Image : Léa Ciari
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Posée sur sa main,
Elle demeure
En-deçà de Soi
Dans un territoire
Encore innommé
Est-elle née à ce monde
Ou bien l’hallucine-telle
Retirée qu’elle est
Dns le pli du secret
C’est à peine
Une onde légère
C’est à peine
Un ris de vent
A la face du lac
C’est tout juste
Un murmure
A l’orée des choses
Telle nous la voyons
Telle nous l’aimons
Comme on aime
La fleur au pré
Le nuage au ciel
Le sable doux
Au rivage
Alanguie sur sa main,
Vient-elle jusqu’à nous
Nous aperçoit-elle au moins
Nous comptons si peu
Dans l’heure qui court
Qui fuit au loin
Nulle souvenance de nous
En cette course folle
Un temps a passé
Un autre viendra
Qui nous laissera assoiffé
Au rivage du fleuve
Rêveuse sur sa main
Quel est le motif du songe
Une tâche à accomplir
Une Amie à rencontrer
Une lecture à poursuivre
Elle, l’Innommée
Est à la mi-nuit
D’elle-même
En l’ombre recueillie
Comme pour un étrange rituel
Une communion avec Soi
Le seul endroit lisible
Parmi les fabulations
De petite destinée
Il y a tant de secret
Tant de mystère
Et tout se mêle
Dans l’eau si fine
D’une brume
On est Soi
Là, à la lisière
De ce qui pourrait être
Mais jamais ne s’annonce
Un songe se lève et meurt
De son propre néant
Le visage est une jarre lisse
Un discret céladon à l’abri
Sa clarté vient à nous
Nous effleure et repart
Sans même avoir montré
La faveur de son être
Gauche, gauche
Est la face
De lumière et de
Vive inquiétude
Le front est un marbre
L’œil une présence-absence
Le nez une tige frêle
L’air une fragrance infinie
La joue un signe éteint
Les doigts un flambeau
Il féconde la Nuit
De son éventail de résine
Nul index ne pointe
Pour nous dire
Pour lui dire
Le chemin
Å accomplir
Droite, droite
Est la face
En son ténébreux silence
Elle s’adoube au Rien
Et se soustrait à la vue
Ici est le domaine
De l’invisible présence
Ici est le domaine
Des pensées libres
Ici est le domaine
Des résurgences
Peut-être d’amours anciennes
Peut-être d’œuvres laissées
Au bord du chemin
Peut-être de paysages
De haute lumière
Nul ne sait ce
Qui, ici, fait sens
Quel langage
En prédit la venue
Quel pinceau
En tracera l’esquisse
Quel graphite
En grisera le nom
Ô nom d’impossible venue
Tu nous laisses
Éparpillé en nous
Hagard, portrait blême
Ame errante
Au bord du vide
Mais pourquoi
Cette aphasie
Nos lèvres
Sont muettes
Mais pourquoi
Cette cécité
Nos yeux
Sont plombés
Mais pourquoi
Cette hémiplégie
Notre corps est
Scindé en deux
Qui cherche
L’autre moitié
Celle qui nous
Conduirait
Å l’Unité
Posée sur sa main
Alanguie sur sa main
Rêveuse sur sa main
Elle est notre
Part irrésolue
Celle par qui nous
Aurions pu exister
Mais vertical
Est le Destin
Qui nous prive
D’une part de nous
Nous prive
D’une part d’Elle
D’ELLE qui sera
Son seul Nom
Pour l’infini
Du Temps
Pour l’Infini
Du Temps
Posée sur sa main
Alanguie sur sa main
Rêveuse sur sa main