Eh bien, voilà, il fallait tomber un jour dans le chaudron ! Faut dire, le Jules était un peu impatient de vous les présenter "les Copains" et, cerise sur le gâteau, "Le Club de l'Eternelle Jeunesse", la cheville ouvrière d'Ouche, son incontournable Image d'Epinal, son âme bien disposée à festoyer, à boire le vin jusqu'à la lie. Car, voyez-vous, au milieu d'une rusticité de bon aloi, les Ouchiens et les Ouchiennes y pensent encore un peu à la bagatelle, à la bonne chère, à la ripaille, à la vie en pente, à la bonne franquette. Et ils y pensent d'autant plus qu'ils ont que ça à faire, la fête, jusqu'à plus soif, plus se trémousser, plus avoir une miette d'énergie dans la musette. Faut bien que jeunesse se passe, que vieillesse se tasse, que le temps trépasse.
Alors, vous , vous attendez quoi pour aller les retrouver les "papimamis", les bienheureux impétrants des Caisses de retraite ? Des tours, comme les magiciens, ils en ont plein leurs sacs…
Le "Club de l'Eternelle Jeunesse".
Eh bien, à Ouche y a une sorte de ratatouille où tout se mélange, un vrai RATA, et cette pitance on la sert trois fois par semaine aux bonnes âmes du coin, c'est même la Commune qui met sa toque blanche, ses sabots vernis, qui dresse les tables avec des nappes en papier, des couverts en plastique, des gobelets en carton, et le Maire lui-même, parfois son Adjoint ou un sous-fifre de service, disposent autour des tables juponnées, les Aubergines nées en 12; les Courgettes nées en 20; les Tomates en 18; les Poivrons en 30 et alors, tout autour de la table ça caquette et ça aspire, ça mâchonne et ça rumine, ça glousse et ça gémit, ça miaule un brin entre deux verres d'anisette, ça raconte "qu'autrefois même c'était mieux", ça dit que "maintenant y a plus rien qui va; qu'on fout le feu aux bagnoles rien que pour rigoler"; ça renifle et ça clapote; ça remonte les fèves au grenier; ça flotte dur dans les fringues de chez Damart-Thermolactyl; ça flageole des gambettes, ça ricane parfois en mâchouillant la tourtière; "et c'était bien en 14-18 quand nos hommes étaient au front, c'est pas qu'on les trompait mais des fois on faisait des entorses à la vertu, fallait bien passer le temps"; ça cascade le blanc doux dans les gosiers; "c'était chouette autrefois les dépiquages et la gerbière et les vendanges avec plein de vin qui dégoulinait des barriques"; on éructe à la cantonade mais on s'excuse pas, ça prendrait trop de temps "et le temps il nous est compté"; on fonce sur le clafoutis de l'Yvonne, on se remet un coup de Monbazillac, du sucré, du liquoreux; on soigne un peu sa goutte, demain on ira "au Docteur", et puis, quand le Rata est bien mûr, quand les bocaux de prunes sont vides, même l'eau de vie y en a plus, on débarrasse les tables et l'Edmond il prend son piano à bretelles et l'Eva elle tambourine sur les assiettes en carton et le Louis il fait des castagnettes avec son couteau et sa fourchette et le "RATADOUCHE" se met en marche, et alors ça chauffe Marcel, ça chauffe tellement que le "Club de l'Eternelle Jeunesse" il est ,à proprement parler, en ébullition et ça tourne autour des tables et par terre y a les mouchoirs en papier, les nappes, ça fait comme la jonchée de la mariée, et le long mille-pattes ondule et se bidonne, et les Aubergines et les Courgettes s'arrosent de confettis et on met des chapeaux pointus avec des ficelles en argent qui pendent derrière, et on souffle dans des mirlitons et des fois on pleure cause au vin mauvais, et on dit "que ça vaut pas les bals musette" et les grands jours de Monbazillac millésimé, y en a qui tombent et on les refile à l'hosto pour que les plombiers de service revissent en douce les cols des fémurs, et les "papimamis" remontent leurs joggings Adidas, primo pour faire plus jeune, secundo pour pas s'empêtrer les grolles dedans, tertio pour serrer un chouïa la viande qui se fait la malle et puis quand le Rata est tout au bord de la fatigue, que l'accordéon miaule comme le chat du Siméon, que les claquettes claquettent plus, y a le Poivron-en-chef-de-la-semaine qui claque des mains au-dessus de sa tête de condor, à la façon d'un danseur de flamenco et ça veut dire qu'il faut faire la danse du balai, remettre un brin de papier blanc sur les tables, que Léon, pour son anniversaire - on est pas tous les jours centenaire -, il a amené une galette des rois du boulanger et du cidre du