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19 mars 2013 2 19 /03 /mars /2013 17:13

 

VIVE LE NU !

 

VIVE LE NU.

 

 

  Mais pourquoi donc le nu deviendrait-il une "chose honteuse" ? La Nature ne nous a-t-elle pas livré au monde aussi dévêtu que la pomme, avec juste la peau et rien dessus ? Et combien se sont sans doute étonnés, chatouillant notre gentil sexe de bébé, de la beauté et de l'innocence des choses ? La nudité, quelle qu'elle soit est toujours belle. J'allais dire "artistique". Et, d'ailleurs, pourquoi pas ? Les choses ne sont jamais belles en elles-mêmes comme si une faveur leur était échue par quelque don du Ciel. C'est NOTRE REGARD et lui seul qui épiphanise le monde et le détermine selon telle ou telle inclination.

  Une belle jeune femme nue, sa plastique fût-elle éloquente est moins érotique qu'une de ses épigones qui, pour l'imiter, met à mal la ci-devant beauté. Bien des comportements pudibonds et puritains ne sont que frustrations qui se retournent et disent le monde selon une vue peccamineuse inspirée par Lucifer lui-même. Seule la provocation est vulgaire, parfois teintée d'une troublante pornographie. Mais ne confondons pas. Ce que nous voyons alors, ce n'est pas la nudité, mais la gaucherie de l'âme et l'intention mauvaise.

  Mais de quoi auraient donc à rougir des individus nus, fussent-ils plus ou moins bien considérés par la Nature, du simple fait de l' exposition de leurs corps à la lumière ? Ce sont toujours les faits cachés, les vérités tronquées, les petits crimes dissimulés qui font de l'homme, parfois, un être à la dérive. Combien sont belles les Lolita, les sublimes modèles qui posaient ingénument pour Balthus, les Filles-fleurs de David Hamilton, les esthétismes habilement dénudés d'un Jeanloup Sieff. Ici, ce ne sont pas des vices mis à la disposition du Voyeur afin qu'il s'en délecte; ce sont de pures Formes, si près des "réalités" platoniciennes qu'elles apparaissent à la façon d'idéalités.

  Le peintre, le photographe proposent, le Regardeur de l'œuvre termine celle-ci à sa manière qui lui est "intimement personnelle", si l'on peut oser ce pléonasme. Terminer cela qui a été commencé par autrui peut aussi bien incliner du côté du vice que de celui de la vertu. Ce que l'artiste propose de son travail, c'est une compréhension au plus juste, non une interprétation fantaisiste ou dévoyée de son objet. Après tout chacun est libre d'avoir les "pensées" qu'il veut, ces dernières fussent-elles fausses, arbitraires, complaisantes.

  Depuis au moins le péché originel, le corps est considéré de l'extérieur de lui-même, en raison du préjugé qui lui est attaché dès l'instant où il est mis en question. Mais le corps n'est nullement, en soi, juste ou faux, bon ou mauvais, porté à la méditation ou à la luxure. Tout désir le concernant ayant été décrété vicié, sinon vicieux, tout regard l'approchant est déjà supputé fautif, gauchi, perverti. Et l'on sent bien combien cette "pétition de principe" est entachée d'erreur, empreinte d'une mythologie religieuse qui en affecte les fondements. Etrange dialectique du maître et de l'esclave. Le corps serait donc réduit à l'esclavage sous la seule dictée du maître tout-puissant. Mais alors l'on sent bien combien le décret est hors de son objet. Toute femme arborant son corps, quand bien même ce serait en toute modestie, est immédiatement reconduite au rang infamant d'hétaïre.

  Ôter le voile dissimulant les choses , du temps des anciens Grecs, c'était nommer la vérité elle-même en son interprétation aléthéiologique. Il semble  bien, maintenant, qu'à voiler ce qui, par essence, demande à paraître sous les auspices d'une humanité originelle, ceci devienne non seulement suspect, mais attentatoire à la plus élémentaire pudeur et, par voie de conséquence à la morale. Mais qui sont donc les habiles rhéteurs qui décrètent les lois de la vision afin que notre regard se conforme à leurs austères vœux ? De qui tiennent-ils leur sapience ? Et d'ailleurs ne s'agirait-il pas, au contraire, d'une étroitesse de vue confondant le Sujet de la vision avec son Objet. Nul ne peut empêcher qu'il soit regardé avec les yeux de Chimène ou bien que se liguent à son encontre tous les vents de la haine, de la jalousie ou de quelque autre inclination "humaine trop humaine".

  Mais que les censeurs de tous bords laissent donc vivre et s'éployer les corps dans leur innocente nudité. La vie est faite pour cela. Au moins provisoirement. Le destin de tout corps est, en fin de compte, de se dévêtir de ses masques afin de se livrer à la finitude. Mais, avant d'être métaphysique, tout corps est, par vocation naturelle, physique. Ôtons-lui donc ses bandelettes de momie tant qu'il est encore temps !

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