Œuvre : André Maynet (Détail)
***
Les anges existent
Souvent la nuit
Dans le pli des ténèbres
Me réveillant en sursaut
Je croyais saisir
Ces êtres ineffables
Qui tressaient à mes rêves
Les délices d’une fable
Le plus souvent
De cette apparition
Ne demeuraient que
Quelques hallucinations
Quelques illusions
Que le jour vite dissipait
Quelle douleur alors
Que ma solitude
Qui n’étreignait
Que des voiles d’hébétude
Quelle errance
À l’approche du jour
Je demeurais en silence
Au bord du possible
J’en priais la venue
Comme un enfant sensible
Attend son Noël
*
Les mains battaient le vide
Les bras n’étreignaient rien
Les hanches étaient orphelines
L’ombilic à peine une ombre
Le sexe à cent lieues de sa gloire
Les pieds joints comme
Pour une crucifixion
*
Que t’arrive-t-il
Qui te confine ainsi en toi
Me demandaient mes amis
En plein désarroi
Tu n’es plus qu’une braise
Que le jour éteint
Qu’un signe usé
Aux cimaises d’un musée
Aussi je divaguais
La journée durant
Souhaitant qu’enfin
En une nuit élue
Le mystère s’accomplît
De la discrète venue
De cette brume de chair
De ce songe aérien
Qui faisaient au ciel
De ma chambre
Ce baldaquin de beauté
Dont j’attendais
Pure félicité
*
Imagine-t-on plus belle vision
Que celle dont un dieu
Vous fait le don
Cet ovale du visage si peu tenu
Il pourrait s’effacer à tout instant
Ces yeux profonds en amande
Ces sourcils parenthèses d’amour
Ce nez si fuyant
On dirait un musc
Qui va et vient
Jamais ne se pose
Ce cou d’amphore
Ces attaches de soie
Ces épaules fragiles
Les boutons des seins
Qu’éclaire un rouge éteint
Le nombril en sa mince vasque
Les mains comme des insectes
La douce entaille du sexe
Le mont de Vénus étonné
*
Et puis ces ailes de tulle
Ces effleurements de joie
Ce luxe du vol annoncé
Ne serait-ce là ce qui
À moi destiné
Parfois me rend fou
Parfois me désespère
Mais comment faire
Pour saisir là toujours
Ce qui fuit
La feuille dans le vent
Le vol de l’oiseau
La couleur état d’âme
Le rythme d’une poésie
L’éclosion d’une larme
L’éclair d’une intuition
*
Depuis que je l’ai vue
L’Ange avait un sexe
C’était une jeune fille
Avant qu’elle fût nubile
C’était une voix
Qui faisait sa lumière
Immobile
C’était une parole si ténue
Un bruit cristallin
Comme en font les séraphins
Ses cousins
*
Depuis que je l’ai vue
Mes amis
Ne me reconnaissent plus
Je suis paraît-il si éphémère
On me prendrait
Pour un rameau de lierre
A la recherche de son lieu
Ils sont naïfs je vous le dis
Mes amis
Les anges n’ont pas de lieu
Pourquoi en aurais-je un
Ma chambre est en plein azur
Parmi une pluie de colombes
Leurs plumes si blanches
Tout contre mes hanches
Peut-on rêver mieux
Que d’être un ange
Je vous le dis
Précieux amis
Peut-on rêver mieux
Que ce rouge rubis
Le désir est un feu
Qui brûle à jamais
Au plus haut des cieux
*