« Matin calme sur le lac »
Photographie : Hervé baïs
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Matin calme, si calme
Pour nous il déplie sa palme
Pour nous il est baume de l’âme
Le juste regard
Å l’horizon des choses
Toujours est-il demandé
Une vision nuancée
Du monde
Le juste regard, sinon
Les choses s’en vont
Pour ne plus reparaître jamais
Voir dans l’oblique
Dans l’ambiguïté est toujours
Au risque d’une perte
Le paysage
Au matin levant
Dans ses étamines de silence
Le paysage en sa belle venue
Demande à être vu
En la singularité de son être
Dans l’exactitude de ce
Qu’il a à faire paraître
Ne le ferions-nous
Serions-nous
Des êtres distraits
Distraits d’eux-mêmes
Distraits des choses
Alors tout s’effacerait
Dans une illisible nuit
Aux choses, au monde
Nous avons à être présents
De toute la dimension
Éployée de notre vision
C’est comme un devoir moral
Une exigence éthique
Aussi bien qu’un
Vouloir esthétique
Face à la laideur
Face aux insuffisances
De tous ordres
Face au désordre du monde
Nous pouvons oblitérer
Notre regard, poursuivre
Plus avant notre chemin
Sans nous soucier de rien
Matin calme, si calme
Pour nous il déplie sa palme
Pour nous il est baume de l’âme
Fermer ses yeux
Å la disgrâce du monde
N’est nullement faillir
Å sa tâche d’homme
Passer simplement
Ne nullement se retourner
Dissoudre dans les plis
De sa mémoire tout souci
Qui en altèrerait
Le sublime miroir
Car aux réminiscences
Il faut le champ
Libre de l’émotion
De la rencontre belle
Le sentiment plénier
De l’exister
Hors ceci point de joie
Qui viendrait se poser
Sur notre exacte pensée
Un pollen poudroie
Dont notre coeur
Se réjouit, se nourrit
Pour nous il déplie sa palme
Pour nous il est baume de l’âme
Matin calme vient à nous
Dans la pure discrétion
De sa douce donation
Matin calme est cette
Eau de source claire
Cette frange d’écume
Venue du plus haut du ciel
Matin calme est à nous
Comme nous sommes à lui
Nulle dispersion de soi
Qui nous livrerait au bruit
Nulle angoisse qui nous
Jetterait dans la nasse du Rien
Nulle entaille qui ferait de
Nos corps des fragments épars
Matin calme
Est joie arrivée
Dans la facilité
Dans la docilité
Nul effort à convoquer
Tout est corne d’abondance
Nos yeux pure émergence
Sont emplis de lumière
Nos mains en corolle
Reçoivent du ciel l’obole
Bras et jambes confiés
Au limon d’un marais
Matin calme, si calme
Pour nous il déplie sa palme
Pour nous il est baume de l’âme
On est là, au creux
Le plus secret de Soi
On est là dans l’immédiate
Et donatrice Nature
Soi et Nature : le même
Nature et soi : le même
Ô qu’il est heureux
De sentir en Soi
Le doux et généreux
Éveil du Monde
Tout se déplie
Dans la lenteur
Tout s’irise en
Une pluie légère
Le Ciel est comblé
D’être le Ciel
D’être si haut
En sa jeune
Et éternelle essence
Il est semé de gris
Une infinie tendresse
Le touche, le caresse
Le ciel vient de loin
Va loin, il est l’Infini
Que nos destinées
D’hommes finis
Mesurent tels
Leurs abîmes
Parfois si béants
Ils pourraient frôler
Quelque Néant
Gris, le Ciel repose
Sur un lys diaphane
Est-il symbole
De quelque pureté
Calme est le matin
Léger est le silence
Des collines se lèvent
Å l’horizon
Dans des voiles de coton
Un relief assagi dort encore
Peuplé de rêves d’aurore
La Terre cherche
Le lieu de ses assises
Les dormeurs cherchent
Un refuge à leurs rêves
Matin calme, si calme
Pour nous il déplie sa palme
Pour nous il est baume de l’âme
Une ligne blanche
De pure beauté
Relie l’eau à la colline
Eau, Colline, Ciel
Trois mots pour dire
Une même réalité
Une même Unité
Tout est écho
Tout est reflets
Tout est au regard
Immédiatement donné
Tout est Beauté
L’eau du Lac est un miroir
S’y illustre le nonchaloir
De plantes aquatiques
L’Espace est ici musique
Le Temps a déjà fui
Nos tempes ont blanchi
Et nous demeurons là
Pareils à des Veilleurs
De l’infini
Oui, de l’Infini
Cette si belle Poésie
Matin calme, si calme
Pour nous il déplie sa palme
Pour nous il est baume de l’âme