’entendons

plus la voix.

Ayant perdu les dieux,

 nous nous sommes perdus

à nous-même,

 nous avons fait

de notre solitude

le lieu d’une geôle.

Mais regardons

tant qu’il est encore temps

et disons la Beauté en son

immédiate signification.

 Le Ciel court là-haut,

tout là-haut,

là où sont les dieux

qui ne cherchent

même plus à nous voir,

le Ciel est leur seule patrie,

le Ciel est leur seule ouverture.

 La Terre est parcourue

de trop de failles,

la Terre est semée

de lézardes dans lesquelles

les Hommes se fourvoient.

 De fins Nuages,

à peine une gaze,

glissent sous la

pellicule du Ciel.

Peut-être ne sont-ils

qu’une joie qui s’efface

 et s’épuise à nous dire leur être,

nous ne le voyons pas.

Blanche est la ligne de l’Horizon.

Pure est la ligne de l’Horizon

qui se dissout dans la résille dense

de notre indifférence.

L’Eau est une grande

plaine neigeuse,

un genre d’âme qui flotte

et ne connaît nulle limite.

L’onde est si claire,

si lumineuse,

nos yeux s’y abîment

et en ressortent éblouis,

égarés.

Ils ne savent plus y lire

la belle mesure de la Poésie,

 ils ne savent plus y déchiffrer

la lettre de ce qui vient à nous

dans la pure faveur,

la grâce infinie des choses.

Et que sont ces Bâtons Noirs

qui émergent du Néant ?

 Et que sont ces Portiques,

 vers quel Mystère

nous conduisent-ils

dont nous avons désappris

le singulier alphabet ?

Nous sommes placés là,

 entre Ombre et Lumière,

 nous sommes d’étranges

Clairs-Obscurs,

 des êtres de Présence

dont une Absence

vient aussitôt ôter

la prétention à être.

Vois-tu, L’Étrangère,

si je peux te rassurer,

c’est à moi que je suis

le plus Étranger.

J’ai perdu le chemin

du Sacré,

celui qui dit l’Être

en sa multiple splendeur.

 Mon propre chemin,

si tu m’as suivi.

M’aideras-tu

à le retrouver ?

Je suis si séparé

 de-qui-je-suis,

je suis la Césure même

 par laquelle le Vers se dit,

 je suis le Milieu du Gué.

Aide-moi à franchir

la distance

qui me sépare de moi.

Là seulement sera

la réponse à l’énigme.

Deux moitiés assemblées

 forment-elles une Unité ?

Es-tu cette Moitié

au gré de laquelle

gagner ma complétude ?

Non, ne réponds pas,

le Silence sera ta réponse,

l’Attente ma Joie.

 

Comme un signe sur l’eau

Un chemin s’ouvre

Nous faut-il le suivre ?

 

 

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commentaires

S
https://www.youtube.com/watch?v=bpEmjxobvbY<br /> :)
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B
Bonjour. Merci pour ces "lacs du Connemara". BS.

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