Entre sel et ciel…vers Peyriac de Mer…
Photographie : Hervé Baïs
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Sur le désert du Monde
Cette ligne, seul langage
Qui me reste de toi
Vois-tu, j’ai dû m’exiler
De moi-même
M’oublier et n’inclure
Dans mes propres limites
Que cette image
Qui me parle de toi.
Certes le présent est modeste
Qui t’apporte, en même temps
Te soustrait à qui je suis,
Un homme aux mains vides,
Aux yeux désertés de larmes.
Car, sans doute le sais-tu,
J’ai trop pleuré pour connaître
La pluie bienfaisante
Au seuil de mes paupières.
Et, du reste que
Sert-il de pleurer,
On ne pleure jamais
Que sur le malheur
De sa propre condition.
Cette ligne d’oiseaux
Sur le désert du Monde
Tout, autour de moi,
Est dépeuplé,
Tout m’est solitude,
L’ample paysage vastitude,
La vie devant moi finitude.
Quelle dette ai-je
Contractée à ton égard,
Dont nul acte, jamais,
Ne pourra effacer la trace ?
Ta présence était un Soleil,
Une haute lumière,
Ton absence est de Lune
Et de froide Nuit.
T’imaginer est infinie douleur,
Plus forte que les promesses
Faites entre Amants.
Cruelle image
De dépossession,
Plus je m’éloigne,
Plus un peuple infini
De ruisselets
Me ramène à toi,
Me cloue à demeure
Et le jour sera long
Qui ne connaîtra
Nul crépuscule,
Sauf celui de mon âme
En proie aux hallucinations,
Aux longues dérives,
Aux flottements entre
Deux rives oniriques
Pareillement dépeuplées
De toute signification.
Cette ligne d’oiseaux
sur le désert du Monde
Je ne peux m’empêcher,
Ne serait-ce que
Par la pensée,
De convoquer l’eau,
Le ciel, la colline,
Les oiseaux qui furent
Les témoins d’une passion
Qui n’eut d’égale
Que le feu de Bengale
Qui en détruisit
La possible postérité.
Le ciel en sa
Poudre noire ?
C’est Toi.
Le ciel qui blêmit
Et vire à la neige ?
C’est Toi.
La colline de suie
Couchée sur l’eau ?
C’est Toi.
La ligne fuyante
D’oiseaux ?
C’est Toi.
La plaque luisante
De l’eau ?
C’est Toi.
Ma litanie, l’évocation
De ce qui, un seul jour,
Fut notre écrin n’a pour but
Que de t’extraire
Du monde des songes,
De te rendre plus réelle.
Deviendrais-tu ainsi saisissable
Et ma joie serait assurée
Au prix de ma folie,
Certes, de ma folie.
Mais plutôt connaître
La lame froide de la démence
Plutôt que de te perdre.
Si j’y retourne désormais,
Que me dira
Ce beau paysage lacustre ?
Que me diront
Toutes ces choses
Qui n’avaient de sens
Qu’à t’approcher,
Å te fêter telle une Reine ?
Cette ligne d’oiseaux
sur le désert du Monde
Non, ne souris pas
De mon cruel désarroi,
Il est tissé de ta chair
Et pourrait bien,
Un jour prochain,
Te métamorphoser
En statue de sel.
Libre ? Tu ne l’es plus depuis
Que j’ai pris possession de Toi,
Depuis que mon regard
t’a aliénée,
Que mes mains
t’ont désirée,
Mes illusions
t’ont fascinée.
Certes tu n’es pas à moi
Mais tu n’es pas plus à toi.
Tu es Celle que mon esprit forgera
Å l’aune de mes rêves les plus fous.
Tu seras Celle que j’aimerai
Au plus haut du ciel,
Celle que j’aimerai
Å la lumière du jour.
Celle que j’aimerai
Sur la terre noire.
Celle que j’aimerai
Comme j’aime
Cette grise ligne d’oiseaux.
Celle que j’aimerai telle Ophélie
Connaissant sa dernière eau.
Et je serai Celui qui te rejoindra
Au-delà de ta chair
Dans cette âme liquide
Que tu seras devenue.
Cette ligne d’oiseaux
sur le désert du Monde