Du cap de l’Abeille…au cap Béar …
Photographie : Hervé Baïs
***
en leur venue à nous ?
Que nous disent-ils dont, jamais,
nous n’aurions été alertés ?
Les Caps ne sont-ils
l’avancée de nos têtes
dans la diaphane
brume de l’exister ?
Nos pieds foulent le sol
d’humaine destinée,
mais ils n’intéressent
nullement le monde.
Ils sont trop prosaïques,
ils se confondent trop
avec le sol dont
ils émergent à peine.
Seules comptent nos têtes,
nos Figures de proue,
les images de notre
intime Épiphanie.
Que nous disent les Caps
en leur venue à nous ?
Nous les Hommes,
nous les Femmes
sommes identiques
à la lourde stature
de la Terre.
En nous courent
les sillons de glaise.
En nous germent
les humus
de nos croyances.
En nous se lèvent
les épis
de nos moissons.
Nous sommes
d’ombreuses argiles,
des tessons
d’antiques poteries
jonchant le parcours
de la vaste geste humaine.
Mais d’être Terre
ne suffit pas.
Nous avons besoin
d’un Ciel
et, surtout, nous avons
besoin d’une Mer.
Que nous disent les Caps
en leur venue à nous ?
Les deux Caps
sont sombres,
couverts de nuit.
Pourtant en eux
est logée
la pointe extrême
de la conscience,
le lumignon de la lucidité.
Mais la conscience,
mais la lucidité ne constituent
à elles seules un territoire,
une parcelle seulement.
La Terre des Hommes
et des Femmes
a enfin rejoint
son port d’attache,
l’ancre a été mouillée
qui se fixera
à une manière
d’éternité.
Que nous disent les Caps
en leur venue à nous ?
Les Caps sont de lourds cétacés
échoués au large d’eux-mêmes.
L’Abeille est un pollen triste,
un nectar éteint.
Le Béar est un massif de roches
qui a trouvé le terme
de son périple.
Béar, Abeille,
deux destins
parvenus à l’extrémité
de leur être.
Un long sommeil
tout contre la plaine
étincelante de la Mer.
Le vif de l’exister
s’est ici assoupi.
Ce que veut la conscience,
la contre-venue de l’Inconscient,
ce réservoir immense des Rêves,
cette fécondation
infinie des Songes.
Ce que veut la Lucidité,
cette Aire Blanche,
cette Écume encore
plus lumineuse
qu’elle ne l’a jamais été,
elle, la Lucidité,
la clarté humaine.
Car la Mer renferme
dans le luxe de ses abysses
bien plus que l’Homme
ne pourra jamais trouver en soi :
le secret de l’Homme
en tant qu’Homme,
la pliure originelle
de sa venue au Monde,
l’Onde qu’un jour il a été,
dont il a oublié
jusqu’au souvenir.
Que nous disent les Caps
en leur venue à nous ?
L’on se recule,
l’on prend du champ
et alors que voit-on ?
On voit l’âme même
de la Poésie,
autrement dit l’immense
beauté du Paysage,
autrement dit la gloire
infinie de la Nature.
Les Caps sont beaux
dans leur racinaire finitude.
Ils sont là allongés devant,
ils sont là pour dire,
précisément, le Cap
de tout cheminement
sur Terre.
Ils sont le Cap
vers le Grand Nord,
ils sont lumière
du Septentrion.
Ils sont lumineuses
aurores boréales.
Ils sont le Cap
d’une Espérance Bonne,
d’une joie attachée
à toute chose.
Que nous disent les Caps
en leur venue à nous ?
Les nuages sont haut,
très haut.
Ils regardent la Terre,
ils regardent la Mer.
La Terre se sait belle
d’être regardée.
La Mer se sait belle
d’être regardée.
Le Monde est beau,
en sa pure beauté
circonscrit.
Tout joue avec tout.
Tout conflue en tout.
Tout est en tout,
comme la malice
est dans les yeux de l’Enfant,
pur prodige d’être en un seul
et même empan de Soi.
Le Soi est Soi en Soi,
pour plus loin que Soi.
Le Soi est la Merveille.
Merveille de toute chose
en sa grâce retirée.
Que nous disent les Caps
en leur venue à nous ?
Tout est écho.
Tout est réverbération.
Tout est dialogue.
Abeille n’est que
grâce à Béar.
Abeille et Béar
ne sont que
grâce à la Mer,
à son blanc
surgissement.
Nuages ne sont que
grâce à Abeille,
à Béar,
à la Mer.
Abeille-Béar-Nuages-Mer,
infinie complétude
qui dit la Présence
en son mode
le plus accompli.
Conscience, Lucidité
ne sont en mode d’être
qu’au regard
d’Inconscient,
de Secret,
de Mer retirée
en ses golfes inaperçus.
Que nous disent les Caps
en leur venue à nous ?
Grand est le Destin de l’Homme
lorsqu’il se confronte à ce qui,
plus Grand que Lui,
jamais ne l’aliène
mais trace le cercle invisible
de sa propre Splendeur.
Des heures là,
des jours là,
des années là,
on pourrait,
on devrait
demeurer
sous le cercle
agrandi du Ciel,
sous la bannière grise
des Nuages,
face aux terrestres Cétacés,
face à l’Immense
de la Plénitude Marine
en son vertige brodé d’Infini.
La Nature est une Grande Chose.
L’Homme est une Grande Chose.
Les invisibles fils de la Poésie
sont là qui les unissent,
tressent à leurs fronts
les palmes de la Pure Joie.
Tout est Hymne
qui vient à nous
dans la félicité
du Paraître.
Que nous disent les Caps
en leur venue à nous ?