Dessin : Barbara Kroll
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Je ne vous ai nullement
Nommée par omission
Vous, la Rouge Tentation
Vous n’êtes présente
Qu’à être ma passion
Au sortir de ma nuit songeuse
Dans ma dérive bien hasardeuse
Vous avez soudain surgi
En une silhouette bien inouïe
Je demeurais hagard
Au matin jusque tard
Persuadé d’une pure illusion
Qui faisait se lever des frissons
Peut-être fouetter ma déraison
Mais laissez-moi maintenant
Vous écrire en prose
Il faut bien que j’ose
Mêlée de quelques rimes
Juste une question de rythme
Tout comme dans l’Amour
Que vous exaltez
Et qui me dispose
Å vous faire la cour
Ainsi rejoindrez-vous
Ce lieu prosaïque
D’un corps lubrique
.Jamais, je vous l’avoue
Je n’ai vu femme
Plus abandonnée
Plus à son vif désir liée
Vous êtes là
Sur un modeste sofa
Comme immédiatement livrée
Å l’appétit bien aiguisé
De quelque Curieux
Que je crois bien graveleux
Vous percevez-vous, au moins
En cette scabreuse posture
Pareille à l’Hétaïre livrée
Aux pensées les plus impures
Car il ne peut s’agir que de cela
N’est-ce pas
Votre corps ne vous appartient pas
Il est le lieu de mille festins
De mille rumeurs
Qui incendient les cœurs
Votre corps, mais en est-il un
Ce désordre de lignes
Ce mélange de signes
Mais qui donc peut s’y abreuver
Qui pourra ressortir l’âme en paix
Vous, la Rouge Tentation
Je ne vous ai nullement
Nommée par omission
Vous, la Rouge Tentation
Vous n’êtes présente
Qu’à être ma passion
Å votre égard
Je veux bien convoquer
Quelque sort du Hasard
Manifester de l’indulgence
Mais votre état ne serait-il
De simple indigence
Savez-vous combien
Votre image est troublante
Combien vous visant
Mes idées sont lentes
Êtes-vous un objet de la Nature
Un genre de démesure
Le résultat de quelque usure
Une dette à jamais soldée
Du bas au haut de votre corps
Quelle immense désolation
Vous vivez à ne jamais
Connaître de rémission
Pourquoi votre anatomie
Est-elle vide
Avez-vous été dépossédée
De sa note viride
Cette teinte qui dit la vie pareille
Å la pousse du végétal
Je ne sais si je suis
Votre unique Voyeur
Et d’autres yeux
Vous découvrant
Ceci serait ma terreur
Car, voyez-vous, lorsque
L’on est Courtisane
L’on se dispose à n’être
Dans la vaste savane
Que la proie guettée
Par mille appétits
Or d’appétit je ne
Veux que le mien
Je veux être votre seul lien
Oui, je vous place ardemment
En mon unique possession
Et ne plus vous apercevoir
Serait le lieu de ma perdition
Vous la destinée à la luxure
Me trouverez-vous porteur
D’idées bien impures
Mais le Mal attire le Mal
Le Vice attire le Vice
Tous deux sommes entrés
En un cycle infernal
Somme toute fatal
Dont nul ne pourra nous faire sortir
Alors, plutôt que de nous mentir
De quêter quelque repentir
Laissons-nous aller à la pente
De notre commun désir
Le vôtre, me soumettre
Å votre farouche volonté
Le mien : livrer mon âme
Au plus vil des péchés
Nous ne vivons
Que l’un par l’autre
Vous en votre état vénal
Moi en mon sentiment
Définitivement létal
Vous, la Rouge Tentation
Je ne vous ai nullement
Nommée par omission
Vous, la Rouge Tentation
Vous n’êtes présente
Qu’à être ma passion
Oui, votre Vie contre ma Mort
Oui, votre Mort contre ma Vie
Seules trois notes me crucifient
Le gribouillis de vos bas
Il est un fier appât
La résille mêlée de vos cheveux
Ceci me rend heureux
La grenadine violente de votre bouche
Permettez que je la touche
Jamais je ne connaîtrai de repos
Avant même le Grand Saut
Que je ne vous ai manduquée
Jusqu’à la moelle de vos os
Oui, de vos os
Vous, la Rouge Tentation
Je ne vous ai nullement
Nommée par omission
Vous, la Rouge Tentation
Vous n’êtes présente
Qu’à être ma passion