temps de sa jeunesse et on va trinquer tous en chœur et même la veinarde (y a plus de femmes que d'hommes, c'est comme ça, faut pas chercher à comprendre, c'est simplement la loi du genre), donc la veinarde qui trouvera la fève, d'abord elle en paiera deux autres de galettes et c'est elle qui sera la Chef-Aubergine de la semaine prochaine et la semaine prochaine ça sera au tour du Gustave d'arroser sa carcasse un brin nonagénaire et on fera péter les bouchons et la semaine d'après ça sera encore mieux parce qu'il y aura le pack complet, la Laura, L'Antoinette, l'Amélie qui, à toutes les trois, dépassent les deux siècles et demi, d'ailleurs pour l'occase elles mettront leurs robes de mariées empesées à la naphtaline et on parie que ce sera ce lubrique de Jemblain qui se débrouillera pour les leur piquer les jarretières et on après on fera la quête pour acheter plein de coques avec plein de fèves dedans et comme ça y aura plus que des Rois et des Reines, et le temps passera, les heures, les minutes, les secondes, puis chacun déposera sa couronne, son habit d'hermine, ses écussons en forme de fleurs de lys et puis, de temps en temps, on troquera ses habits de Roi pour les frusques funèbres, pour les nippes d'outre-tombe et on accompagnera Félicia, puis Adélaïde, puis Félicité à leur demeure en forme d'éternité avec du buis tout autour et des plaques avec leurs noms gravés dessus - en doré-, ça fait plus mortuaire, et on dira pour se consoler, "c'est la vie, y a rien à y faire et puis on s'en tire pas si mal tant que ce n'est pas notre tour" et on fera comme un grand conseil de révision dans la salle des fêtes de la Mairie et on recrutera des nouveaux, des fraîchement émoulus des Caisses de retraite et on les intronisera, on leur apprendra les règles de la Grande Confrérie, même on offrira un pot aux frais de la Commune et on invitera des bambins de la Maternelle juste pour leur montrer comment ils seront dans quelques années et puis on s'y prend jamais assez tôt pour les nouvelles recrues, faut bien assurer sa descendance et le soir, quand les gamins seront partis, entre les rouleaux de serpentins, les tas de confettis et la pâte rose qui file entre les doigts, on fera quelques galipettes sur le parquet, histoire de retomber un peu en enfance et le lendemain on aura ses photos dans "La Gazette d'Ouche", entre le Maire et la Cantinière, alors, dites, si ça vous tente pas de rejoindre le Club de l'Eternelle Jeunesse, c'est que vous êtes blindé comme un vieux blaireau, mais vous finirez par y venir, vous aussi, y a l'Odette qui danse si bien la bourrée et l'Yvette qui fait des crêpes si bonnes et l'Andréa qui fait...Oh non je vous dis pas pour l'Andréa, ça serait pas convenable, oh juste une petite allusion pour vous mettre l'eau à la bouche, on dit que l'Andréa elle a le feu au tambour et on est pas mauvaises langues et elle dit elle-même qu'elle réveillerait les sens d'un mort, aussi bien d'un vivant, d'ailleurs, et l'Hubert et le Grégoire y se défendent de succomber aux charmes de l'Andréa et même quand ils frottent un peu avec elle pendant les tangos, ils disent que c'est pas leurs sens qui sont éveillés, que c'est l'Opinel qu'ils ont toujours dans la poche que l'Andréa elle prend pour argent comptant et qu'elle peut toujours se faire des illusions l'Andréa, leur virilité ça fait belle lurette qu'ils l'ont remisée au placard et que "l' ancienne belle" ils dansent avec juste cause à l'arthrose qu'il faut réchauffer pour éviter d'avoir les jambes raides, alors, vous voyez, on y trouve ce qu'on veut à "l'Eternelle Jeunesse", on y trouve des crêpes, du Monbazillac, plein de centenaires et puis, entre nous, vous êtes pas obligé de vous frotter contre l'Andréa, d'ailleurs qui s'y frotte s'y pique, elle se rase plus et parfois on la prend pour son "pôôôvre frère" qui lui ressemblait comme deux gouttes de vin. Alors quoi, vous dites que vous voulez réfléchir avant de prendre l'inscription au Club ? Vous avez bien raison mais réfléchissez pas trop longtemps quand même, vous savez elle tourne si vite la roue et si vous loupez le coche on passera à d'autres et il se peut bien qu'après, vous aurez des regrets éternels marqués sur une couronne avec des perles en céramique tout autour, enfin on veut pas vous filer le bourdon mais des occases comme le Club ça se trouve pas tous les jours et blabla et blabla...