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15 juillet 2020 3 15 /07 /juillet /2020 08:23

 

Là où s'annonce la nuit.

 

ZOI5 

 Photographie : à propos de Zoï. 

 

                                                 

       Regardant, nous sommes déjà au-delà de nous-mêmes, emportés hors de nos limites, soustraits à ce qui pourrait survenir d'un possible réel. Nous sommes sans lieu, sans temps, égarés parmi des blocs d'incertitude, flottant au milieu des arêtes bleues des icebergs, sous le ciel perdu où même les oiseaux ne s'arrêtent plus. Leur chant arrêté en plein vol. Leurs cris proférés en-dedans de leur mutisme gris. Ce ne sont que rapides hallucinations, dérives  lointaines, boussoles sans Nord. Infinies girations  que seules les Etoiles voient alors que l'outre-ciel vire à l'indigo, au pourpre, à l'azur.

Mais pourquoi donc tant de questions ouvertes ?

Pourquoi tant de couleurs sourdes, privées de significations, pourquoi tant d'occlusions ?

Mais sont-elles définitives ?

Mais sont-elles mortifères ?

Mais sont-elles annonciatrices de néant, de disparition ?

Pourquoi ne sommes-nous donc pourvus de l'œil de l'aigle afin qu'une fois, une seule, nous puissions enfin voir ce qui, toujours, se refuse à nos pupilles ?  

Pourquoi ne pas avoir l'ouïe perçante des chauves-souris et saisir ces langages étranges qui parcourent le monde de leurs rémiges largement écartées et nous n'en pouvons rien saisir ? Pourquoi pas le promontoire infiniment mobile du caméléon par où sont vues, en une myriade de menus mouvements, les fragments étranges des microcosmes ?

Pourquoi pas la langue infiniment rétractile du tamanoir et nous saisirions, d'une seule projection, les milliers de fourmis au riche langage qui tapissent l'intérieur de la terre de leur miellat plus brillant que la gemme ?

Pourquoi pas les mains habiles du capucin, sa queue hautement préhensile, et plus rien ne nous échapperait des fruits oblongs, emplis de graines juteuses, des forêts tropicales ?

Pourquoi pas tout cela au sein d'une prolifique corne d'abondance et alors nous serions comme l'Enfant prodigue, ébloui de retourner au foyer qu'il avait déserté ayant refusé d'en connaître l'inépuisable ressourcement ?

 Regardons à nouveau  l'image. Mais souvenons-nous que nous n'avons ni l'œil de l'aigle royal, ni celui, périscopique du caméléon et nous n'entendons guère plus qu'une taupe enfouie dans le profond de sa galerie. Nous avouons, avec une certaine candeur, que nous apercevons seulement une belle jeune femme partiellement dévêtue qui semble évoluer tout près des cintres intérieurs d'une église, alors que la pénombre est partout répandue et qu'une tache de clarté isole le Sujet afin que nous nous appliquions à le regarder. Mais le voyons-nous seulement ? Certes nous l'apercevons. Certes, si nous étions habiles, à l'aide d'un fusain et d'une estompe, nous pourrions en réaliser une rapide esquisse. Et après ? Que resterait-il de tout cela, sinon une silhouette commise à un prochain effacement ? Rien ou quelque chose d'approchant.

  Aurions-nous eu, l'ombre d'un instant, ce merveilleux et irremplaçable sixième  sens dont quelques animaux sont atteints et alors nous aurions pu dire la Nuit, son royaume majestueux, sa marche altière alors que le crépuscule tombe, que s'allument les étoiles au firmament, nous aurions pu évoquer ses vêtures pareilles aux voiles dont se parent quelque Princesse des Mille et une nuits, nous aurions pu faire surgir la pure merveille, toujours à portée de nos yeux, que jamais nous n'effleurons, atteints que nous sommes d'un perpétuel égarement, d'une inconsistance de l'âme à rejoindre ce dont elle est constituée, d'ineffable seulement.

 

 

 

 

                                                      

 

 

 

 

 

 

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