Photographie : Blanc-Seing
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Quel feu nous parle ici
Me disais-tu
C’est tout juste si nous l’apercevions
Caché là-bas dans le creux du vallon
Il faisait sa sourde présence
Son chant si discret
Sa parole de nuit
*
Je te disais
Prends garde à lui
Il pourrait devenir cendre
A seulement en ignorer la présence
A l’oublier dans le tumulte
D’une fuyante existence
*
Nous avancions d’un pas si discret
Le vent eût pu l’annuler
Il était heureux à cette heure native
Que rien n’advienne
Qu’aube et silence
Nos vies frôlaient le temps
Sans même que nous en sentions
Le ténébreux événement
Nous avancions seulement
Nous avancions
Hors de nous
Hors du temps
*
Quel feu nous parle ici
Telle était ton antienne
Ton intime rumeur
De toi elle débordait
Dans le mot retenu
A peine si tu chuchotais
Dans le jour qui sourdait
*
A ta question je répondais
Par une autre question
Que nous importe ce feu
S’il n’est résurgence
De notre passion
S’il n’est ouverture
De cette dimension
Par nous oubliée
De nos destinées
Qu’un rien a soudées
Qu’un feu éteindrait
*
En bas dans la vallée
Des hommes
L’heure faisait
Son étrange bourdonnement
Les troupeaux allaient aux champs
Les enfants faisaient voler
Leurs cerfs-volants
Les collines dans la brume
Se hâtaient lentement
Les ruisseaux sous les feuilles
Distillaient leur écume
*
Quel feu nous parle ici
En réalité rien ne parlait
Que nous ne sachions
Dans la claie
De nos cœurs endeuillés
C’était la fin de l’été
Bientôt viendraient les jours
De moindre lumière
Bientôt surgiraient
Les premières bannières
Qui signeraient l’heure de partir
De quitter cet ici
Où nous n’avions rien appris
Que ce vertical sursis
Il n’était que notre heure alanguie
Le glaive de notre souci
*
Quel feu nous parle ici
Nous errions sur les chemins
De grande lassitude
Nous rivions
A nos folles habitudes
Le bleu se perdait là-bas
Dans le ciel
Deux silhouettes disparaissaient
A l’horizon
A n’en pas douter
Nous n’avions nulle destination
Aucune raison d’espérer
Au-delà de notre narration
Ainsi coulent les eaux
Au lieu de leur perdition
Jamais elles ne voient
Leur résurgence
Seulement l’abîme ouvert
De leur béance
*